Il y aurait quelque chose de rassurant à ce que la francophonie accueille chaleureusement Jours étranges, le premier album de Saez. Il est certes encore trop tôt pour affirmer que ce jeune homme d'une vingtaine d'années, originaire des environs de Dijon, est un génie façon Miossec ou Jean-Louis Murat. Souvent, en effet, cette collection de douze chansons pèche par l'extrême naïveté de ses mots. Néanmoins, Saez est un authentique rebelle, et la manière dont il pose sa voix fiévreuse sur des murs de guitares est absolument émouvante. Visiblement marqué par les complaintes épileptiques de Noir Désir, il râle sur son époque et sur les guerres, comme d'autres sur les barricades bombent le torse sous la mitraille. A la façon dont son orchestre frôle la surdose d'électricité sur Jeune et con ou Sauvez cette Etoile, hymnes adolescents remarquables, ce rocker aux faux airs de Johnny Depp est intimement persuadé que la musique peut encore changer le monde. C'est cependant lorsqu'il ralentit le tempo comme pour mieux l'étouffer dans un étonnant canevas organique, Jours étranges, J'veux m'en aller, Hallelujah, Montée là-haut, que Saez est véritablement convaincant. Dans ces moments-là, le garçon chante avec une sincérité rare qui lui permet de sortir grandi d'une reprise déchirante du classique My Funny Valentine. Si le jury des Victoires de la Musique a encore quelque oreille, il n'oubliera pas cet écorché-là.