La nouvelle chanson de Damien Saez ne figure pas dans son dernier album God blesse, et n'est en vente nulle part. Composée et enregistrée en deux jours au lendemain du premier tour de la présidentielle, Fils de France est pour l'instant destiné à vivre et à grandir exclusivement sur Internet. "J'ai vu les larmes aux yeux / Les nouvelles ce matin / 20% pour l'horreur / 20% pour la peur", dit cet opus à mi-chemin entre l'hymne et la hargne.

Loin de l'esprit apparemment désabusé de Jeune et con, son premier succès paru en 2000 et vendu à plus de 200 000 exemplaires, Damien Saez a changé. A 24 ans, il vient de prendre "une leçon de civisme et de démocratie" qu'il n'est pas près d'oublier. D'instinct, comme d'autres sont descendus dans la rue, il a fait ce qu'il savait faire, une chanson. "Il n'y a pas eu de réflexion. Je suis rentré en studio pour enregistrer le morceau sans demander l'autorisation. Je n'ai pas dormi pendant quatre jours, raconte-t-il. Si cette chanson peut pousser ne serait-ce qu'une personne à aller voter, ça sera toujours ça de moins pour l'autre."

"L'autre", bien sûr, c'est Jean-Marie Le Pen. Damien Saez ne le nomme jamais, comme si c'était déjà donner au président du Front national une chance de gagner des voix. Et pour cause. Enfant d'une élection, Fils de France est aussi celui d'une frustration, celle de n'avoir pas pu voter. Condamné à six mois de prison ferme et sous mandat de dépôt pour ne pas avoir rempli ses obligations militaires, le jeune rebelle ne pouvait pas, en décembre 2001, s'inscrire sur les listes électorales. Après avoir fait appel, il a finalement été relaxé le 17 avril.

Trop tard pour voter, mais pas pour espérer. "Pour les rêves qu'on a faits / Et pour ceux qu'on fera / Pour le poing qu'on a levé / Pour celui qu'on lèvera / Pour un idéal / Pour une utopie / Allons marchons ensemble / Enfants de la patrie", lance-t-il d'une voix rageuse sur fond de guitare saturée.

Plus qu'un engagement politique, cet "enfant du métissage", comme il se décrit lui-même, semble surtout vouloir montrer son attachement à la terre sur laquelle il est né. "La France, c'est le pays où va mon cœur", dit-il. Mais il a "honte de ce qui est en train d'arriver". De ce double sentiment, Damien Saez a tiré un titre à double entendement : Fils de France comme une insulte, Fils de France comme une fierté.

Louise Prothery