Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis, Et que de l'horizon embrassant tout le cercle Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ; Quand la terre est changée en un cachot humide, Où l'Espérance, comme une chauve-souris, S'en va battant les murs de son aile timide Et se cognant la tête à des plafonds pourris ; Quand la pluie étalant ses immenses traînées D'une vaste prison imite les barreaux, Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux, Des cloches tout à coup sautent avec furie Et lancent vers le ciel un affreux hurlement, Ainsi que des esprits errants et sans patrie Qui se mettent à geindre opiniâtrement. - Et de longs corbillards, sans tambours ni musique, Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir, Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique, Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir. C.B.
Ganaz Il y a 5 ans

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;

Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;

Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,

Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.

- Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.

C.B.

"Le vase où meurt cette verveine  D'un coup d'éventail fut fêlé ;  Le coup dut effleurer à peine :  Aucun bruit ne l'a révélé. Mais la légère meurtrissure,  Mordant le cristal chaque jour,  D'une marche invisible et sûre  En a fait lentement le tour. Son eau fraîche a fui goutte à goutte,  Le suc des fleurs s'est épuisé ;  Personne encore ne s'en doute ;  N'y touchez pas, il est brisé. Souvent aussi la main qu'on aime,  Effleurant le cœur, le meurtrit ;  Puis le cœur se fend de lui-même,  La fleur de son amour périt." René-François Sully Prudhomme
Marta012 Il y a 5 ans

"Le vase où meurt cette verveine 
D'un coup d'éventail fut fêlé ; 
Le coup dut effleurer à peine : 
Aucun bruit ne l'a révélé.

Mais la légère meurtrissure, 
Mordant le cristal chaque jour, 
D'une marche invisible et sûre 
En a fait lentement le tour.

Son eau fraîche a fui goutte à goutte, 
Le suc des fleurs s'est épuisé ; 
Personne encore ne s'en doute ; 
N'y touchez pas, il est brisé.

Souvent aussi la main qu'on aime, 
Effleurant le cœur, le meurtrit ; 
Puis le cœur se fend de lui-même, 
La fleur de son amour périt."

René-François Sully Prudhomme

"Je voudrais que tu sois là Que tu frappes à la porte Et tu me dirais c'est moi Devine ce que j'apporte Et tu m'apporterais toi. C'est dimanche il est 8 heures Et je ne veux pas sortir Et je m'ennuie à mourir Alors je t'écris mon ange Une chanson du dimanche Une chanson pas très drôle Mais on y ajoutera Mardi soir un grand couplet Viens dormir sur mon épaule Et on ne dormira pas." Boris Vian
Sémiramis Il y a 5 ans

"Je voudrais que tu sois là
Que tu frappes à la porte
Et tu me dirais c'est moi
Devine ce que j'apporte
Et tu m'apporterais toi.

C'est dimanche il est 8 heures
Et je ne veux pas sortir
Et je m'ennuie à mourir
Alors je t'écris mon ange
Une chanson du dimanche
Une chanson pas très drôle
Mais on y ajoutera
Mardi soir un grand couplet
Viens dormir sur mon épaule
Et on ne dormira pas."

Boris Vian

Bizarre déité, brune comme les nuits, Au parfum mélangé de musc et de havane, Oeuvre de quelque obi, le Faust de la savane, Sorcière au flanc d'ébène, enfant des noirs minuits, Je préfère au constance, à l'opium, au nuits, L'élixir de ta bouche où l'amour se pavane ; Quand vers toi mes désirs partent en caravane, Tes yeux sont la citerne où boivent mes ennuis. Par ces deux grands yeux noirs, soupiraux de ton âme, O démon sans pitié ! verse-moi moins de flamme ; Je ne suis pas le Styx pour t'embrasser neuf fois, Hélas ! et je ne puis, Mégère libertine, Pour briser ton courage et te mettre aux abois, Dans l'enfer de ton lit devenir Proserpine ! Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal
suffragettes AB Il y a 5 ans

Bizarre déité, brune comme les nuits,
Au parfum mélangé de musc et de havane,
Oeuvre de quelque obi, le Faust de la savane,
Sorcière au flanc d'ébène, enfant des noirs minuits,

Je préfère au constance, à l'opium, au nuits,
L'élixir de ta bouche où l'amour se pavane ;
Quand vers toi mes désirs partent en caravane,
Tes yeux sont la citerne où boivent mes ennuis.

Par ces deux grands yeux noirs, soupiraux de ton âme,
O démon sans pitié ! verse-moi moins de flamme ;
Je ne suis pas le Styx pour t'embrasser neuf fois,

Hélas ! et je ne puis, Mégère libertine,
Pour briser ton courage et te mettre aux abois,
Dans l'enfer de ton lit devenir Proserpine !

Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal

I Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes, L'univers est égal à son vaste appétit. Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes ! Aux yeux du souvenir que le monde est petit ! Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme, Le coeur gros de rancune et de désirs amers, Et nous allons, suivant le rythme de la lame, Berçant notre infini sur le fini des mers : Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme ; D'autres, l'horreur de leurs berceaux, et quelques-uns, Astrologues noyés dans les yeux d'une femme, La Circé tyrannique aux dangereux parfums. Pour n'être pas changés en bêtes, ils s'enivrent D'espace et de lumière et de cieux embrasés ; La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent, Effacent lentement la marque des baisers. Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent Pour partir, coeurs légers, semblables aux ballons, De leur fatalité jamais ils ne s'écartent, Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons ! Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues, Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon, De vastes voluptés, changeantes, inconnues, Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom ! II Nous imitons, horreur ! la toupie et la boule Dans leur valse et leurs bonds ; même dans nos sommeils La Curiosité nous tourmente et nous roule, Comme un Ange cruel qui fouette des soleils. Singulière fortune où le but se déplace, Et, n'étant nulle part, peut être n'importe où ! Où l'homme, dont jamais l'espérance n'est lasse, Pour trouver le repos court toujours comme un fou ! Notre âme est un trois-mâts cherchant son Icarie ; Une voix retentit sur le pont : " Ouvre l'oeil ! " Une voix de la hune, ardente et folle, crie . " Amour... gloire... bonheur ! " Enfer ! c'est un écueil ! Chaque îlot signalé par l'homme de vigie Est un Eldorado promis par le Destin ; L'Imagination qui dresse son orgie Ne trouve qu'un récif aux clartés du matin. Ô le Pauvre amoureux des pays chimériques ! Faut-il le mettre aux fers, le jeter à la mer, Ce matelot ivrogne, inventeur d'Amériques Dont le mirage rend le gouffre plus amer ? Tel le vieux vagabond, piétinant dans la boue, Rêve, le nez en l'air, de brillants paradis ; Son oeil ensorcelé découvre une Capoue Partout où la chandelle illumine un taudis. III Etonnants voyageurs ! quelles nobles histoires Nous lisons dans vos yeux profonds comme les mers ! Montrez-nous les écrins de vos riches mémoires, Ces bijoux merveilleux, faits d'astres et d'éthers. Nous voulons voyager sans vapeur et sans voile ! Faites, pour égayer l'ennui de nos prisons, Passer sur nos esprits, tendus comme une toile, Vos souvenirs avec leurs cadres d'horizons. Dites, qu'avez-vous vu ? IV " Nous avons vu des astres Et des flots ; nous avons vu des sables aussi ; Et, malgré bien des chocs et d'imprévus désastres, Nous nous sommes souvent ennuyés, comme ici. La gloire du soleil sur la mer violette, La gloire des cités dans le soleil couchant, Allumaient dans nos coeurs une ardeur inquiète De plonger dans un ciel au reflet alléchant. Les plus riches cités, les plus grands paysages, Jamais ne contenaient l'attrait mystérieux De ceux que le hasard fait avec les nuages. Et toujours le désir nous rendait soucieux ! - La jouissance ajoute au désir de la force. Désir, vieil arbre à qui le plaisir sert d'engrais, Cependant que grossit et durcit ton écorce, Tes branches veulent voir le soleil de plus près ! Grandiras-tu toujours, grand arbre plus vivace Que le cyprès ? - Pourtant nous avons, avec soin, Cueilli quelques croquis pour votre album vorace, Frères qui trouvez beau tout ce qui vient de loin ! Nous avons salué des idoles à trompe ; Des trônes constellés de joyaux lumineux ; Des palais ouvragés dont la féerique pompe Serait pour vos banquiers un rêve ruineux ; " Des costumes qui sont pour les yeux une ivresse ; Des femmes dont les dents et les ongles sont teints, Et des jongleurs savants que le serpent caresse. " V Et puis, et puis encore ? VI " Ô cerveaux enfantins ! Pour ne pas oublier la chose capitale, Nous avons vu partout, et sans l'avoir cherché, Du haut jusques en bas de l'échelle fatale, Le spectacle ennuyeux de l'immortel péché La femme, esclave vile, orgueilleuse et stupide, Sans rire s'adorant et s'aimant sans dégoût ; L'homme, tyran goulu, paillard, dur et cupide, Esclave de l'esclave et ruisseau dans l'égout ; Le bourreau qui jouit, le martyr qui sanglote ; La fête qu'assaisonne et parfume le sang ; Le poison du pouvoir énervant le despote, Et le peuple amoureux du fouet abrutissant ; Plusieurs religions semblables à la nôtre, Toutes escaladant le ciel ; la Sainteté, Comme en un lit de plume un délicat se vautre, Dans les clous et le crin cherchant la volupté ; L'Humanité bavarde, ivre de son génie, Et, folle maintenant comme elle était jadis, Criant à Dieu, dans sa furibonde agonie : " Ô mon semblable, ô mon maître, je te maudis ! " Et les moins sots, hardis amants de la Démence, Fuyant le grand troupeau parqué par le Destin, Et se réfugiant dans l'opium immense ! - Tel est du globe entier l'éternel bulletin. " VII Amer savoir, celui qu'on tire du voyage ! Le monde, monotone et petit, aujourd'hui, Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image Une oasis d'horreur dans un désert d'ennui ! Faut-il partir ? rester ? Si tu peux rester, reste ; Pars, s'il le faut. L'un court, et l'autre se tapit Pour tromper l'ennemi vigilant et funeste, Le Temps ! Il est, hélas ! des coureurs sans répit, Comme le Juif errant et comme les apôtres, A qui rien ne suffit, ni wagon ni vaisseau, Pour fuir ce rétiaire infâme : il en est d'autres Qui savent le tuer sans quitter leur berceau. Lorsque enfin il mettra le pied sur notre échine, Nous pourrons espérer et crier : En avant ! De même qu'autrefois nous partions pour la Chine, Les yeux fixés au large et les cheveux au vent, Nous nous embarquerons sur la mer des Ténèbres Avec le coeur joyeux d'un jeune passager. Entendez-vous ces voix, charmantes et funèbres, Qui chantent : " Par ici ! vous qui voulez manger Le Lotus parfumé ! c'est ici qu'on vendange Les fruits miraculeux dont votre coeur a faim ; Venez vous enivrer de la douceur étrange De cette après-midi qui n'a jamais de fin ? " A l'accent familier nous devinons le spectre ; Nos Pylades là-bas tendent leurs bras vers nous. " Pour rafraîchir ton coeur nage vers ton Electre ! " Dit celle dont jadis nous baisions les genoux. VIII Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre ! Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons ! Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre, Nos coeurs que tu connais sont remplis de rayons ! Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte ! Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau, Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ? Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau ! Le voyage - Baudelaire
Sémiramis Il y a 5 ans

I

Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !

Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le coeur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
Berçant notre infini sur le fini des mers :

Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme ;
D'autres, l'horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,
Astrologues noyés dans les yeux d'une femme,
La Circé tyrannique aux dangereux parfums.

Pour n'être pas changés en bêtes, ils s'enivrent
D'espace et de lumière et de cieux embrasés ;
La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
Effacent lentement la marque des baisers.

Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir, coeurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s'écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !

Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues,
Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon,
De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom !

II

Nous imitons, horreur ! la toupie et la boule
Dans leur valse et leurs bonds ; même dans nos sommeils
La Curiosité nous tourmente et nous roule,
Comme un Ange cruel qui fouette des soleils.

Singulière fortune où le but se déplace,
Et, n'étant nulle part, peut être n'importe où !
Où l'homme, dont jamais l'espérance n'est lasse,
Pour trouver le repos court toujours comme un fou !

Notre âme est un trois-mâts cherchant son Icarie ;
Une voix retentit sur le pont : " Ouvre l'oeil ! "
Une voix de la hune, ardente et folle, crie .
" Amour... gloire... bonheur ! " Enfer ! c'est un écueil !

Chaque îlot signalé par l'homme de vigie
Est un Eldorado promis par le Destin ;
L'Imagination qui dresse son orgie
Ne trouve qu'un récif aux clartés du matin.

Ô le Pauvre amoureux des pays chimériques !
Faut-il le mettre aux fers, le jeter à la mer,
Ce matelot ivrogne, inventeur d'Amériques
Dont le mirage rend le gouffre plus amer ?

Tel le vieux vagabond, piétinant dans la boue,
Rêve, le nez en l'air, de brillants paradis ;
Son oeil ensorcelé découvre une Capoue
Partout où la chandelle illumine un taudis.

III

Etonnants voyageurs ! quelles nobles histoires
Nous lisons dans vos yeux profonds comme les mers !
Montrez-nous les écrins de vos riches mémoires,
Ces bijoux merveilleux, faits d'astres et d'éthers.

Nous voulons voyager sans vapeur et sans voile !
Faites, pour égayer l'ennui de nos prisons,
Passer sur nos esprits, tendus comme une toile,
Vos souvenirs avec leurs cadres d'horizons.

Dites, qu'avez-vous vu ?

IV

" Nous avons vu des astres
Et des flots ; nous avons vu des sables aussi ;
Et, malgré bien des chocs et d'imprévus désastres,
Nous nous sommes souvent ennuyés, comme ici.

La gloire du soleil sur la mer violette,
La gloire des cités dans le soleil couchant,
Allumaient dans nos coeurs une ardeur inquiète
De plonger dans un ciel au reflet alléchant.

Les plus riches cités, les plus grands paysages,
Jamais ne contenaient l'attrait mystérieux
De ceux que le hasard fait avec les nuages.
Et toujours le désir nous rendait soucieux !

- La jouissance ajoute au désir de la force.
Désir, vieil arbre à qui le plaisir sert d'engrais,
Cependant que grossit et durcit ton écorce,
Tes branches veulent voir le soleil de plus près !

Grandiras-tu toujours, grand arbre plus vivace
Que le cyprès ? - Pourtant nous avons, avec soin,
Cueilli quelques croquis pour votre album vorace,
Frères qui trouvez beau tout ce qui vient de loin !

Nous avons salué des idoles à trompe ;
Des trônes constellés de joyaux lumineux ;
Des palais ouvragés dont la féerique pompe
Serait pour vos banquiers un rêve ruineux ;

" Des costumes qui sont pour les yeux une ivresse ;
Des femmes dont les dents et les ongles sont teints,
Et des jongleurs savants que le serpent caresse. "

V

Et puis, et puis encore ?

VI

" Ô cerveaux enfantins !
Pour ne pas oublier la chose capitale,
Nous avons vu partout, et sans l'avoir cherché,
Du haut jusques en bas de l'échelle fatale,
Le spectacle ennuyeux de l'immortel péché

La femme, esclave vile, orgueilleuse et stupide,
Sans rire s'adorant et s'aimant sans dégoût ;
L'homme, tyran goulu, paillard, dur et cupide,
Esclave de l'esclave et ruisseau dans l'égout ;

Le bourreau qui jouit, le martyr qui sanglote ;
La fête qu'assaisonne et parfume le sang ;
Le poison du pouvoir énervant le despote,
Et le peuple amoureux du fouet abrutissant ;

Plusieurs religions semblables à la nôtre,
Toutes escaladant le ciel ; la Sainteté,
Comme en un lit de plume un délicat se vautre,
Dans les clous et le crin cherchant la volupté ;

L'Humanité bavarde, ivre de son génie,
Et, folle maintenant comme elle était jadis,
Criant à Dieu, dans sa furibonde agonie :
" Ô mon semblable, ô mon maître, je te maudis ! "

Et les moins sots, hardis amants de la Démence,
Fuyant le grand troupeau parqué par le Destin,
Et se réfugiant dans l'opium immense !
- Tel est du globe entier l'éternel bulletin. "

VII

Amer savoir, celui qu'on tire du voyage !
Le monde, monotone et petit, aujourd'hui,
Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image
Une oasis d'horreur dans un désert d'ennui !

Faut-il partir ? rester ? Si tu peux rester, reste ;
Pars, s'il le faut. L'un court, et l'autre se tapit
Pour tromper l'ennemi vigilant et funeste,
Le Temps ! Il est, hélas ! des coureurs sans répit,

Comme le Juif errant et comme les apôtres,
A qui rien ne suffit, ni wagon ni vaisseau,
Pour fuir ce rétiaire infâme : il en est d'autres
Qui savent le tuer sans quitter leur berceau.

Lorsque enfin il mettra le pied sur notre échine,
Nous pourrons espérer et crier : En avant !
De même qu'autrefois nous partions pour la Chine,
Les yeux fixés au large et les cheveux au vent,

Nous nous embarquerons sur la mer des Ténèbres
Avec le coeur joyeux d'un jeune passager.
Entendez-vous ces voix, charmantes et funèbres,
Qui chantent : " Par ici ! vous qui voulez manger

Le Lotus parfumé ! c'est ici qu'on vendange
Les fruits miraculeux dont votre coeur a faim ;
Venez vous enivrer de la douceur étrange
De cette après-midi qui n'a jamais de fin ? "

A l'accent familier nous devinons le spectre ;
Nos Pylades là-bas tendent leurs bras vers nous.
" Pour rafraîchir ton coeur nage vers ton Electre ! "
Dit celle dont jadis nous baisions les genoux.

VIII

Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre !
Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,
Nos coeurs que tu connais sont remplis de rayons !

Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte !
Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?
Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau !

Le voyage - Baudelaire

Rabindranath Tagore 69 dans "l'offrande lyrique" "Le même fleuve de vie Qui court à travers mes veines nuit et jour Court à travers le monde Et danse en pulsations rythmées. C’est cette même vie qui pousse à travers La poudre de la terre sa joie En d’innombrables brins d’herbes, Et éclate en fougueuses vagues de feuilles et de fleurs. C’est cette même vie qui balance flux et reflux Dans l’océan-berceau de la naissance et de la mort. Je sens mes membres glorifiés au toucher de cette vie universelle. Et je m’enorgueillis, Car le grand battement de la vie des âges C’est dans mon sang qu’il danse en ce moment." Rabindranath Tagore 83 dans "corbeille de fruits" "Je sens que toutes les étoiles palpitent en moi. Le monde jaillit dans ma vie comme une eau courante. Les fleurs s'épanouiront dans mon être. Tout le printemps des paysages et des rivières monte comme un encens dans mon coeur, et le souffle de toutes choses chante en mes pensées comme une flûte." Rabindranath Tagore 73 dans "corbeille de fruits" "Le printemps, avec ses feuilles et ses fleurs est entré en moi. Les abeilles y bourdonnent tout le matin, et les vents s'y jouent paresseusement avec les ombres. Une fontaine délicieuse a jailli du coeur de mon coeur. Mes yeux s'y baignent avec ravissement, comme le matin dans la rosée, et la vie frémit dans tous mes membres comme chantent les cordes du luth. Erres-tu solitaire sur le rivage de ma vie, là où la marée est à flot, ô amoureux de mes jours éternels? Mes rêves flottent-ils autour de toi comme des phalènes aux ailes de lumières? Et n'est-ce pas ton chant dont j'entends les échos aux noirs abîmes de mon être? Qui, sinon toi, peut saisir le bourdonnement des heures pressées qui sonnent aujourd'hui dans mes veines, les pas joyeux qui dansent dans ma poitrine, la clameur d'une vie tumultueuse dont les ailes frissonnent dans tout mon être?"
suffragettes AB Il y a 5 ans

Rabindranath Tagore
69 dans "l'offrande lyrique"

"Le même fleuve de vie
Qui court à travers mes veines nuit et jour
Court à travers le monde
Et danse en pulsations rythmées.
C’est cette même vie qui pousse à travers
La poudre de la terre sa joie
En d’innombrables brins d’herbes,
Et éclate en fougueuses vagues de feuilles et de fleurs.
C’est cette même vie qui balance flux et reflux
Dans l’océan-berceau de la naissance et de la mort.
Je sens mes membres glorifiés au toucher de cette vie universelle.
Et je m’enorgueillis,
Car le grand battement de la vie des âges
C’est dans mon sang qu’il danse en ce moment."

Rabindranath Tagore
83 dans "corbeille de fruits"

"Je sens que toutes les étoiles palpitent en moi.
Le monde jaillit dans ma vie comme une eau courante.
Les fleurs s'épanouiront dans mon être.
Tout le printemps des paysages et des rivières monte comme un encens dans mon coeur, et le souffle de toutes choses chante en mes pensées comme une flûte."

Rabindranath Tagore
73 dans "corbeille de fruits"

"Le printemps, avec ses feuilles et ses fleurs est entré en moi.
Les abeilles y bourdonnent tout le matin, et les vents s'y jouent paresseusement avec les ombres.

Une fontaine délicieuse a jailli du coeur de mon coeur.
Mes yeux s'y baignent avec ravissement, comme le matin dans la rosée, et la vie frémit dans tous mes membres comme chantent les cordes du luth.

Erres-tu solitaire sur le rivage de ma vie, là où la marée est à flot, ô amoureux de mes jours éternels?
Mes rêves flottent-ils autour de toi comme des phalènes aux ailes de lumières?
Et n'est-ce pas ton chant dont j'entends les échos aux noirs abîmes de mon être?

Qui, sinon toi, peut saisir le bourdonnement des heures pressées qui sonnent aujourd'hui dans mes veines, les pas joyeux qui dansent dans ma poitrine, la clameur d'une vie tumultueuse dont les ailes frissonnent dans tout mon être?"





VICTOR HUGO – ÉCLAIRCIE (LES CONTEMPLATIONS, 1856) L'océan resplendit sous sa vaste nuée. L'onde, de son combat sans fin exténuée, S'assoupit, et, laissant l'écueil se reposer, Fait de toute la rive un immense baiser. On dirait qu'en tous lieux en même temps, la vie Dissout le mal, le deuil, l'hiver, la nuit, l'envie, Et que le mort couché dit au vivant debout : Aime! et qu'une âme obscure, épanouie en tout Avance doucement sa bouche vers nos lèvres. L'être, éteignant dans l'ombre et l'extase ses fièvres, Ouvrant ses flancs, ses seins, ses yeux, ses coeurs épars, Dans ses pores profonds reçoit de toutes parts La pénétration de la sève sacrée. La grande paix d'en haut vient comme une marée. Le brin d'herbe palpite aux fentes du pavé; Et l'âme a chaud. On sent que le nid est couvé. L'infini semble plein d'un frisson de feuillée. On croit être à cette heure où la terre éveillée Entend le bruit que fait l'ouverture du jour, Le premier pas du vent, du travail, de l'amour, De l'homme, et le verrou de la porte sonore, Et le hennissement du blanc cheval aurore. Le moineau d'un coup d'aile, ainsi qu'un fol esprit, Vient taquiner le flot monstrueux qui sourit ; L'air joue avec la mouche, et l'écume avec l'aigle ; Le grave laboureur fait ses sillons et règle La page où s'écrira le poème des blés; Des pêcheurs sont là‑bas sous un pampre attablés; L'horizon semble un rêve éblouissant où nage L'écaille de la mer, la plume du nuage, Car l'océan est hydre et le nuage oiseau. Une lueur, rayon vague, part du berceau Qu'une femme balance au seuil d'une chaumière, Dore les champs, les fleurs, l'onde, et devient lumière En touchant un tombeau qui dort près du clocher. Le jour plonge au plus noir du gouffre, et va chercher L'ombre, et la baise au front sous l'eau sombre et hagarde. Tout est doux, calme, heureux, apaisé; Dieu regarde.
suffragettes AB Il y a 5 ans

VICTOR HUGO – ÉCLAIRCIE

(LES CONTEMPLATIONS, 1856)

L'océan resplendit sous sa vaste nuée.
L'onde, de son combat sans fin exténuée,
S'assoupit, et, laissant l'écueil se reposer,
Fait de toute la rive un immense baiser.
On dirait qu'en tous lieux en même temps, la vie
Dissout le mal, le deuil, l'hiver, la nuit, l'envie,
Et que le mort couché dit au vivant debout :
Aime! et qu'une âme obscure, épanouie en tout
Avance doucement sa bouche vers nos lèvres.
L'être, éteignant dans l'ombre et l'extase ses fièvres,
Ouvrant ses flancs, ses seins, ses yeux, ses coeurs épars,
Dans ses pores profonds reçoit de toutes parts
La pénétration de la sève sacrée.
La grande paix d'en haut vient comme une marée.
Le brin d'herbe palpite aux fentes du pavé;
Et l'âme a chaud. On sent que le nid est couvé.
L'infini semble plein d'un frisson de feuillée.
On croit être à cette heure où la terre éveillée
Entend le bruit que fait l'ouverture du jour,
Le premier pas du vent, du travail, de l'amour,
De l'homme, et le verrou de la porte sonore,
Et le hennissement du blanc cheval aurore.
Le moineau d'un coup d'aile, ainsi qu'un fol esprit,
Vient taquiner le flot monstrueux qui sourit ;
L'air joue avec la mouche, et l'écume avec l'aigle ;
Le grave laboureur fait ses sillons et règle
La page où s'écrira le poème des blés;
Des pêcheurs sont là‑bas sous un pampre attablés;
L'horizon semble un rêve éblouissant où nage
L'écaille de la mer, la plume du nuage,
Car l'océan est hydre et le nuage oiseau.
Une lueur, rayon vague, part du berceau
Qu'une femme balance au seuil d'une chaumière,
Dore les champs, les fleurs, l'onde, et devient lumière
En touchant un tombeau qui dort près du clocher.
Le jour plonge au plus noir du gouffre, et va chercher
L'ombre, et la baise au front sous l'eau sombre et hagarde.
Tout est doux, calme, heureux, apaisé; Dieu regarde.

Victor Hugo, Les Contemplations I, 28 ll faut que le poète "Il faut que le poète, épris d'ombre et d'azur, Esprit doux et splendide, au rayonnement pur, Qui marche devant tous, éclairant ceux qui doutent, Chanteur mystérieux qu'en tressaillant écoutent Les femmes, les songeurs, les sages, les amants, Devienne formidable à de certains moments. Parfois, lorsqu'on se met à rêver sur son livre, Où tout berce, éblouit, calme, caresse, enivre, Où l'âme à chaque pas trouve à faire son miel, Où les coins les plus noirs ont des lueurs du ciel, Au milieu de cette humble et haute poésie, Dans cette paix sacrée où croit la fleur choisie, Où l'on entend couler les sources et les pleurs, Où les strophes, oiseaux peints de mille couleurs, Volent chantant l'amour, l'espérance et la joie, Il faut que par instants on frissonne, et qu'on voie Tout à coup, sombre, grave et terrible au passant, Un vers fauve sortir de l'ombre en rugissant ! Il faut que le poète aux semences fécondes Soit comme ces forêts vertes, fraîches, profondes, Pleines de chants, amour du vent et du rayon, Charmantes, où soudain l'on rencontre un lion"
suffragettes AB Il y a 5 ans

Victor Hugo,
Les Contemplations I, 28

ll faut que le poète

"Il faut que le poète, épris d'ombre et d'azur,
Esprit doux et splendide, au rayonnement pur,
Qui marche devant tous, éclairant ceux qui doutent,
Chanteur mystérieux qu'en tressaillant écoutent
Les femmes, les songeurs, les sages, les amants,
Devienne formidable à de certains moments.
Parfois, lorsqu'on se met à rêver sur son livre,
Où tout berce, éblouit, calme, caresse, enivre,
Où l'âme à chaque pas trouve à faire son miel,
Où les coins les plus noirs ont des lueurs du ciel,
Au milieu de cette humble et haute poésie,
Dans cette paix sacrée où croit la fleur choisie,
Où l'on entend couler les sources et les pleurs,
Où les strophes, oiseaux peints de mille couleurs,
Volent chantant l'amour, l'espérance et la joie,
Il faut que par instants on frissonne, et qu'on voie
Tout à coup, sombre, grave et terrible au passant,
Un vers fauve sortir de l'ombre en rugissant !
Il faut que le poète aux semences fécondes
Soit comme ces forêts vertes, fraîches, profondes,
Pleines de chants, amour du vent et du rayon,
Charmantes, où soudain l'on rencontre un lion"

période victorienne ou victorieuse, encore du Victor Hugo :) Titre : À un poète Poète : Victor Hugo (1802-1885) Recueil : Les rayons et les ombres (1840). "Ami, cache ta vie et répands ton esprit. Un tertre, où le gazon diversement fleurit ; Des ravins où l'on voit grimper les chèvres blanches ; Un vallon, abrité sous un réseau de branches Pleines de nids d'oiseaux, de murmures, de voix, Qu'un vent joyeux remue, et d'où tombe parfois, Comme un sequin jeté par une main distraite, Un rayon de soleil dans ton âme secrète ; Quelques rocs, par Dieu même arrangés savamment Pour faire des échos au fond du bois dormant ; Voilà ce qu'il te faut pour séjour, pour demeure ! C'est là, - que ta maison chante, aime, rie ou pleure, Qu'il faut vivre, enfouir ton toit, borner tes jours, Envoyant un soupir à peine aux antres sourds, Mirant dans ta pensée intérieure et sombre La vie obscure et douce et les heures sans nombre, Bon d'ailleurs, et tournant, sans trouble ni remords, Ton coeur vers les enfants, ton âme vers les morts ! Et puis, en même temps, au hasard, par le monde, Suivant sa fantaisie auguste et vagabonde, Loin de toi, par delà ton horizon vermeil, Laisse ta poésie aller en plein soleil ! Dans les rauques cités, dans les champs taciturnes, Effleurée en passant des lèvres et des urnes, Laisse-la s'épancher, cristal jamais terni, Et fuir, roulant toujours vers Dieu, gouffre infini, Calme et pure, à travers les âmes fécondées, Un immense courant de rêves et d'idées, Qui recueille en passant, dans son flot solennel, Toute eau qui sort de terre ou qui descend du ciel ! Toi, sois heureux dans l'ombre. En ta vie ignorée, Dans ta tranquillité vénérable et sacrée, Reste réfugié, penseur mystérieux ! Et que le voyageur malade et sérieux Puisse, si le hasard l'amène en ta retraite, Puiser en toi la paix, l'espérance discrète, L'oubli de la fatigue et l'oubli du danger, Et boire à ton esprit limpide, sans songer Que, là-bas, tout un peuple aux mêmes eaux s'abreuve. Sois petit comme source et sois grand comme fleuve." Victor Hugo titre: "Vieille chanson du jeune temps" recueil: les contemplations "Je ne songeais pas à Rose ; Rose au bois vint avec moi ; Nous parlions de quelque chose, Mais je ne sais plus de quoi. J’étais froid comme les marbres ; Je marchais à pas distraits ; Je parlais des fleurs, des arbres Son œil semblait dire : " Après ? " La rosée offrait ses perles, Le taillis ses parasols ; J’allais ; j’écoutais les merles, Et Rose les rossignols. Moi, seize ans, et l’air morose ; Elle, vingt ; ses yeux brillaient. Les rossignols chantaient Rose Et les merles me sifflaient. Rose, droite sur ses hanches, Leva son beau bras tremblant Pour prendre une mûre aux branches Je ne vis pas son bras blanc. Une eau courait, fraîche et creuse, Sur les mousses de velours ; Et la nature amoureuse Dormait dans les grands bois sourds. Rose défit sa chaussure, Et mit, d’un air ingénu, Son petit pied dans l’eau pure Je ne vis pas son pied nu. Je ne savais que lui dire ; Je la suivais dans le bois, La voyant parfois sourire Et soupirer quelquefois. Je ne vis qu’elle était belle Qu’en sortant des grands bois sourds. " Soit ; n’y pensons plus ! " dit-elle. Depuis, j’y pense toujours." Titre : Au bord de la mer Poète : Victor Hugo (1802-1885) Recueil : Les chants du crépuscule (1836). "Vois, ce spectacle est beau. Ce paysage immense Qui toujours devant nous finit et recommence ; Ces blés, ces eaux, ces prés, ce bois charmant aux yeux ; Ce chaume où l'on entend rire un groupe joyeux ; L'océan qui s'ajoute à la plaine où nous sommes ; Ce golfe, fait par Dieu, puis refait par les hommes, Montrant la double main empreinte en ses contours, Et des amas de rocs sous des monceaux de tours ; Ces landes, ces forêts, ces crêtes déchirées ; Ces antres à fleur d'eau qui boivent les marées ; Cette montagne, au front de nuages couvert, Qui dans un de ses plis porte un beau vallon vert, Comme un enfant des fleurs dans un pan de sa robe ; La ville que la brume à demi nous dérobe, Avec ses mille toits bourdonnants et pressés ; Ce bruit de pas sans nombre et de rameaux froissés, De voix et de chansons qui par moments s'élève ; Ces lames que la mer amincit sur la grève, Où les longs cheveux verts des sombres goémons Tremblent dans l'eau moirée avec l'ombre des monts ; Cet oiseau qui voyage et cet oiseau qui joue ; Ici cette charrue, et là-bas cette proue, Traçant en même temps chacune leur sillon ; Ces arbres et ces mâts, jouets de l'aquilon ; Et là-bas, par-delà les collines lointaines, Ces horizons remplis de formes incertaines ; Tout ce que nous voyons, brumeux ou transparent, Flottant dans les clartés, dans les ombres errant, Fuyant, debout, penché, fourmillant, solitaire, Vagues, rochers, gazons, - regarde, c'est la terre ! Et là-haut, sur ton front, ces nuages si beaux Où pend et se déchire une pourpre en lambeaux ; Cet azur, qui ce soir sera l'ombre infinie ; Cet espace qu'emplit l'éternelle harmonie ; Ce merveilleux soleil, ce soleil radieux Si puissant à changer toute forme à nos yeux Que parfois, transformant en métaux les bruines, On ne voit plus dans l'air que splendides ruines, Entassements confus, amas étincelants De cuivres et d'airains l'un sur l'autre croulants, Cuirasses, boucliers, armures dénouées, Et caparaçons d'or aux croupes des nuées ; L'éther, cet océan si liquide et si bleu, Sans rivage et sans fond, sans borne et sans milieu, Que l'oscillation de toute haleine agite, Où tout ce qui respire, ou remue, ou gravite, A sa vague et son flot, à d'autres flots uni, Où passent à la fois, mêlés dans l'infini, Air tiède et vents glacés, aubes et crépuscules, Bises d'hiver, ardeur des chaudes canicules, Les parfums de la fleur et ceux de l'encensoir, Les astres scintillant sur la robe du soir, Et les brumes de gaze, et la douteuse étoile, Paillette qui se perd dans les plis noirs du voile, La clameur des soldats qu'enivre le tambour, Le froissement du nid qui tressaille d'amour, Les souffles, les échos, les brouillards, les fumées, Mille choses que l'homme encor n'a pas nommées, Les flots de la lumière et les ondes du bruit, Tout ce qu'on voit le jour, tout ce qu'on sent la nuit ; Eh bien ! nuage, azur, espace, éther, abîmes, Ce fluide océan, ces régions sublimes Toutes pleines de feux, de lueurs, de rayons, Où l'âme emporte l'homme, où tous deux nous fuyons, Où volent sur nos fronts, selon des lois profondes, Près de nous les oiseaux et loin de nous les mondes, Cet ensemble ineffable, immense, universel, Formidable et charmant, contemple, c'est le ciel ! Oh oui ! la terre est belle et le ciel est superbe ; Mais quand ton sein palpite et quand ton oeil reluit, Quand ton pas gracieux court si léger sur l'herbe Que le bruit d'une lyre est moins doux que son bruit ; Lorsque ton frais sourire, aurore de ton âme, Se lève rayonnant sur moi qu'il rajeunit, Et de ta bouche rose, où naît sa douce flamme, Monte jusqu'à ton front comme l'aube au zénith ; Quand, parfois, sans te voir, ta jeune voix m'arrive, Disant des mots confus qui m'échappent souvent, Bruit d'une eau qui se perd sous l'ombre de sa rive Chanson d'oiseau caché qu'on écoute en rêvant ; Lorsque ma poésie, insultée et proscrite, Sur ta tête un moment se repose en chemin ; Quand ma pensée en deuil sous la tienne s'abrite, Comme un flambeau de nuit sous une blanche main ; Quand nous nous asseyons tous deux dans la vallée ; Quand ton âme, soudain apparue en tes yeux, Contemple avec les pleurs d'une soeur exilée, Quelque vertu sur terre ou quelque étoile aux cieux ; Quand brille sous tes cils, comme un feu sous les branches, Ton beau regard, terni par de longues douleurs ; Quand sous les maux passés tout à coup tu te penches, Que tu veux me sourire et qu'il te vient des pleurs ; Quand mon corps et ma vie à ton souffle résonnent, Comme un tremblant clavier qui vibre à tout moment ; Quand tes doigts, se posant sur mes doigts qui frissonnent, Font chanter dans mon coeur un céleste instrument ; Lorsque je te contemple, ô mon charme suprême ! Quand ta noble nature, épanouie aux yeux, Comme l'ardent buisson qui contenait Dieu même, Ouvre toutes ses fleurs et jette tous ses feux ; Ce qui sort à la fois de tant de douces choses, Ce qui de ta beauté s'exhale nuit et jour, Comme un parfum formé du souffle de cent roses, C'est bien plus que la terre et le ciel, c'est l'amour !"
suffragettes AB Il y a 5 ans

période victorienne ou victorieuse, encore du Victor Hugo

Titre : À un poète
Poète : Victor Hugo (1802-1885)
Recueil : Les rayons et les ombres (1840).

"Ami, cache ta vie et répands ton esprit.

Un tertre, où le gazon diversement fleurit ;
Des ravins où l'on voit grimper les chèvres blanches ;
Un vallon, abrité sous un réseau de branches
Pleines de nids d'oiseaux, de murmures, de voix,
Qu'un vent joyeux remue, et d'où tombe parfois,
Comme un sequin jeté par une main distraite,
Un rayon de soleil dans ton âme secrète ;
Quelques rocs, par Dieu même arrangés savamment
Pour faire des échos au fond du bois dormant ;
Voilà ce qu'il te faut pour séjour, pour demeure !
C'est là, - que ta maison chante, aime, rie ou pleure,
Qu'il faut vivre, enfouir ton toit, borner tes jours,
Envoyant un soupir à peine aux antres sourds,
Mirant dans ta pensée intérieure et sombre
La vie obscure et douce et les heures sans nombre,
Bon d'ailleurs, et tournant, sans trouble ni remords,
Ton coeur vers les enfants, ton âme vers les morts !
Et puis, en même temps, au hasard, par le monde,
Suivant sa fantaisie auguste et vagabonde,
Loin de toi, par delà ton horizon vermeil,
Laisse ta poésie aller en plein soleil !
Dans les rauques cités, dans les champs taciturnes,
Effleurée en passant des lèvres et des urnes,
Laisse-la s'épancher, cristal jamais terni,
Et fuir, roulant toujours vers Dieu, gouffre infini,
Calme et pure, à travers les âmes fécondées,
Un immense courant de rêves et d'idées,
Qui recueille en passant, dans son flot solennel,
Toute eau qui sort de terre ou qui descend du ciel !
Toi, sois heureux dans l'ombre. En ta vie ignorée,
Dans ta tranquillité vénérable et sacrée,
Reste réfugié, penseur mystérieux !
Et que le voyageur malade et sérieux
Puisse, si le hasard l'amène en ta retraite,
Puiser en toi la paix, l'espérance discrète,
L'oubli de la fatigue et l'oubli du danger,
Et boire à ton esprit limpide, sans songer
Que, là-bas, tout un peuple aux mêmes eaux s'abreuve.

Sois petit comme source et sois grand comme fleuve."



Victor Hugo
titre: "Vieille chanson du jeune temps"
recueil: les contemplations

"Je ne songeais pas à Rose ;
Rose au bois vint avec moi ;
Nous parlions de quelque chose,
Mais je ne sais plus de quoi.

J’étais froid comme les marbres ;
Je marchais à pas distraits ;
Je parlais des fleurs, des arbres
Son œil semblait dire : " Après ? "

La rosée offrait ses perles,
Le taillis ses parasols ;
J’allais ; j’écoutais les merles,
Et Rose les rossignols.

Moi, seize ans, et l’air morose ;
Elle, vingt ; ses yeux brillaient.
Les rossignols chantaient Rose
Et les merles me sifflaient.

Rose, droite sur ses hanches,
Leva son beau bras tremblant
Pour prendre une mûre aux branches
Je ne vis pas son bras blanc.

Une eau courait, fraîche et creuse,
Sur les mousses de velours ;
Et la nature amoureuse
Dormait dans les grands bois sourds.

Rose défit sa chaussure,
Et mit, d’un air ingénu,
Son petit pied dans l’eau pure
Je ne vis pas son pied nu.

Je ne savais que lui dire ;
Je la suivais dans le bois,
La voyant parfois sourire
Et soupirer quelquefois.

Je ne vis qu’elle était belle
Qu’en sortant des grands bois sourds.
" Soit ; n’y pensons plus ! " dit-elle.
Depuis, j’y pense toujours."


Titre : Au bord de la mer
Poète : Victor Hugo (1802-1885)
Recueil : Les chants du crépuscule (1836).

"Vois, ce spectacle est beau. Ce paysage immense
Qui toujours devant nous finit et recommence ;
Ces blés, ces eaux, ces prés, ce bois charmant aux yeux ;
Ce chaume où l'on entend rire un groupe joyeux ;
L'océan qui s'ajoute à la plaine où nous sommes ;
Ce golfe, fait par Dieu, puis refait par les hommes,
Montrant la double main empreinte en ses contours,
Et des amas de rocs sous des monceaux de tours ;
Ces landes, ces forêts, ces crêtes déchirées ;
Ces antres à fleur d'eau qui boivent les marées ;
Cette montagne, au front de nuages couvert,
Qui dans un de ses plis porte un beau vallon vert,
Comme un enfant des fleurs dans un pan de sa robe ;
La ville que la brume à demi nous dérobe,
Avec ses mille toits bourdonnants et pressés ;
Ce bruit de pas sans nombre et de rameaux froissés,
De voix et de chansons qui par moments s'élève ;
Ces lames que la mer amincit sur la grève,
Où les longs cheveux verts des sombres goémons
Tremblent dans l'eau moirée avec l'ombre des monts ;
Cet oiseau qui voyage et cet oiseau qui joue ;
Ici cette charrue, et là-bas cette proue,
Traçant en même temps chacune leur sillon ;
Ces arbres et ces mâts, jouets de l'aquilon ;
Et là-bas, par-delà les collines lointaines,
Ces horizons remplis de formes incertaines ;
Tout ce que nous voyons, brumeux ou transparent,
Flottant dans les clartés, dans les ombres errant,
Fuyant, debout, penché, fourmillant, solitaire,
Vagues, rochers, gazons, - regarde, c'est la terre !

Et là-haut, sur ton front, ces nuages si beaux
Où pend et se déchire une pourpre en lambeaux ;
Cet azur, qui ce soir sera l'ombre infinie ;
Cet espace qu'emplit l'éternelle harmonie ;
Ce merveilleux soleil, ce soleil radieux
Si puissant à changer toute forme à nos yeux
Que parfois, transformant en métaux les bruines,
On ne voit plus dans l'air que splendides ruines,
Entassements confus, amas étincelants
De cuivres et d'airains l'un sur l'autre croulants,
Cuirasses, boucliers, armures dénouées,
Et caparaçons d'or aux croupes des nuées ;
L'éther, cet océan si liquide et si bleu,
Sans rivage et sans fond, sans borne et sans milieu,
Que l'oscillation de toute haleine agite,
Où tout ce qui respire, ou remue, ou gravite,
A sa vague et son flot, à d'autres flots uni,
Où passent à la fois, mêlés dans l'infini,
Air tiède et vents glacés, aubes et crépuscules,
Bises d'hiver, ardeur des chaudes canicules,
Les parfums de la fleur et ceux de l'encensoir,
Les astres scintillant sur la robe du soir,
Et les brumes de gaze, et la douteuse étoile,
Paillette qui se perd dans les plis noirs du voile,
La clameur des soldats qu'enivre le tambour,
Le froissement du nid qui tressaille d'amour,
Les souffles, les échos, les brouillards, les fumées,
Mille choses que l'homme encor n'a pas nommées,
Les flots de la lumière et les ondes du bruit,
Tout ce qu'on voit le jour, tout ce qu'on sent la nuit ;
Eh bien ! nuage, azur, espace, éther, abîmes,
Ce fluide océan, ces régions sublimes
Toutes pleines de feux, de lueurs, de rayons,
Où l'âme emporte l'homme, où tous deux nous fuyons,
Où volent sur nos fronts, selon des lois profondes,
Près de nous les oiseaux et loin de nous les mondes,
Cet ensemble ineffable, immense, universel,
Formidable et charmant, contemple, c'est le ciel !

Oh oui ! la terre est belle et le ciel est superbe ;
Mais quand ton sein palpite et quand ton oeil reluit,
Quand ton pas gracieux court si léger sur l'herbe
Que le bruit d'une lyre est moins doux que son bruit ;

Lorsque ton frais sourire, aurore de ton âme,
Se lève rayonnant sur moi qu'il rajeunit,
Et de ta bouche rose, où naît sa douce flamme,
Monte jusqu'à ton front comme l'aube au zénith ;

Quand, parfois, sans te voir, ta jeune voix m'arrive,
Disant des mots confus qui m'échappent souvent,
Bruit d'une eau qui se perd sous l'ombre de sa rive
Chanson d'oiseau caché qu'on écoute en rêvant ;

Lorsque ma poésie, insultée et proscrite,
Sur ta tête un moment se repose en chemin ;
Quand ma pensée en deuil sous la tienne s'abrite,
Comme un flambeau de nuit sous une blanche main ;

Quand nous nous asseyons tous deux dans la vallée ;
Quand ton âme, soudain apparue en tes yeux,
Contemple avec les pleurs d'une soeur exilée,
Quelque vertu sur terre ou quelque étoile aux cieux ;

Quand brille sous tes cils, comme un feu sous les branches,
Ton beau regard, terni par de longues douleurs ;
Quand sous les maux passés tout à coup tu te penches,
Que tu veux me sourire et qu'il te vient des pleurs ;

Quand mon corps et ma vie à ton souffle résonnent,
Comme un tremblant clavier qui vibre à tout moment ;
Quand tes doigts, se posant sur mes doigts qui frissonnent,
Font chanter dans mon coeur un céleste instrument ;

Lorsque je te contemple, ô mon charme suprême !
Quand ta noble nature, épanouie aux yeux,
Comme l'ardent buisson qui contenait Dieu même,
Ouvre toutes ses fleurs et jette tous ses feux ;

Ce qui sort à la fois de tant de douces choses,
Ce qui de ta beauté s'exhale nuit et jour,
Comme un parfum formé du souffle de cent roses,
C'est bien plus que la terre et le ciel, c'est l'amour !"



... Des visages rongés par les chancres du cœur, Et comme qui dirait des beautés de langueur ; Mais ces inventions de nos muses tardives N'empêcheront jamais les races maladives De rendre à la jeunesse un hommage profond, - À la sainte jeunesse, à l'air simple, au doux front, À œil limpide et clair ainsi qu'une eau courante, Et qui va répandant sur tout, insouciante Comme l'azur du ciel, les oiseaux et les fleurs, Ses parfums, ses chansons et ses douces chaleurs ! ...
AnonymeIl y a 5 ans

... Des visages rongés par les chancres du cœur,
Et comme qui dirait des beautés de langueur ;
Mais ces inventions de nos muses tardives
N'empêcheront jamais les races maladives
De rendre à la jeunesse un hommage profond,
- À la sainte jeunesse, à l'air simple, au doux front,
À œil limpide et clair ainsi qu'une eau courante,
Et qui va répandant sur tout, insouciante
Comme l'azur du ciel, les oiseaux et les fleurs,
Ses parfums, ses chansons et ses douces chaleurs ! ...

Pas facile de formuler ce que tu as changé pour moi. Si je suis en vie maintenant, j’étais morte alors, Bien que, comme une pierre, sans que cela ne m’inquiète, Et je restai là sans bouger selon mon habitude. Tu ne m’as pas simplement un peu poussée du pied, non — Ni même laissé régler mon petit œil nu À nouveau vers le ciel, sans espoir, évidemment, De pouvoir appréhender le bleu, ou les étoiles. Ce n’était pas ça. Je dormais, disons : un serpent Masqué parmi les roches noires telle une roche noire Se trouvant au milieu du hiatus blanc de l’hiver — Tout comme mes voisines, ne prenant aucun plaisir À ce million de joues parfaitement ciselées Qui se posaient à tout moment afin d’attendrir Ma joue de basalte. Et elles se transformaient en larmes, Anges versant des pleurs sur des natures sans relief, mais je n’étais pas convaincue. Ces larmes gelaient. Chaque tête morte avait une vision de glace Et je continuais de dormir, repliée sur moi-même. La première chose que j’ai vue n’était que l’air Et ces gouttes prisonnières qui montaient en rosée, Limpides comme des esprits. Il y avait alentour Beaucoup de pierres compactes et sans aucune expression. Je ne savais pas du tout quoi penser de cela. Je brillais, recouverte d’écailles de mica, Me déroulais pour me verser tel un fluide Parmi les pattes d’oiseaux et les tiges des plantes. Je ne m’y suis pas trompée. Je t’ai reconnu aussitôt. L’arbre et la pierre scintillaient, ils n’avaient plus d’ombres. Je me suis déployée étincelante comme du verre. J’ai commencé de bourgeonner tel un rameau de mars : Un bras et puis une jambe, un bras et encore une jambe. De la pierre au nuage, ainsi je me suis élevée. Maintenant je ressemble à une sorte de dieu Je flotte à travers l’air, mon âme pour vêtement, Aussi pure qu’un pain de glace. C’est un don. Plath
AnonymeIl y a 5 ans

Pas facile de formuler ce que tu as changé pour moi.
Si je suis en vie maintenant, j’étais morte alors,
Bien que, comme une pierre, sans que cela ne m’inquiète,
Et je restai là sans bouger selon mon habitude.
Tu ne m’as pas simplement un peu poussée du pied, non —
Ni même laissé régler mon petit œil nu
À nouveau vers le ciel, sans espoir, évidemment,
De pouvoir appréhender le bleu, ou les étoiles.

Ce n’était pas ça. Je dormais, disons : un serpent
Masqué parmi les roches noires telle une roche noire
Se trouvant au milieu du hiatus blanc de l’hiver —
Tout comme mes voisines, ne prenant aucun plaisir
À ce million de joues parfaitement ciselées
Qui se posaient à tout moment afin d’attendrir
Ma joue de basalte. Et elles se transformaient en larmes,
Anges versant des pleurs sur des natures sans relief,
mais je n’étais pas convaincue. Ces larmes gelaient.

Chaque tête morte avait une vision de glace
Et je continuais de dormir, repliée sur moi-même.
La première chose que j’ai vue n’était que l’air
Et ces gouttes prisonnières qui montaient en rosée,
Limpides comme des esprits. Il y avait alentour
Beaucoup de pierres compactes et sans aucune expression.
Je ne savais pas du tout quoi penser de cela.
Je brillais, recouverte d’écailles de mica,
Me déroulais pour me verser tel un fluide
Parmi les pattes d’oiseaux et les tiges des plantes.
Je ne m’y suis pas trompée. Je t’ai reconnu aussitôt.

L’arbre et la pierre scintillaient, ils n’avaient plus d’ombres.
Je me suis déployée étincelante comme du verre.
J’ai commencé de bourgeonner tel un rameau de mars :
Un bras et puis une jambe, un bras et encore une jambe.
De la pierre au nuage, ainsi je me suis élevée.
Maintenant je ressemble à une sorte de dieu
Je flotte à travers l’air, mon âme pour vêtement,
Aussi pure qu’un pain de glace. C’est un don.

Plath

Première soirée Elle était fort déshabillée Et de grands arbres indiscrets Aux vitres jetaient leur feuillée Malinement, tout près, tout près. Assise sur ma grande chaise, Mi-nue, elle joignait les mains. Sur le plancher frissonnaient d’aise Ses petits pieds si fins, si fins. – Je regardai, couleur de cire Un petit rayon buissonnier Papillonner dans son sourire Et sur son sein, – mouche ou rosier. – Je baisai ses fines chevilles. Elle eut un doux rire brutal Qui s’égrenait en claires trilles, Un joli rire de cristal. Les petits pieds sous la chemise Se sauvèrent : « Veux-tu en finir ! » – La première audace permise, Le rire feignait de punir ! – Pauvrets palpitants sous ma lèvre, Je baisai doucement ses yeux : – Elle jeta sa tête mièvre En arrière : « Oh ! c’est encor mieux ! Monsieur, j’ai deux mots à te dire… » – Je lui jetai le reste au sein Dans un baiser, qui la fit rire D’un bon rire qui voulait bien… – Elle était fort déshabillée Et de grands arbres indiscrets Aux vitres jetaient leur feuillée Malinement, tout près, tout près. Arthur Rimbaud
AnonymeIl y a 5 ans

Première soirée

Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.

Assise sur ma grande chaise,
Mi-nue, elle joignait les mains.
Sur le plancher frissonnaient d’aise
Ses petits pieds si fins, si fins.

– Je regardai, couleur de cire
Un petit rayon buissonnier
Papillonner dans son sourire
Et sur son sein, – mouche ou rosier.

– Je baisai ses fines chevilles.
Elle eut un doux rire brutal
Qui s’égrenait en claires trilles,
Un joli rire de cristal.

Les petits pieds sous la chemise
Se sauvèrent : « Veux-tu en finir ! »
– La première audace permise,
Le rire feignait de punir !

– Pauvrets palpitants sous ma lèvre,
Je baisai doucement ses yeux :
– Elle jeta sa tête mièvre
En arrière : « Oh ! c’est encor mieux !

Monsieur, j’ai deux mots à te dire… »
– Je lui jetai le reste au sein
Dans un baiser, qui la fit rire
D’un bon rire qui voulait bien…

– Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.

Arthur Rimbaud

SUITE VIII des contemplations VICTOR HUGO "Car le mot, qu’on le sache, est un être vivant. La main du songeur vibre et tremble en l’écrivant ; La plume, qui d’une aile allongeait l’envergure, Frémit sur le papier quand sort cette figure, Le mot, le terme, type on ne sait d’où venu, Face de l’invisible, aspect de l’inconnu ; Créé, par qui ? forgé, par qui ? jailli de l’ombre ; Montant et descendant dans notre tête sombre, Trouvant toujours le sens comme l’eau le niveau ; Formule des lueurs flottantes du cerveau. Oui, vous tous, comprenez que les mots sont des choses. Ils roulent pêle-mêle au gouffre obscur des proses, Ou font gronder le vers, orageuse forêt. Du sphinx Esprit Humain le mot sait le secret. Le mot veut, ne veut pas, accourt, fée ou bacchante, S’offre, se donne ou fuit ; devant Néron qui chante Ou Charles-Neuf qui rime, il recule hagard ; Tel mot est un sourire, et tel autre un regard ; De quelque mot profond tout homme est le disciple ; Toute force ici-bas a le mot pour multiple ; Moulé sur le cerveau, vif ou lent, grave ou bref, Le creux du crâne humain lui donne son relief ; La vieille empreinte y reste auprès de la nouvelle ; Ce qu’un mot ne sait pas, un autre le révèle ; Les mots heurtent le front comme l’eau le récif ; Ils fourmillent, ouvrant dans notre esprit pensif Des griffes ou des mains, et quelques-uns des ailes ; Comme en un âtre noir errent des étincelles, Rêveurs, tristes, joyeux, amers, sinistres, doux, Sombre peuple, les mots vont et viennent en nous ; Les mots sont les passants mystérieux de l’âme. Chacun d’eux porte une ombre ou secoue une flamme ; Chacun d’eux du cerveau garde une région ; Pourquoi ? c’est que le mot s’appelle Légion ; C’est que chacun, selon l’éclair qui le traverse, Dans le labeur commun fait une œuvre diverse ; C’est que de ce troupeau de signes et de sons Qu’écrivant ou parlant, devant nous nous chassons, Naissent les cris, les chants, les soupirs, les harangues ; C’est que, présent partout, nain caché sous les langues, Le mot tient sous ses pieds le globe et l’asservit ; Et, de même que l’homme est l’animal où vit L’âme, clarté d’en haut par le corps possédée, C’est que Dieu fait du mot la bête de l’idée. Le mot fait vibrer tout au fond de nos esprits. Il remue, en disant : Béatrix, Lycoris, Dante au Campo-Santo, Virgile au Pausilippe. De l’océan pensée il est le noir polype. Quand un livre jaillit d’Eschyle ou de Manou, Quand saint Jean à Patmos écrit sur son genou, On voit parmi leurs vers pleins d’hydres et de stryges, Des mots monstres ramper dans ces œuvres prodiges. Ô main de l’impalpable ! ô pouvoir surprenant ! Mets un mot sur un homme, et l’homme frissonnant Sèche et meurt, pénétré par la force profonde ; Attache un mot vengeur au flanc de tout un monde, Et le monde, entraînant pavois, glaive, échafaud, Ses lois, ses mœurs, ses dieux, s’écroule sous le mot. Cette toute-puissance immense sort des bouches. La terre est sous les mots comme un champ sous les mouches. Le mot dévore, et rien ne résiste à sa dent. À son haleine, l’âme et la lumière aidant, L’obscure énormité lentement s’exfolie. Il met sa force sombre en ceux que rien ne plie ; Caton a dans les reins cette syllabe : NON. Tous les grands obstinés, Brutus, Colomb, Zénon, Ont ce mot flamboyant qui luit sous leur paupière : ESPÉRANCE ! — Il entr’ouvre une bouche de pierre Dans l’enclos formidable où les morts ont leur lit, Et voilà que don Juan pétrifié pâlit ! Il fait le marbre spectre, il fait l’homme statue. Il frappe, il blesse, il marque, il ressuscite, il tue. Nemrod dit : « Guerre ! » Alors, du Gange à l’Ilissus, Le fer luit, le sang coule. « Aimez-vous ! » dit Jésus, Et se mot à jamais brille et se réverbère Dans le vaste univers, sur tous, sur toi, Tibère, Dans les cieux, sur les fleurs, sur l’homme rajeuni, Comme le flamboiement d’amour de l’infini ! Quand, aux jours où la terre entr’ouvrait sa corolle, Le premier homme dit la première parole, Le mot né de sa lèvre, et que tout entendit, Rencontra dans les cieux la lumière, et lui dit : « Ma sœur ! « Envole-toi ! plane ! sois éternelle ! « Allume l’astre ! emplis à jamais la prunelle ! « Échauffe éthers, azurs, sphères, globes ardents ; « Éclaire le dehors, j’éclaire le dedans. « Tu vas être une vie, et je vais être l’autre. « Sois la langue de feu, ma sœur, je suis l’apôtre. « Surgis, effare l’ombre, éblouis l’horizon, « Sois l’aube ; je te vaux, car je suis la raison ; « À toi les yeux, à moi les fronts. Ô ma sœur blonde, « Sous le réseau Clarté tu vas saisir le monde ; « Avec tes rayons d’or tu vas lier entre eux « Les terres, les soleils, les fleurs, les flots vitreux, « Les champs, les cieux ; et moi, je vais lier les bouches ; « Et sur l’homme, emporté par mille essors farouches, « Tisser, avec des fils d’harmonie et de jour, « Pour prendre tous les cœurs, l’immense toile Amour. « J’existais avant l’âme, Adam n’est pas mon père. « J’étais même avant toi ; tu n’aurais pu, lumière, « Sortir sans moi du gouffre où tout rampe enchaîné ; « Mon nom est FIAT LUX, et je suis ton aîné ! » Oui, tout-puissant. Tel est le mot. Fou qui s’en joue ! Quand l’erreur fait un nœud dans l’homme, il le dénoue. Il est foudre dans l’ombre et ver dans le fruit mûr. Il sort d’une trompette, il tremble sur un mur, Et Balthazar chancelle, et Jéricho s’écroule. Il s’incorpore au peuple, étant lui-même foule. Il est vie, esprit, germe, ouragan, vertu, feu ; Car le mot, c’est le Verbe, et le Verbe, c’est Dieu. Jersey, juin 1835"
suffragettes AB Il y a 5 ans

SUITE VIII des contemplations VICTOR HUGO

"Car le mot, qu’on le sache, est un être vivant.
La main du songeur vibre et tremble en l’écrivant ;
La plume, qui d’une aile allongeait l’envergure,
Frémit sur le papier quand sort cette figure,
Le mot, le terme, type on ne sait d’où venu,
Face de l’invisible, aspect de l’inconnu ;
Créé, par qui ? forgé, par qui ? jailli de l’ombre ;
Montant et descendant dans notre tête sombre,
Trouvant toujours le sens comme l’eau le niveau ;
Formule des lueurs flottantes du cerveau.
Oui, vous tous, comprenez que les mots sont des choses.
Ils roulent pêle-mêle au gouffre obscur des proses,
Ou font gronder le vers, orageuse forêt.
Du sphinx Esprit Humain le mot sait le secret.
Le mot veut, ne veut pas, accourt, fée ou bacchante,
S’offre, se donne ou fuit ; devant Néron qui chante
Ou Charles-Neuf qui rime, il recule hagard ;
Tel mot est un sourire, et tel autre un regard ;
De quelque mot profond tout homme est le disciple ;
Toute force ici-bas a le mot pour multiple ;
Moulé sur le cerveau, vif ou lent, grave ou bref,
Le creux du crâne humain lui donne son relief ;
La vieille empreinte y reste auprès de la nouvelle ;
Ce qu’un mot ne sait pas, un autre le révèle ;
Les mots heurtent le front comme l’eau le récif ;
Ils fourmillent, ouvrant dans notre esprit pensif
Des griffes ou des mains, et quelques-uns des ailes ;
Comme en un âtre noir errent des étincelles,
Rêveurs, tristes, joyeux, amers, sinistres, doux,
Sombre peuple, les mots vont et viennent en nous ;
Les mots sont les passants mystérieux de l’âme.

Chacun d’eux porte une ombre ou secoue une flamme ;
Chacun d’eux du cerveau garde une région ;
Pourquoi ? c’est que le mot s’appelle Légion ;
C’est que chacun, selon l’éclair qui le traverse,
Dans le labeur commun fait une œuvre diverse ;
C’est que de ce troupeau de signes et de sons
Qu’écrivant ou parlant, devant nous nous chassons,
Naissent les cris, les chants, les soupirs, les harangues ;
C’est que, présent partout, nain caché sous les langues,
Le mot tient sous ses pieds le globe et l’asservit ;
Et, de même que l’homme est l’animal où vit
L’âme, clarté d’en haut par le corps possédée,
C’est que Dieu fait du mot la bête de l’idée.

Le mot fait vibrer tout au fond de nos esprits.
Il remue, en disant : Béatrix, Lycoris,
Dante au Campo-Santo, Virgile au Pausilippe.
De l’océan pensée il est le noir polype.
Quand un livre jaillit d’Eschyle ou de Manou,
Quand saint Jean à Patmos écrit sur son genou,
On voit parmi leurs vers pleins d’hydres et de stryges,
Des mots monstres ramper dans ces œuvres prodiges.

Ô main de l’impalpable ! ô pouvoir surprenant !
Mets un mot sur un homme, et l’homme frissonnant
Sèche et meurt, pénétré par la force profonde ;
Attache un mot vengeur au flanc de tout un monde,
Et le monde, entraînant pavois, glaive, échafaud,
Ses lois, ses mœurs, ses dieux, s’écroule sous le mot.
Cette toute-puissance immense sort des bouches.
La terre est sous les mots comme un champ sous les mouches.
Le mot dévore, et rien ne résiste à sa dent.
À son haleine, l’âme et la lumière aidant,
L’obscure énormité lentement s’exfolie.
Il met sa force sombre en ceux que rien ne plie ;
Caton a dans les reins cette syllabe : NON.
Tous les grands obstinés, Brutus, Colomb, Zénon,
Ont ce mot flamboyant qui luit sous leur paupière :
ESPÉRANCE ! — Il entr’ouvre une bouche de pierre
Dans l’enclos formidable où les morts ont leur lit,
Et voilà que don Juan pétrifié pâlit !
Il fait le marbre spectre, il fait l’homme statue.
Il frappe, il blesse, il marque, il ressuscite, il tue.
Nemrod dit : « Guerre ! » Alors, du Gange à l’Ilissus,
Le fer luit, le sang coule. « Aimez-vous ! » dit Jésus,
Et se mot à jamais brille et se réverbère
Dans le vaste univers, sur tous, sur toi, Tibère,
Dans les cieux, sur les fleurs, sur l’homme rajeuni,
Comme le flamboiement d’amour de l’infini !

Quand, aux jours où la terre entr’ouvrait sa corolle,
Le premier homme dit la première parole,
Le mot né de sa lèvre, et que tout entendit,
Rencontra dans les cieux la lumière, et lui dit :
« Ma sœur !

« Envole-toi ! plane ! sois éternelle !

« Allume l’astre ! emplis à jamais la prunelle !
« Échauffe éthers, azurs, sphères, globes ardents ;
« Éclaire le dehors, j’éclaire le dedans.
« Tu vas être une vie, et je vais être l’autre.
« Sois la langue de feu, ma sœur, je suis l’apôtre.
« Surgis, effare l’ombre, éblouis l’horizon,
« Sois l’aube ; je te vaux, car je suis la raison ;
« À toi les yeux, à moi les fronts. Ô ma sœur blonde,
« Sous le réseau Clarté tu vas saisir le monde ;
« Avec tes rayons d’or tu vas lier entre eux
« Les terres, les soleils, les fleurs, les flots vitreux,
« Les champs, les cieux ; et moi, je vais lier les bouches ;
« Et sur l’homme, emporté par mille essors farouches,
« Tisser, avec des fils d’harmonie et de jour,
« Pour prendre tous les cœurs, l’immense toile Amour.
« J’existais avant l’âme, Adam n’est pas mon père.
« J’étais même avant toi ; tu n’aurais pu, lumière,
« Sortir sans moi du gouffre où tout rampe enchaîné ;
« Mon nom est FIAT LUX, et je suis ton aîné ! »

Oui, tout-puissant. Tel est le mot. Fou qui s’en joue !
Quand l’erreur fait un nœud dans l’homme, il le dénoue.
Il est foudre dans l’ombre et ver dans le fruit mûr.
Il sort d’une trompette, il tremble sur un mur,
Et Balthazar chancelle, et Jéricho s’écroule.
Il s’incorpore au peuple, étant lui-même foule.
Il est vie, esprit, germe, ouragan, vertu, feu ;
Car le mot, c’est le Verbe, et le Verbe, c’est Dieu.

Jersey, juin 1835"

Pour chacun, une bouche deux yeux deux mains deux jambes Rien ne ressemble plus à un homme qu’un autre homme Alors entre la bouche qui blesse et la bouche qui console - entre les yeux qui condamnent et les yeux qui éclairent - entre les mains qui donnent et les mains qui dépouillent - entre le pas sans trace et les pas qui guident où est la différence la mystérieuse différence ? Siméon
AnonymeIl y a 5 ans

Pour chacun, une bouche deux yeux deux mains deux jambes
Rien ne ressemble plus à un homme qu’un autre homme
Alors entre la bouche qui blesse et la bouche qui console

- entre les yeux qui condamnent et les yeux qui éclairent
- entre les mains qui donnent et les mains qui dépouillent
- entre le pas sans trace et les pas qui guident

où est la différence la mystérieuse différence ?

Siméon

[quote="Maestro Karajan"]Pour chacun, une bouche deux yeux deux mains deux jambes Rien ne ressemble plus à un homme qu’un autre homme Alors entre la bouche qui blesse et la bouche qui console - entre les yeux qui condamnent et les yeux qui éclairent - entre les mains qui donnent et les mains qui dépouillent - entre le pas sans trace et les pas qui guident où est la différence la mystérieuse différence ? Siméon[/quote] <3 Mais oui, Jean-Pierre Siméon, vu dans une conférence sur l'utopie dans le Var, dans laquelle il nous a révélé que "la poésie sauvera le monde" :)
suffragettes AB Il y a 5 ans

Pour chacun, une bouche deux yeux deux mains deux jambes
Rien ne ressemble plus à un homme qu’un autre homme
Alors entre la bouche qui blesse et la bouche qui console

- entre les yeux qui condamnent et les yeux qui éclairent
- entre les mains qui donnent et les mains qui dépouillent
- entre le pas sans trace et les pas qui guident

où est la différence la mystérieuse différence ?

Siméon
@Maestro Karajan


<3 Mais oui, Jean-Pierre Siméon, vu dans une conférence sur l'utopie dans le Var, dans laquelle il nous a révélé que "la poésie sauvera le monde"

@suffragettes AB Elle le sauvera.
AnonymeIl y a 5 ans

@suffragettes AB

Elle le sauvera.

"Diotima, ô bienheureuse ! Âme sublime, par qui mon cœur Guéri de l’angoisse de vivre Se promet la jeunesse éternelle des dieux ! Il durera, notre ciel ! Liés par leurs profondeurs insondables, Nos âmes, avant de se voir, S’étaient déjà reconnues." holderlin http://www.barapoemes.net/archives/2016/02/14/33367167.html
suffragettes AB Il y a 5 ans

"Diotima, ô bienheureuse !
Âme sublime, par qui mon cœur
Guéri de l’angoisse de vivre
Se promet la jeunesse éternelle des dieux !

Il durera, notre ciel !

Liés par leurs profondeurs insondables,
Nos âmes, avant de se voir,
S’étaient déjà reconnues."

holderlin

http://www.barapoemes.net/archives/2016/02/14/33367167.html

La source tombait du rocher Goutte à goutte à la mer affreuse. L'océan, fatal au nocher, Lui dit : - Que me veux-tu, pleureuse ? Je suis la tempête et l'effroi ; Je finis où le ciel commence. Est-ce que j'ai besoin de toi, Petite, moi qui suis l'immense ? - La source dit au gouffre amer : - je te donne, sans bruit ni gloire, Ce qui te manque, ô vaste mer ! Une goutte d'eau qu'on peut boire. La source tombait du rocher Hugo
AnonymeIl y a 5 ans

La source tombait du rocher
Goutte à goutte à la mer affreuse.
L'océan, fatal au nocher,
Lui dit : - Que me veux-tu, pleureuse ?

Je suis la tempête et l'effroi ;
Je finis où le ciel commence.
Est-ce que j'ai besoin de toi,
Petite, moi qui suis l'immense ? -

La source dit au gouffre amer :
- je te donne, sans bruit ni gloire,
Ce qui te manque, ô vaste mer !
Une goutte d'eau qu'on peut boire.

La source tombait du rocher
Hugo

Les amants sépares Comme des sourds-muets parlant dans une gare Leur langage tragique au coeur noir du vacarme Les amants séparés font des gestes hagards Dans le silence blanc de l'hiver et des armes Et quand au baccara des nuits vient se refaire Le rêve si ses doigts de feu dans les nuages Se croisent c'est hélas sur des oiseaux de fer Ce n'est pas l'alouette O Romeos sauvages Et ni le rossignol dans le ciel fait enfer. Les arbres, les hommes et les murs Beiges comme l'air beige et beiges Comme le souvenir s'emurent Dans un monde couvert de neige Quand arriva mais l'amour y Retrouve pourtant ses arpèges Une lettre triste à mourir Une lettre triste à mourir. L'hiver est pareil a l'absence L'hiver a des cristaux chanteurs Où le vin gelé perd tout sens Où la romance a des lenteurs Et la musique qui m'étreint Sonne sonne sonne les heures L'aiguille tourne et le temps grince L'aiguille tourne et le temps grince Ma femme d'or mon chrysanthème Pourquoi ta lettre est-elle amère Pourquoi ta lettre si je t'aime Comme un naufrage en pleine mer Fait-elle à la façon des cris Mal des cris que les vents calmèrent Du frémissement de leurs rimes Du frémissement de leurs crimes Mon amour il ne reste plus Que les mots notre rouge-à-lèvres Que les mots gelés où s'englue Le jour qui sans espoir se lève Rêve traîne meurt et renaît Aux douves du château de Gesvres Où le clairon pour moi sonnait Où le clairon pour toi sonnait Je ferai de ces mots notre trésor unique Les bouquets joyeux qu'on dépose aux pieds des saintes Et je te les tendrai ma tendre ces jacinthes Ces lilas suburbains le bleu des véroniques Et le velours amande aux branchages qu'on vend Dans les fleurs de Mai comme les cloches blanches Du muguet que nous n'irons pas cueillir avant Avant Ah tous les mots fleuris là-devant flanchent Les fleurs perdent leurs fleurs au souffle du vent Et se ferment les yeux pareils a des pervenches Pourtant je chanterai pour toi tant que résonne Le sang rouge en mon coeur qui sans fin t'aimera Ce refrain peut paraître un tradéridera Mais peut-être qu'un jour les mots que murmura Ce coeur use ce coeur banal seront l'aura D'un monde merveilleux dont toi seule sauras Que si le soleil brille et l'amour frissonne C'est que sans croire même au printemps dès l'automne J'aurai dit tradéridera comme personne Aragon
suffragettes AB Il y a 5 ans

Les amants sépares

Comme des sourds-muets parlant dans une gare
Leur langage tragique au coeur noir du vacarme
Les amants séparés font des gestes hagards
Dans le silence blanc de l'hiver et des armes
Et quand au baccara des nuits vient se refaire
Le rêve si ses doigts de feu dans les nuages
Se croisent c'est hélas sur des oiseaux de fer
Ce n'est pas l'alouette O Romeos sauvages
Et ni le rossignol dans le ciel fait enfer.

Les arbres, les hommes et les murs
Beiges comme l'air beige et beiges
Comme le souvenir s'emurent
Dans un monde couvert de neige
Quand arriva mais l'amour y
Retrouve pourtant ses arpèges
Une lettre triste à mourir
Une lettre triste à mourir.

L'hiver est pareil a l'absence
L'hiver a des cristaux chanteurs
Où le vin gelé perd tout sens

Où la romance a des lenteurs
Et la musique qui m'étreint
Sonne sonne sonne les heures
L'aiguille tourne et le temps grince
L'aiguille tourne et le temps grince

Ma femme d'or mon chrysanthème
Pourquoi ta lettre est-elle amère
Pourquoi ta lettre si je t'aime
Comme un naufrage en pleine mer
Fait-elle à la façon des cris
Mal des cris que les vents calmèrent
Du frémissement de leurs rimes
Du frémissement de leurs crimes

Mon amour il ne reste plus
Que les mots notre rouge-à-lèvres
Que les mots gelés où s'englue
Le jour qui sans espoir se lève
Rêve traîne meurt et renaît
Aux douves du château de Gesvres
Où le clairon pour moi sonnait
Où le clairon pour toi sonnait

Je ferai de ces mots notre trésor unique
Les bouquets joyeux qu'on dépose aux pieds des saintes
Et je te les tendrai ma tendre ces jacinthes
Ces lilas suburbains le bleu des véroniques
Et le velours amande aux branchages qu'on vend
Dans les fleurs de Mai comme les cloches blanches
Du muguet que nous n'irons pas cueillir avant
Avant Ah tous les mots fleuris là-devant flanchent
Les fleurs perdent leurs fleurs au souffle du vent

Et se ferment les yeux pareils a des pervenches
Pourtant je chanterai pour toi tant que résonne
Le sang rouge en mon coeur qui sans fin t'aimera
Ce refrain peut paraître un tradéridera
Mais peut-être qu'un jour les mots que murmura
Ce coeur use ce coeur banal seront l'aura
D'un monde merveilleux dont toi seule sauras
Que si le soleil brille et l'amour frissonne
C'est que sans croire même au printemps dès l'automne
J'aurai dit tradéridera comme personne

Aragon

Gamin direction l'église, Mais quelle est la devise On se surprend On se divise Maintenir la crise Formatage,clivage Du landeau au tombeaux Oui moi j'ai adoptée Oui l'idée d'être enfant baptisé De communion sans communion Oui tous à l'unissons Sans avoir le sens de l'union Dans le chaos,la désunion A quand la réunion Oui pour régler la question Si au final on ne serait pas tous con Esprit formaté Maintenant pucée Mais quel idée!!? Epaule tatoué Bien entendu vacciné! Un regard venu d'en haut Qui te regarde tel un chiot Trop tard pour le rebootage A part le replay dans la mémoire Triste pensée passé Direction la sortie de l'église C'est le prémisse de l'apocalypse Bienvenu dans la matrice...! P.S: d'habitude je ne m'aventure pas dans ce genre d'exercice,mais il a fallu que je voie des enfants rentré dans une église pour partir en bad trip!!dsl pour le viol poétique!!!^^
romano Il y a 5 ans

Gamin direction l'église,
Mais quelle est la devise
On se surprend
On se divise
Maintenir la crise

Formatage,clivage
Du landeau au tombeaux

Oui moi j'ai adoptée
Oui l'idée d'être enfant baptisé
De communion sans communion
Oui tous à l'unissons
Sans avoir le sens de l'union
Dans le chaos,la désunion
A quand la réunion
Oui pour régler la question
Si au final on ne serait pas tous con

Esprit formaté
Maintenant pucée
Mais quel idée!!?
Epaule tatoué
Bien entendu vacciné!

Un regard venu d'en haut
Qui te regarde tel un chiot
Trop tard pour le rebootage
A part le replay dans la mémoire
Triste pensée passé

Direction la sortie de l'église
C'est le prémisse de l'apocalypse

Bienvenu dans la matrice...!

P.S: d'habitude je ne m'aventure pas dans ce genre d'exercice,mais il a fallu que je voie des enfants rentré dans une église pour partir en bad trip!!dsl pour le viol poétique!!!

Yeux ouverts des maisons clignant dans l'ombre claire, Bouge aux yeux avinés, hospice aux yeux jaunis, Maisons pleines d'horreur, de douceur, de colère, Où le crime a sa bauge, où le rêve a ses nids. Sous le fardeau d'un ciel qui n'est plus tutélaire, Maisons des poings levés, maisons des doigts unis; Les globes froids des nuits sous l'orbite polaire Roulent moins de secrets dans leurs yeux infinis. Emportés çà et là au gré des vents contraires, Vous vivez, vous mourrez; je pense à vous, mes frères, Le pauvre, le malade, ou l'amant, ou l'ami. Vos cœurs ont leurs typhons, leurs monstres, leurs algèbres, Mais nul, en se penchant, ne voit dans vos ténèbres Graviter sourdement tout un monde endormi. Marguerite Yourcenar - Les maisons et les mondes.
Prolétarien Il y a 5 ans

Yeux ouverts des maisons clignant dans l'ombre claire,
Bouge aux yeux avinés, hospice aux yeux jaunis,
Maisons pleines d'horreur, de douceur, de colère,
Où le crime a sa bauge, où le rêve a ses nids.

Sous le fardeau d'un ciel qui n'est plus tutélaire,
Maisons des poings levés, maisons des doigts unis;
Les globes froids des nuits sous l'orbite polaire
Roulent moins de secrets dans leurs yeux infinis.

Emportés çà et là au gré des vents contraires,
Vous vivez, vous mourrez; je pense à vous, mes frères,
Le pauvre, le malade, ou l'amant, ou l'ami.

Vos cœurs ont leurs typhons, leurs monstres, leurs algèbres,
Mais nul, en se penchant, ne voit dans vos ténèbres
Graviter sourdement tout un monde endormi.

Marguerite Yourcenar - Les maisons et les mondes.

Ô Femme au cœur de qui mon triste cœur a cru, Je te convoite, ainsi qu’un trésor disparu. Je te maudis, mais en t’aimant… Mon cœur bizarre Te recherche, Émeraude admirablement rare ! Que je suis exilée ! Et que pèse le temps, Malgré le beau soleil des midis éclatants ! Retombant chaque soir dans un amer silence, Je pleure sur le plus grand des maux : sur l’absence !… Absence Renée Vivien Dans un coin de violettes
AnonymeIl y a 5 ans


Ô Femme au cœur de qui mon triste cœur a cru,
Je te convoite, ainsi qu’un trésor disparu.

Je te maudis, mais en t’aimant… Mon cœur bizarre
Te recherche, Émeraude admirablement rare !

Que je suis exilée ! Et que pèse le temps,
Malgré le beau soleil des midis éclatants !

Retombant chaque soir dans un amer silence,
Je pleure sur le plus grand des maux : sur l’absence !…

Absence
Renée Vivien
Dans un coin de violettes

"Ce sont les loups chassant la nuit Ce sont les coyotes Missouri C’est mon cœur indien dans la transe C’est le chemin des pénitences De l’âme du corps avec toi C’est ma peau contre l’au-delà Des frontières de l’inaccessible Ce sont les voix de l’invisible Ce sont les fantômes qui dansent Autour des flammes incandescentes De tes yeux dans les nuits soleil C’est quand l’instant fait l’éternel Ce sont les esprits de nos morts C’est quand la vie respire encore Ce sont les siècles à bout de bras Ce sont les cœurs face au combat Le primitif me tend la main Le grand nord sera mon chemin Arizona inacouchante Je vais guerrier face aux brûlantes Je bois le venin du serpent Comme on boit le sang du divin Au nom du fils spirituel des sacrifices au nom du ciel Prêcheur de ceux qui vont sans dieux Le cœur à bout de bras les cieux Si mon âme sœur est la lumière Repose en moi les univers Nos Cœur face aux apocalypses Mais dis-moi quand viendra l’éclipse C’est la terre face au mortuaire C’est ton sourire face à l’enfer" Saez
suffragettes AB Il y a 5 ans

"Ce sont les loups chassant la nuit
Ce sont les coyotes Missouri
C’est mon cœur indien dans la transe
C’est le chemin des pénitences
De l’âme du corps avec toi
C’est ma peau contre l’au-delà
Des frontières de l’inaccessible
Ce sont les voix de l’invisible
Ce sont les fantômes qui dansent
Autour des flammes incandescentes
De tes yeux dans les nuits soleil
C’est quand l’instant fait l’éternel
Ce sont les esprits de nos morts
C’est quand la vie respire encore
Ce sont les siècles à bout de bras
Ce sont les cœurs face au combat
Le primitif me tend la main
Le grand nord sera mon chemin
Arizona inacouchante
Je vais guerrier face aux brûlantes
Je bois le venin du serpent
Comme on boit le sang du divin
Au nom du fils spirituel
des sacrifices au nom du ciel
Prêcheur de ceux qui vont sans dieux
Le cœur à bout de bras les cieux
Si mon âme sœur est la lumière
Repose en moi les univers
Nos Cœur face aux apocalypses
Mais dis-moi quand viendra l’éclipse
C’est la terre face au mortuaire
C’est ton sourire face à l’enfer"
Saez

Un dernier mot, Pascal ! À ton tour de m’entendre Pousser aussi ma plainte et mon cri de fureur. Je vais faire d’horreur frémir ta noble cendre, Mais du moins j’aurai dit ce que j’ai sur le cœur. À plaisir sous nos yeux lorsque ta main déroule Le tableau désolant des humaines douleurs, Nous montrant qu’en ce monde où tout s’effondre et croule L’homme lui-même n’est qu’une ruine en pleurs, Ou lorsque, nous traînant de sommets en abîmes, Entre deux infinis tu nous tiens suspendus, Que ta voix pénétrant en leurs fibres intimes, Frappe à cris redoublés sur nos cœurs éperdus, Tu crois que tu n’as plus dans ton ardeur fébrile, Tant déjà tu nous crois ébranlés, abêtis, Qu’à dévoiler la Foi, monstrueuse et stérile, Pour nous voir sur son sein tomber anéantis. À quoi bon le nier ? dans tes sombres peintures, Oui, tout est vrai, pascal, nous le reconnaissons : Voilà nos désespoirs, nos doutes, nos tortures, Et devant l’Infini ce sont là nos frissons. Mais parce qu’ici-bas par des maux incurables, Jusqu’en nos profondeurs, nous nous sentons atteints, Et que nous succombons, faibles et misérables, Sous le poids accablant d’effroyables destins, Il ne nous resterait, dans l’angoisse où nous sommes, Qu’à courir embrasser cette Croix que tu tiens ? Ah ! nous ne pouvons point nous défendre d’être hommes, Mais nous nous refusons à devenir chrétiens. Quand de son Golgotha, saignant sous l’auréole, Ton Christ viendrait à nous, tendant ses bras sacrés, Et quand il laisserait sa divine parole Tomber pour les guérir en nos cœurs ulcérés ; Quand il ferait jaillir devant notre âme avide Des sources d’espérance et des flots de clarté, Et qu’il nous montrerait dans son beau ciel splendide Nos trônes préparés de toute éternité, Nous nous détournerions du Tentateur céleste Qui nous offre son sang, mais veut notre raison. Pour repousser l’échange inégal et funeste Notre bouche jamais n’aurait assez de Non ! Non à la Croix sinistre et qui fit de son ombre Une nuit où faillit périr l’esprit humain, Qui, devant le Progrès se dressant haute et sombre. Au vrai libérateur a barré le chemin ; Non à cet instrument d’un infâme supplice Où nous voyons, auprès du divin Innocent Et sous les mêmes coups, expirer la Justice ; Non à notre salut s’il a coûté du sang ; Puisque l’Amour ne peut nous dérober ce crime, Tout en l’enveloppant d’un voile séducteur, Malgré son dévouement, Non ! même à la Victime, Et Non par-dessus tout au Sacrificateur ! Qu’importe qu’il soit Dieu si son oeuvre est impie ? Quoi ! c’est son propre fils qu’il a crucifié ? Il pouvait pardonner, mais il veut qu’on expie ; Il immole, et cela s’appelle avoir pitié ! Pascal, à ce bourreau, toi, tu disais : « Mon Père. » Son odieux forfait ne t’a point révolté ; Bien plus, tu l’adorais sous le nom de mystère, Tant le problème humain t’avait épouvanté. Lorsque tu te courbais sous la Croix qui t’accable, Tu ne voulais, hélas ! qu’endormir ton tourment, Et ce que tu cherchais dans un dogme implacable, Plus que la vérité, c’était l’apaisement, Car ta Foi n’était pas la certitude encore ; Aurais-tu tant gémi si tu n’avais douté ? Pour avoir reculé devant ce mot : J’ignore, Dans quel gouffre d’erreurs tu t’es précipité ! Nous, nous restons au bord. Aucune perspective, Soit Enfer, soit Néant, ne fait pâlir nos fronts, Et s’il faut accepter ta sombre alternative, Croire ou désespérer, nous désespérerons. Aussi bien, jamais heure à ce point triste et morne Sous le soleil des cieux n’avait encor sonné ; Jamais l’homme, au milieu de l’univers sans borne, Ne s’est senti plus seul et plus abandonné. Déjà son désespoir se transforme en furie ; Il se traîne au combat sur ses genoux sanglants, Et se sachant voué d’avance à la tuerie, Pour s’achever plus vite ouvre ses propres flancs. Aux applaudissements de la plèbe romaine Quand le cirque jadis se remplissait de sang, Au-dessus des horreurs de la douleur humaine, Le regard découvrait un César tout puissant. Il était là, trônant dans sa grandeur sereine, Tout entier au plaisir de regarder souffrir, Et le gladiateur, en marchant vers l’arène, Savait qui saluer quand il allait mourir. Nous, qui saluerons-nous ? à nos luttes brutales Qui donc préside, armé d’un sinistre pouvoir ? Ah ! seules, si des Lois aveugles et fatales Au carnage éternel nous livraient sans nous voir, D’un geste résigné nous saluerions nos reines. Enfermé dans un cirque impossible à franchir, L’on pourrait néanmoins devant ces souveraines, Tout roseau que l’on est, s’incliner sans fléchir. Oui, mais si c’est un Dieu, maître et tyran suprême, Qui nous contemple ainsi nous entre-déchirer, Ce n’est plus un salut, non ! c’est un anathème Que nous lui lancerons avant que d’expirer. Comment ! ne disposer de la Force infinie Que pour se procurer des spectacles navrants, Imposer le massacre, infliger l’agonie, Ne vouloir sous ses yeux que morts et que mourants ! Devant ce spectateur de nos douleurs extrêmes Notre indignation vaincra toute terreur ; Nous entrecouperons nos râles de blasphèmes, Non sans désir secret d’exciter sa fureur. Qui sait ? nous trouverons peut-être quelque injure Qui l’irrite à ce point que, d’un bras forcené, Il arrache des cieux notre planète obscure, Et brise en mille éclats ce globe infortuné. Notre audace du moins vous sauverait de naître, Vous qui dormez encore au fond de l’avenir, Et nous triompherions d’avoir, en cessant d’être, Avec l’Humanité forcé Dieu d’en finir. Ah ! quelle immense joie après tant de souffrance ! À travers les débris, par-dessus les charniers, Pouvoir enfin jeter ce cri de délivrance : « Plus d’hommes sous le ciel, nous sommes les derniers ! » Dernier mot Recueil : "Poésies Philosophiques" Louise ACKERMANN
AnonymeIl y a 5 ans


Un dernier mot, Pascal ! À ton tour de m’entendre
Pousser aussi ma plainte et mon cri de fureur.
Je vais faire d’horreur frémir ta noble cendre,
Mais du moins j’aurai dit ce que j’ai sur le cœur.

À plaisir sous nos yeux lorsque ta main déroule
Le tableau désolant des humaines douleurs,
Nous montrant qu’en ce monde où tout s’effondre et croule
L’homme lui-même n’est qu’une ruine en pleurs,
Ou lorsque, nous traînant de sommets en abîmes,
Entre deux infinis tu nous tiens suspendus,
Que ta voix pénétrant en leurs fibres intimes,
Frappe à cris redoublés sur nos cœurs éperdus,
Tu crois que tu n’as plus dans ton ardeur fébrile,
Tant déjà tu nous crois ébranlés, abêtis,
Qu’à dévoiler la Foi, monstrueuse et stérile,
Pour nous voir sur son sein tomber anéantis.
À quoi bon le nier ? dans tes sombres peintures,
Oui, tout est vrai, pascal, nous le reconnaissons :
Voilà nos désespoirs, nos doutes, nos tortures,
Et devant l’Infini ce sont là nos frissons.
Mais parce qu’ici-bas par des maux incurables,
Jusqu’en nos profondeurs, nous nous sentons atteints,
Et que nous succombons, faibles et misérables,
Sous le poids accablant d’effroyables destins,
Il ne nous resterait, dans l’angoisse où nous sommes,
Qu’à courir embrasser cette Croix que tu tiens ?
Ah ! nous ne pouvons point nous défendre d’être hommes,
Mais nous nous refusons à devenir chrétiens.
Quand de son Golgotha, saignant sous l’auréole,
Ton Christ viendrait à nous, tendant ses bras sacrés,
Et quand il laisserait sa divine parole
Tomber pour les guérir en nos cœurs ulcérés ;
Quand il ferait jaillir devant notre âme avide
Des sources d’espérance et des flots de clarté,
Et qu’il nous montrerait dans son beau ciel splendide
Nos trônes préparés de toute éternité,
Nous nous détournerions du Tentateur céleste
Qui nous offre son sang, mais veut notre raison.
Pour repousser l’échange inégal et funeste
Notre bouche jamais n’aurait assez de Non !
Non à la Croix sinistre et qui fit de son ombre
Une nuit où faillit périr l’esprit humain,
Qui, devant le Progrès se dressant haute et sombre.
Au vrai libérateur a barré le chemin ;
Non à cet instrument d’un infâme supplice
Où nous voyons, auprès du divin Innocent
Et sous les mêmes coups, expirer la Justice ;
Non à notre salut s’il a coûté du sang ;
Puisque l’Amour ne peut nous dérober ce crime,
Tout en l’enveloppant d’un voile séducteur,
Malgré son dévouement, Non ! même à la Victime,
Et Non par-dessus tout au Sacrificateur !
Qu’importe qu’il soit Dieu si son oeuvre est impie ?
Quoi ! c’est son propre fils qu’il a crucifié ?
Il pouvait pardonner, mais il veut qu’on expie ;
Il immole, et cela s’appelle avoir pitié !

Pascal, à ce bourreau, toi, tu disais : « Mon Père. »
Son odieux forfait ne t’a point révolté ;
Bien plus, tu l’adorais sous le nom de mystère,
Tant le problème humain t’avait épouvanté.
Lorsque tu te courbais sous la Croix qui t’accable,
Tu ne voulais, hélas ! qu’endormir ton tourment,
Et ce que tu cherchais dans un dogme implacable,
Plus que la vérité, c’était l’apaisement,
Car ta Foi n’était pas la certitude encore ;
Aurais-tu tant gémi si tu n’avais douté ?
Pour avoir reculé devant ce mot : J’ignore,
Dans quel gouffre d’erreurs tu t’es précipité !
Nous, nous restons au bord. Aucune perspective,
Soit Enfer, soit Néant, ne fait pâlir nos fronts,
Et s’il faut accepter ta sombre alternative,
Croire ou désespérer, nous désespérerons.
Aussi bien, jamais heure à ce point triste et morne
Sous le soleil des cieux n’avait encor sonné ;
Jamais l’homme, au milieu de l’univers sans borne,
Ne s’est senti plus seul et plus abandonné.
Déjà son désespoir se transforme en furie ;
Il se traîne au combat sur ses genoux sanglants,
Et se sachant voué d’avance à la tuerie,
Pour s’achever plus vite ouvre ses propres flancs.

Aux applaudissements de la plèbe romaine
Quand le cirque jadis se remplissait de sang,
Au-dessus des horreurs de la douleur humaine,
Le regard découvrait un César tout puissant.
Il était là, trônant dans sa grandeur sereine,
Tout entier au plaisir de regarder souffrir,
Et le gladiateur, en marchant vers l’arène,
Savait qui saluer quand il allait mourir.
Nous, qui saluerons-nous ? à nos luttes brutales
Qui donc préside, armé d’un sinistre pouvoir ?
Ah ! seules, si des Lois aveugles et fatales
Au carnage éternel nous livraient sans nous voir,
D’un geste résigné nous saluerions nos reines.
Enfermé dans un cirque impossible à franchir,
L’on pourrait néanmoins devant ces souveraines,
Tout roseau que l’on est, s’incliner sans fléchir.
Oui, mais si c’est un Dieu, maître et tyran suprême,
Qui nous contemple ainsi nous entre-déchirer,
Ce n’est plus un salut, non ! c’est un anathème
Que nous lui lancerons avant que d’expirer.
Comment ! ne disposer de la Force infinie
Que pour se procurer des spectacles navrants,
Imposer le massacre, infliger l’agonie,
Ne vouloir sous ses yeux que morts et que mourants !
Devant ce spectateur de nos douleurs extrêmes
Notre indignation vaincra toute terreur ;
Nous entrecouperons nos râles de blasphèmes,
Non sans désir secret d’exciter sa fureur.
Qui sait ? nous trouverons peut-être quelque injure
Qui l’irrite à ce point que, d’un bras forcené,
Il arrache des cieux notre planète obscure,
Et brise en mille éclats ce globe infortuné.
Notre audace du moins vous sauverait de naître,
Vous qui dormez encore au fond de l’avenir,
Et nous triompherions d’avoir, en cessant d’être,
Avec l’Humanité forcé Dieu d’en finir.
Ah ! quelle immense joie après tant de souffrance !
À travers les débris, par-dessus les charniers,
Pouvoir enfin jeter ce cri de délivrance :
« Plus d’hommes sous le ciel, nous sommes les derniers ! »

Dernier mot
Recueil : "Poésies Philosophiques"
Louise ACKERMANN

Ce texte m'a beaucoup touchée. Je ne connaissais pas cette auteure. Je vais sur Wikipédia, et mon intérêt pour la dame grandit jusqu'à cette phrase : "Louise est alors mise en pension à Paris, dans une grande institution dirigée par la mère de l'abbé Saint-Léon Daubrée. Élève farouche, elle est surnommée l'« ourson » par ses camarades de classe." :) Y'a pas de hasard. Merci de cette belle découverte qui me donne envie d'aller y voir de plus près
Ema Il y a 5 ans

Ce texte m'a beaucoup touchée.
Je ne connaissais pas cette auteure. Je vais sur Wikipédia, et mon intérêt pour la dame grandit jusqu'à cette phrase : "Louise est alors mise en pension à Paris, dans une grande institution dirigée par la mère de l'abbé Saint-Léon Daubrée. Élève farouche, elle est surnommée l'« ourson » par ses camarades de classe." Y'a pas de hasard.
Merci de cette belle découverte qui me donne envie d'aller y voir de plus près

oui @Ema il faut aller fouiller un peu https://fr.wikisource.org/wiki/Po%C3%A9sies_philosophiques j'avais mis un extrait de ce même poème ici un jour, mais le truc en entier c'est pas mal non plus, merci @Maestro_Karajan
Eléa Il y a 5 ans

oui Ema il faut aller fouiller un peu https://fr.wikisource.org/wiki/Po%C3%A9sies_philosophiques

j'avais mis un extrait de ce même poème ici un jour, mais le truc en entier c'est pas mal non plus, merci @Maestro_Karajan

Ô toi, le plus savant et le plus beau des Anges, Dieu trahi par le sort et privé de louanges, Ô Satan, prends pitié de ma longue misère! Ô Prince de l'exil, à qui l'on a fait tort Et qui, vaincu, toujours te redresses plus fort, Ô Satan, prends pitié de ma longue misère! Toi qui sais tout, grand roi des choses souterraines, Guérisseur familier des angoisses humaines, Ô Satan, prends pitié de ma longue misère! Toi qui, même aux lépreux, aux parias maudits, Enseignes par l'amour le goût du Paradis, Ô Satan, prends pitié de ma longue misère! Ô toi qui de la Mort, ta vieille et forte amante, Engendras l'Espérance, — une folle charmante! Ô Satan, prends pitié de ma longue misère! Toi qui fais au proscrit ce regard calme et haut Qui damne tout un peuple autour d'un échafaud. Ô Satan, prends pitié de ma longue misère! Toi qui sais en quels coins des terres envieuses Le Dieu jaloux cacha les pierres précieuses, Ô Satan, prends pitié de ma longue misère! Toi dont l'oeil clair connaît les profonds arsenaux Où dort enseveli le peuple des métaux, Ô Satan, prends pitié de ma longue misère! Toi dont la large main cache les précipices Au somnambule errant au bord des édifices, Ô Satan, prends pitié de ma longue misère! Toi qui, magiquement, assouplis les vieux os De l'ivrogne attardé foulé par les chevaux, Ô Satan, prends pitié de ma longue misère! Toi qui, pour consoler l'homme frêle qui souffre, Nous appris à mêler le salpêtre et le soufre, Ô Satan, prends pitié de ma longue misère! Toi qui poses ta marque, ô complice subtil, Sur le front du Crésus impitoyable et vil, Ô Satan, prends pitié de ma longue misère! Toi qui mets dans les yeux et dans le coeur des filles Le culte de la plaie et l'amour des guenilles, Ô Satan, prends pitié de ma longue misère! Bâton des exilés, lampe des inventeurs, Confesseur des pendus et des conspirateurs, Ô Satan, prends pitié de ma longue misère! Père adoptif de ceux qu'en sa noire colère Du paradis terrestre a chassés Dieu le Père, Ô Satan, prends pitié de ma longue misère! Prière Gloire et louange à toi, Satan, dans les hauteurs Du Ciel, où tu régnas, et dans les profondeurs De l'Enfer, où, vaincu, tu rêves en silence! Fais que mon âme un jour, sous l'Arbre de Science, Près de toi se repose, à l'heure où sur ton front Comme un Temple nouveau ses rameaux s'épandront! Les Litanies de Satan / Les fleurs du mal Charles Baudelaire
AnonymeIl y a 5 ans

Ô toi, le plus savant et le plus beau des Anges,
Dieu trahi par le sort et privé de louanges,
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!
Ô Prince de l'exil, à qui l'on a fait tort
Et qui, vaincu, toujours te redresses plus fort,
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi qui sais tout, grand roi des choses souterraines,
Guérisseur familier des angoisses humaines,
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi qui, même aux lépreux, aux parias maudits,
Enseignes par l'amour le goût du Paradis,
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!
Ô toi qui de la Mort, ta vieille et forte amante,
Engendras l'Espérance, — une folle charmante!
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi qui fais au proscrit ce regard calme et haut
Qui damne tout un peuple autour d'un échafaud.
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi qui sais en quels coins des terres envieuses
Le Dieu jaloux cacha les pierres précieuses,
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi dont l'oeil clair connaît les profonds arsenaux
Où dort enseveli le peuple des métaux,
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi dont la large main cache les précipices
Au somnambule errant au bord des édifices,
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi qui, magiquement, assouplis les vieux os
De l'ivrogne attardé foulé par les chevaux,
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi qui, pour consoler l'homme frêle qui souffre,
Nous appris à mêler le salpêtre et le soufre,
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi qui poses ta marque, ô complice subtil,
Sur le front du Crésus impitoyable et vil,
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi qui mets dans les yeux et dans le coeur des filles
Le culte de la plaie et l'amour des guenilles,
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!
Bâton des exilés, lampe des inventeurs,
Confesseur des pendus et des conspirateurs,
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!
Père adoptif de ceux qu'en sa noire colère
Du paradis terrestre a chassés Dieu le Père,
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!

Prière

Gloire et louange à toi, Satan, dans les hauteurs
Du Ciel, où tu régnas, et dans les profondeurs
De l'Enfer, où, vaincu, tu rêves en silence!
Fais que mon âme un jour, sous l'Arbre de Science,
Près de toi se repose, à l'heure où sur ton front
Comme un Temple nouveau ses rameaux s'épandront!

Les Litanies de Satan / Les fleurs du mal
Charles Baudelaire

Rions, chantons, aimons, buvons : En quatre points c'est ma morale. Rions tant que nous le pouvons, Afin d'avoir l'humeur égale. L'esprit sombre, que tout aigrit, Tourmente ce qui l'environne ; Mais l'homme heureux qui toujours rit Ne fait jamais pleurer personne. Quand Dieu noya le genre humain II sauva Noé du naufrage, Et dit en lui donnant du vin : « Voilà ce que doit boire un sage. » Buvons-en donc jusqu'au tombeau : Car, d'après l'arrêt d'un tel juge, Tous les méchants sont buveurs d'eau ; C'est bien prouvé par le déluge. Un cœur froid qui jamais n'aima Du ciel déshonore l'ouvrage ; Et pour aimer Dieu nous forma, Puisqu'il fit l'homme à son image. II faut aimer ; c'est le vrai bien ; Suivons, amis, ces lois divines ; Aimons toujours notre prochain, En commençant par nos voisines. Eau d'en vie / Recueil : Les poésies inédites (1801) Louis-Philippe de Ségur
AnonymeIl y a 5 ans

Rions, chantons, aimons, buvons :
En quatre points c'est ma morale.
Rions tant que nous le pouvons,
Afin d'avoir l'humeur égale.

L'esprit sombre, que tout aigrit,
Tourmente ce qui l'environne ;
Mais l'homme heureux qui toujours rit
Ne fait jamais pleurer personne.

Quand Dieu noya le genre humain
II sauva Noé du naufrage,
Et dit en lui donnant du vin :
« Voilà ce que doit boire un sage. »

Buvons-en donc jusqu'au tombeau :
Car, d'après l'arrêt d'un tel juge,
Tous les méchants sont buveurs d'eau ;
C'est bien prouvé par le déluge.

Un cœur froid qui jamais n'aima
Du ciel déshonore l'ouvrage ;
Et pour aimer Dieu nous forma,
Puisqu'il fit l'homme à son image.

II faut aimer ; c'est le vrai bien ;
Suivons, amis, ces lois divines ;
Aimons toujours notre prochain,
En commençant par nos voisines.

Eau d'en vie / Recueil : Les poésies inédites (1801)
Louis-Philippe de Ségur

J’ai pris un train en sens inverse. La voie était semée de roses et de ronces blessées. Les rails recouverts de charbons bleus métalliques. Le ciel lourd de promesses non tenues, de rêves déchus, diffus, de désillusions tues, de séparations. Et sous la désolation de ce jour gris, je regardais, égarée, mon corps scarifié de silence et de nuit. Le trajet était long, sans précise destination, comme dans un train fantôme effaré de solitude crue, atone au parfum déjà suri de cendre et de suie. Au terminus, j’ai respiré un arôme de mort et de pluie. Terminus Alix Lerman Enriquez ... Au jardin des cyprès je filais en rêvant, Suivant longtemps des yeux les flocons que le vent Prenait à ma quenouille, ou bien par les allées Jusqu’au bassin mourant que pleurent les saulaies Je marchais à pas lents, m’arrêtant aux jasmins, Me grisant du parfum des lys, tendant les mains Vers les iris fées gardés par les grenouilles. Et pour moi les cyprès n’étaient que des quenouilles, Et mon jardin, un monde où je vivais exprès Pour y filer un jour les éternels cyprès. Enfance Guillaume Apollinaire
AnonymeIl y a 5 ans

J’ai pris un train en sens inverse.
La voie était semée de roses
et de ronces blessées.
Les rails recouverts
de charbons bleus métalliques.

Le ciel lourd de promesses
non tenues, de rêves déchus, diffus,
de désillusions tues, de séparations.

Et sous la désolation de ce jour gris,
je regardais, égarée, mon corps
scarifié de silence et de nuit.

Le trajet était long,
sans précise destination,
comme dans un train fantôme
effaré de solitude crue, atone
au parfum déjà suri
de cendre et de suie.
Au terminus, j’ai respiré
un arôme de mort et de pluie.

Terminus
Alix Lerman Enriquez

...

Au jardin des cyprès je filais en rêvant,
Suivant longtemps des yeux les flocons que le vent
Prenait à ma quenouille, ou bien par les allées
Jusqu’au bassin mourant que pleurent les saulaies
Je marchais à pas lents, m’arrêtant aux jasmins,
Me grisant du parfum des lys, tendant les mains
Vers les iris fées gardés par les grenouilles.
Et pour moi les cyprès n’étaient que des quenouilles,
Et mon jardin, un monde où je vivais exprès
Pour y filer un jour les éternels cyprès.

Enfance
Guillaume Apollinaire

O Captain! My Captain! our fearful trip is done; The ship has weather'd every rack, the prize we sought is won; The port is near, the bells I hear, the people all exulting, While follow eyes the steady keel, the vessel grim and daring But O heart! heart! heart! O the bleeding drops of red, Where on the deck my Captain lies, Fallen cold and dead. O Captain! My Captain! rise up and hear the bells; Rise up — for you the flag is flung — for you the bugle trills; For you bouquets and ribbon'd wreaths — for you the shores a-crowding; For you they call, the swaying mass, their eager faces turning Here Captain! dear father! This arm beneath your head; It is some dream that on the deck, You've fallen cold and dead. My Captain does not answer, his lips are pale and still; My father does not feel my arm, he has no pulse nor will; The ship is anchor'd safe and sound, its voyage closed and done; From fearful trip the victor ship comes in with object won Exult, O shores, and ring, O bells! But I with mournful tread, Walk the deck my Captain lies, Fallen cold and dead. [i]O Captain! My Captain! [/i] - W.W
Sémiramis Il y a 5 ans

O Captain! My Captain! our fearful trip is done;
The ship has weather'd every rack, the prize we sought is won;
The port is near, the bells I hear, the people all exulting,
While follow eyes the steady keel, the vessel grim and daring

But O heart! heart! heart!
O the bleeding drops of red,
Where on the deck my Captain lies,
Fallen cold and dead.

O Captain! My Captain! rise up and hear the bells;
Rise up — for you the flag is flung — for you the bugle trills;
For you bouquets and ribbon'd wreaths — for you the shores a-crowding;
For you they call, the swaying mass, their eager faces turning

Here Captain! dear father!
This arm beneath your head;
It is some dream that on the deck,
You've fallen cold and dead.

My Captain does not answer, his lips are pale and still;
My father does not feel my arm, he has no pulse nor will;
The ship is anchor'd safe and sound, its voyage closed and done;
From fearful trip the victor ship comes in with object won

Exult, O shores, and ring, O bells!
But I with mournful tread,
Walk the deck my Captain lies,
Fallen cold and dead.

O Captain! My Captain! - W.W