Le cœur plein de colère et de tourments, Saez revient dans le rock avec 3 CD et 29 mélodies épurées, chansons claudicantes ou poèmes atrabilaires jouées à la guitare, au piano. « L'enfer, c'est les autres », crache-t-il au fil de ce long périple existentialiste et vagabond. Son triple album s'intitule Varsovie. L'Alhambra. Paris, et le chanteur aux semelles de vent arpente donc l'Europe, de l'est jusqu'au sud. Il se parcourt aussi beaucoup lui-même au fil de confessions intimes et métaphysiques. Damien Saez, 30 ans, découvert avec un hymne sombre, Jeune et con (1999), suivi de deux disques âpres, électriques et charnels, privilégie ici le texte fougueux scandé très en avant avec des accents tremblés de Bertrand Cantat, de Brel ou de Ferré : les morceaux Jeunesse lève-toi ou Alice en imposent. Bien sûr, ce long fleuve de chant lancinant et de rimes stridentes déborde souvent. Les emportements de Saez se répètent, sa descente en lui-même est parfois emphatique. Qu'importe ! Un artiste est là tout entier. Sa voix de cathédrale pleine d'une lumière noire s'élève et détonne. Et c'est très bien.

Gilles Médioni