Pop-rock. Originaire de Dijon, le jeune chanteur vient de sortir "Jours étranges". Un premier album, sombre et romantique, à découvrir sur la scène du Café de la danse où il sera dans quelques jours.

Il n'y a rien de plus émouvant que d'assister à la naissance d'un chanteur. Avec ses faux airs de Jeff Buckley, Saez, vingt-deux ans, n'en est qu'à son premier album mais il affiche déjà les tourments et les doutes qui sont le ferment des grands. Auteur-compositeur-interprète, il a d'abord vécu du côté de Marseille avant de suivre ses parents à Dijon, une ville qu'il n'apprécie pas particulièrement : " Elle est amorphe, sans vie, nous a-t-il confié, péremptoire, il n'y a que des pots de fleurs : tout est dans l'apparence ! Si Dijon a eu un mérite, c'est celui de m'avoir donné envie de fuir.

" Saez s'est fait remarquer, cet automne en publiant chez Mercury Jours étranges, disque pop-rock, sombre, romantique et passablement pessimiste : " Je l'ai appelé Jours étranges parce que j'ai le sentiment qu'aujourd'hui, on ne croit plus en rien. Dans le même temps, tous les six mois, on nous fait croire que la liberté est là, sous une forme nouvelle. Il y a là un méli-mélo de sentiments qui fait que, à un moment donné, même la lumière paraît ne plus avoir la même couleur.

" Est-ce parce qu'il écoutait Brassens et Brel " en boucle à la maison " ? Saez a toujours voulu devenir chanteur : " Quand j'entends Brel dans un café, j'ai l'impression d'entendre la voix de mon père, tellement j'ai été imprégné par lui. Cela s'explique par le fait qu'il est parti très tôt de la maison. Je me suis rapproché de ces voix masculines, graves, posées et rassurantes, dans le cas de Brassens. " Issu d'un milieu familial sensible à la musique, sa mère (éducatrice pour jeunes délinquants) et son beau-père (réalisateur à France 3) l'ont naturellement dirigé vers le conservatoire. Saez apprend le piano puis la guitare, en autodidacte " au moment où je commençais à écouter de la musique un peu plus mouvementée. Le conservatoire ne laissait pas assez de place aux individualités ". L'ouverture à la vie, les copains, les premières compositions..., le chanteur a voulu graver tout cela dans son premier album qu'il qualifie " d'adolescent " : " Il correspond à une période de ma vie et à l'idée que je me faisais du monde. Aujourd'hui, je ne suis plus tout à fait comme ça. " Si Jours étranges se noie dans une mélancolie parfois agaçante, " ça fait partie d'une sorte de sensiblerie de mon caractère ", le propos témoigne également d'un monde que Saez juge injuste : " J'veux pas crever dans cette inhumanité ", chante-t-il (J'veux m'en aller : " Chaque jour, des hommes meurent sous les ponts. Personne ne dit ça. Ça m'emmerde ! " Saez broie du noir, qu'il parle de sa génération perdue (Jeune et con), d'héroïne (Amandine) ou de suicide (Jours étranges). Pourtant, il ne désespère pas que l'homme parvienne, malgré tout, à Sauver cette étoile : " Même si je considère que le monde n'a pas d'avenir, il n'est pas foutu, tant qu'il y a des naissances... " L'évolution ? " Elle ne va pas dans le bon sens, observe-t-il. Regardez Internet, dont on nous dit que c'est un outil de liberté, il procure l'illusion à la personne assise derrière son écran, d'avoir la maîtrise de la chose. Or, elle n'invente pas son monde : elle fait seulement son choix en fonction de ce qu'on lui propose. Internet, pour moi, c'est une télé améliorée!

Le chanteur avoue avoir conçu son album comme on va chez le psychanalyste " pour régler ses comptes avec soi ". Une manière de survivre. Maintenant, il rêve de trouver " des mots plus puissants " pour poursuivre sa vie en musique. Saez est un Rimbaud qui aurait découvert le rock. Il faut aller le voir sur scène. La noirceur de son univers prend alors tout sens.