Épuisé, Damien Saez ne terminera pas sa tournée 2019. Mais son malaise, ses concerts assurés en partie assis, n’auront pas empêché le poète écorché de rester fidèle à lui-même. Sortant ses tripes jusqu’au bout.

Live report pêle-mêle sur ses concerts de Dijon, Lille et Lyon.

Entre prophétie et humanisme

Comme lors de la précédente tournée, la soirée s’ouvre par un tableau cinématographique. Une femme insurgée en gros plan. Différente de la dernière mais pourtant si proche. Crachant sans détour sa relation au Monde. Ses blessures, sa réflexion sur l’amour et plus surprenant, sur la maternité…

« C’est quoi l’amour sans enfant ? C’est l’époque. Une photo numérique, voilà ce que c’est… »

Puis l’obscurité se constelle de flammes de chandeliers. Damien Saez arrive sur scène, capuche sur la tête. Son verre de wisky/coca à la main, il allume une cigarette (les premiers d’une série ininterrompue). Et balance un premier discours vindicatif. Plongeant d’emblée le Zénith de Dijon dans une ambiance prophétique. Électrisée par quatre guitares abrasives sur « #Humanité », « Les printemps » et « Fin des mondes ».

A Lille comme à Lyon, son état de santé lui imposera une introduction nettement plus apaisée. La rage laissant place à l’altruisme : « L’humaniste », « Les enfants paradis »…

Un ventre encore plus dilaté. Des contradictions toujours aussi prégnantes, même si son aversion pour les réseaux sociaux ne flirte plus avec le caricatural. Damien demeure foncièrement le même.

Musicalement, c’est du très lourd. Des musiciens irréprochables (dont le très pointu Alice Botté, également sur les routes avec Hubert-Félix Thiéfaine). Et un Saez viscéral. Seul à la guitare sèche ou épaulé de sa horde électrique, il donne tout. Sur une tonalité résolument rock, exempte de piano. Peu de nouveaux morceaux mais ceux joués sont déjà devenus des hymnes saeziens. A l’instar de l’incontournable « Manu dans l’cul ». Ou encore « Bonnie », « Rue de la soif »…

« Hey Manu ferme-la quand tu prends tes grands airs
Tes airs de p’tit bourgeois qui chie sur le populaire
Avec ta gueule de p’tit roi, avec ta gueule de princière
Qui ferait mieux d’retourner sous les jupons de sa mère… »

La Flamme brûle encore

Sa voix transpire la fatigue. Pourtant quand Damien hurle sa révolte, il crève plus que jamais les ténèbres. Autant qu’il les fait vibrer de par sa fragilité (« Tu y crois » incroyablement à Lille).

Le point de non-retour est tout proche. A moins qu’il ne soit déjà dépassé ? « Faites pas chier », balance-t-il en se marrant à la Halle Tony Garnier de Lyon. Rire choral en guise de réponse, mais gorge serrée. A le voir affalé sur son trône de fortune.

Même si sa flamme brûle encore, l’Homme apparaît fortement consumé. D’ailleurs, le final lyonnais sera également celui de la tournée. Saez quitte la salle soutenu par un technicien. A l’issue d’un concert nettement raccourci (à peine deux heures). Incapable de pouvoir l’honorer de son coutumier hommage « Tu y crois ». Les trois dernières dates (dont la reprogrammation de Clermont-Ferrand) seront annulées dès le lendemain. Pas par caprice, par urgente nécessité.

Deux jours plus tôt, son salut au public lillois chauffé à blanc offrira un joli résumé :

« Merci infiniment pour toutes ces années. C’est une belle histoire d’amour entre nous. »

Tellement vrai. D’ailleurs si Damien Saez peut tout se permettre ou presque, c’est avant tout grâce au respect. Celui qui cimente sa relation unique avec son incroyable fan base.

Betty

Source : musikplease.com