Saez c’est simple comme « 1,2,3… » : après « Jours étranges », premier album simple, puis « God Blesse » second et double CD, voici après quatre (trop) longues années de silence le quatrième et TRIPLE album « Varsovie- L’Alhambra- Paris » de notre petit prince du rock qui continue malgré tout à surfer sur une vague incroyablement mélancolique. Trois CD simples et dépouillés, aux chansons interprétées dans la nudité de la guitare acoustique et de la voix, sans frime ni artifice, entre Neil Young, Kurt Cobain…et Brassens, Damien Saez se livre sans doute ici comme jamais.

Difficile de rester indifférent en partant à la découverte de ce triple album. Son prédécesseur double CD « God blesse » comptait étrangement et précisément le même nombre de titres que ce « Varsovie- L’Alhambra- Paris » : soit 29 !

Mais là où sur le précédent certaines compos n’étaient que des transitions, ici ce sont de vraies chansons, solides et charpentées ; des chansons nostalgiques et balayées par le spleen comme une bourrasque hivernale.

Car Saez n’a jamais dissimulé son amour de l’Est, dans les deux sens du terme : fascination pour la culture et la sensibilité, pour l’âme slave qui a franchi les siècles et surmonté toutes les tragédies mais aussi authentique passion dans la vraie vie pour sa compagne qui vient de…Varsovie !

Alors lorsque tant d’artistes n’ont pour référence que « Paris, London, New York », notre baladin désormais acoustique nous offre un tout autre voyage qui nous entraine de Varsovie à Paris en passant par Grenade, flamboyante capitale de la présence Maure en Europe et qui résume à elle seule tout le sang qui coule dans ses veines. Damien n’oublie jamais que ses parents sont immigrés d’origine espagnole et algérienne. L’Alhambra de Grenade a cette splendeur qui défie le temps, un vertige que le chanteur veut nous faire partager sur ses mélodies entre ombre et lumière.

Enfin, Paris la ville où il a choisi de vivre, la ville sans doute qui l’inspire le plus et où il semble toujours avoir envie de s’adresser à cette jeunesse qui l’a toujours accompagné parfois jusqu’aux plus hauts sommets.

Souvenez-vous de « Jeune et con », du vibrant « Fils de France » composé au speed de l’émotion du choc de la présence de le pen au second tour de l’élection présidentielle !

Cette fois c’est avec le Noir Désirien « Jeunesse lève toi » que Saez s’adresse à ses troupes juvéniles. Premier single, en ouverture du 3éme CD, tout en douceur et en puissance sur sa guitare acoustique, il ne peut laisser indifférent. A lui seul, il doit pourtant assurer une mission difficile : nous donner envie de plonger dans la jungle bichrome de toutes ces compositions !

Il faut donner du temps au temps, disait Mitterrand. Damien Saez mérite très largement qu’on lui consacre au moins ces 130’ d’émotions exacerbées.

Car il ne faut pas manquer de courage pour aller chanter ainsi en quasi acapella pour nous offrir les plages les plus dépouillés qu’ait connues depuis longtemps le rock hexagonal. Cette fois au moins plus personne ne risque de le confondre avec Raphaël !

Moins agité peut être, plus réaliste et toujours écorché vif, « Varsovie- L’Alhambra- Paris » nous fait très largement oublier la déception occasionnée par « Debbie », le 3éme Saez de 2004.

L’artiste s’était alors envolé de sa multi-nationale pour chercher sa nouvelle voie. Il prouve avec cette très longue épopée qu’il l’a largement trouvé.

Gérard BAR-DAVID