Plus besoin de présenter le désormais célèbre Damien Saez. Depuis son tube « Jeune et Con » en 1999, le savoyard nous a nourris de musiques mélancoliques, lugubres, contestataires. Revenu en septembre dernier avec son triple album Messina, composé de Messine-Sur Les Quais-Les Echoués, l’artiste nous régale une fois de plus avec ses textes puissants et indignés.

Ce qui fait sa force, c’est sa rage. Rage contre le système, rage contre l’amour, rage contre l’avidité humaine. Ses chansons viennent droit de son cœur meurtri ; ce qui le rend magnifique, c’est son bonheur d’être malheureux.

Dès ces débuts, Damien se veut contestataire. Artiste engagé politiquement, qui pourtant ne se considère pas comme tel, il n’a pourtant jamais hésité à faire entendre sa voix dans des moments clés de l’histoire politique française, comme en 2002 avec « Fils de France ». Pour s’élever contre le système, pour apprendre à réfléchir sur notre propre opinion, pour pleurer l’amour, chaque chanson nous entraîne dans son univers sombre et miséricordieux. Il nous enchaîne à sa voix meurtrie pour notre plus grande joie.

Après son dernier triple album Varsovie – L’Alhambra – Paris en 2008, son opus en anglais A Lovers Prayer en 2009 et bien évidemment J’accuse en 2010, je trépignais d’impatience d’entendre les nouveaux titres.

D’une manière générale, Messina reste dans la lignée des précédents Cds Paris et J’accuse. Toujours dans son spleen, Saez nous démontre à nouveau son talent d’écriture. Les arrangements sont cependant plus calmes, avec notamment une utilisation plus poussée du piano et des cœurs. Clairement dans le pathos, cela ne choque pas le moins du monde. Après tout, on aime ces musiques comme ça.

Les Echoués commence avec « La Fin des Mondes », très critique envers la société, sur un fond sonore en crescendo. Le ton, simple au début, monte peu à peu, pour exploser dans un rock grave lors d’un final grandiose. On enchaîne directement avec « Les Echoués », de la même trempe. Viennent ensuite « Betty » ou « Marie », balade dans les deux cas, il faut choisir : désespérée ou triste. Ma préférence va à « Marie« , avec son un accompagnement tantôt simpliste, tantôt grandiose. L’artiste se voue totalement à cette femme, pour qui il ferait n’importe quoi, pour qui rien n’importe plus que l’amour qu’il lui porte. Toujours aussi sombre, vient « Faut s’oublier », Damien nous emmène loin, loin de tout, loin du vide de notre société, pour peut-être, pourquoi pas, trouver un monde plus beau, moins malheureux que celui dans lequel nous vivons. « Les Fils D’Arthaud » nous ramène aux deux premiers titres, mais avec cette fois avec une dimension de liberté. Mention spéciale à l’arrangement piano-cœurs qui m’a profondément touché. L’artiste n’utilise pas souvent cet aménagement musical qui, cette fois, reflète parfaitement l’ambiance de la musique. On passe après par « Le Gaz », titre aussi léger qu’éphémère. « Into The Wild », quant à lui, est une référence au film de Sean Penn sorti en 2007. On y retrouve un son plus cru, plus sauvage pour illustrer la pellicule. Pour finir, à nouveau du piano avec « A nos Amours », dernière balade de l’album Les Echoués, véritable hymne à la rébellion et à la détresse amoureuse.

Sur Les Quais, ensuite. « Marianne » démarre en trombe. Elle représente la France de Saez, qui illustre son pays, désormais décadent. Beaucoup plus rock que Messine, plus protestataire également, il nous remotive après les quelques musiques tristes de l’album précédent. J’accuse vient directement en tête, quand on voit à quel point Saez exprime son mal être envers son pays, qu’il aime plus que tout pourtant. Naufragé, Damien est par la suite « Sur le Quai » et gueule (oui oui) sa détresse. « Légionnaire », « Webcam de nos Amours » et « La Petite Couturière » ne m’ont pas particulièrement marqué par rapport aux autres titres, cependant les textes sont toujours aussi beaux. On reste toujours dans un album bel et bien révolté. J’ai adoré « Je suis un étranger », qui me fait penser au « Cavalier sans tête » dans Paris, mais seulement au niveau de la forme avec une dimension plus dénonciatrice. En effet, le titre datant de 2007 s’apparente à un axe de déception amoureuse dans le fond. Terminons avec « Planche à Roulette » et « Rois demain » qui clôturent en beauté ce deuxième album.

Messine, pour terminer, commence d’une façon très douce, avec un piano, des violons et un instrumental reposant. Ce début d’album m’a beaucoup fait penser au siècle dernier, avec ces vieux films d’amour. Clairement, le « Thème des Quais de Seine » pourrait se retrouver dans une bande originale de film ! Je devrais faire une réclamation ! « Aux Encres des Amours » reste de la même veine, avec un texte délicieusement usé, vieilli. On sent l’influence de l’ancien temps dirons nous, où les jeunes étaient à la recherche de l’amour, le vrai. « Messine » pour sa part, laisse planer Saez, on pourrait croire qu’on le laisse partir loin, mais il nous entraîne avec lui, dans son univers toujours aussi noir. « Les Magnifiques » m’a ensuite vraiment étonné ! Le début semble presque heureux. Le décor est faussement joyeux. Dès que Saez commence à chanter, il nous ramène à notre triste réalité. « Les Meurtrières » et « Bouteille à la Mer » sont de véritables spleens. « Ami de Liège » est pour sa part une musique à la fois pour son ami belge, et à la fois un cri d’infortune. Une fois de plus, utilisation du piano. Pour nous ramener brutalement à notre jeunesse perdue, « Le Bal des Lycées » nous frappe par sa dure réalité : le temps qui nous fait oublier, qui nous change, qui nous fait regretter. Titre qui nous fait réfléchir sur ce que nous aurions pu faire mais que nous n’avons jamais osé. Le « Thème Aux Encres des Amours » est presque aussi beau que le premier morceau de l’album et me rappelle étrangement « El Tango de Roxanne » du film Moulin Rouge !, surement à cause des violons. « Châtillon-sur-Seine » vient clore le disque, en hommage à cette ville, à l’enfance, aux petits peuples comme il le dit si bien.

Conclusion ? Ce triple album mélangent tous les univers de Damien Saez, sur des sons parfois rock’n roll, parfois plus calmes. On retrouve la beauté du texte de Varsovie – L’Alhambra – Paris, , la puissance de J’accuse, toujours dans une dynamique contestataire, le tout enveloppé dans une joyeuse tristesse.

Juliette Goux

Source : lepeupledurock.wordpress.com