GOD BLESS AMERICA… SAEZ

22h45 : samedi 29 novembre.

Je suis de retour dans ma petite ville après l’escapade à Bruxelles qui a clôturé la tournée « God Blesse ». Je ne sens pas encore trop la fatigue, malgré deux nuits très courtes. Andy semble content de me revoir mais moi, même si je ne sais plus très bien où je suis : une partie de moi-même est encore à Bruxelles, à Bordeaux, Nantes. Si ce n’est au Zénith ou à Niort. Les souvenirs se bousculent et s’entremêlent dans ma tête. Certains se sont peut être déjà éclipsés ou inscrits dans mon inconscient mais d’autres sont là, bien présents qui me rappelle qu’il s’est vraiment passé quelque chose en ce mois de novembre 2002.

« Dans mes rêves »

Si on excepte La Cigale, tout a vraiment commencé avec le concert de Bordeaux que je ne peux dissocier de celui de Nantes programmé le lendemain. Cette fois, pas question de prendre le train, comme pour la Cigale en Juillet. Ce sera en voiture… Grand moment… Je ferme les yeux et je revois ces instants : parti aux aurores le 7 pour Bordeaux, puis le 8 pour rallier Nantes. J’étais seul avec moi-même dans ma voiture. Le poste branché, je me surprenais à chanter à tue-tête sur Noir Dez’ et Strollad, heureux au fur et à mesure que j’approchais du but et puis à d’autres moments, fatigués, je coupais la musique, concentré sur la route, et en même temps ailleurs, assailli par mes éternels doutes et questions existentielles.

J’ai cette image du concert de Bordeaux qui m’est restée gravée. Peu de temps avant le concert, je guettais l’arrivée de Damien à l’arrière de la salle. Pour tuer le temps, j’ai lu son livre « A ton nom » et j’ai pleuré sur certains passages autobiographiques… La fatigue, l’émotion, les souvenirs que cela réveillaient en moi…

Le Zénith restera aussi un grand moment : calé au premier rang, j’ai vécu le concert intensément même si j’ai beaucoup intériorisé mes émotions. J’ai gardé cette image du Zénith au fond de moi : sur « voici la mort », j’étais là, les bras en croix, hurlant à l’unisson « Maman », ma voix couverte par celle de Damien, les guitares se déchaînant peu de temps après, dans une ambiance d’apocalypse. Mon corps était littéralement pénétré par la musique et la voix de Damien…

Sensation vraiment incroyable…

Après ça, il y eut encore Niort et surtout Bruxelles.

Le concert de Bruxelles… Ambiance hallucinante ! Dans la fosse, un quart d’heure avant le début du show, puis dans l’hystérie ambiante, on s’est retrouvé projeter à terre par des mouvements de foule incontrôlables. Et des slams pendant le concert… Un flot incessant auquel j’ai participé. Extraordinaire aussi de vivre un concert en extériorisant tout. Le concert à peine fini, ça se lisait dans les yeux du groupe : ils n’en revenaient pas ! « Crazy » le public belge !

« C’est juste une impression »

Au total, j’ai tiré quelques enseignements de « one trip, one noise » saezien.

Le premier, c’est que j’ai l’intime conviction que Saez est un groupe malgré le charisme de Damien : James (don’t forget : God Shave The Queen !), Patrick (alias Matthieu), Max (le batteur fou) ; Franck (vas-y Franckie c’est bon… La vache ça c’est de la référence !) et Antoine (Ah ! Antoine et son sourire…), il se dégage d’eux une gentillesse et une simplicité assez touchante. Et cette volonté aussi de rester un peu en retrait…

Et puis voyez : deux anglais, Franck et ses origines vietnamiennes, les origines algériennes de Damien. « On est tous frères » prend tout son sens ici, même si la composition du groupe est aussi lié au hasard.

L’autre enseignement, c’est que, en ayant suivi un peu la tournée, le mythe de la rock star qu’on pourrait coller à Damien comme à beaucoup d’autres chanteurs, a volé en éclat. On peut donner la définition qu’on veut au terme « rock star » mais pour moi il est synonyme de show-biz, d’argent, d’excès, d’orgueil et d’inaccessibilité avec au bout de ce mot-là : factice. J’ai lu un jour ces quelques mots de Bono : « je veux être la plus grosse rock star du siècle », un truc dans ce genre « pauv’ type, tu travailles avec Gamani ou quoi ? ». c’est vraiment tout ce que je ne veux pas entendre dans la bouche d’un chanteur que j’apprécierais.

Non, Damien, c’est pas ça. En tout cas je ne pense pas. Je parlerai plutôt de lui en tant qu’artiste : création, œuvre, beauté avec cette notion de « vrai », renforcée par la cohérence et la maturité de ces propos. Et puis là, pas d’hyper médiatisation qui vient pourrir le truc. Il ne va pas se vendre à la télé, à la radio ou dans les journaux. C’est à toi de capter la beauté de ses chansons même si on peut toujours trouver à redire. Et je crois que le côté provoc’ dont il a usé n’est qu’une façade.

Dernier point et non des moindres : c’est l’amitié que la tournée aura été l’occasion de partager. Un concert ça se vit difficilement tout seul, y a tellement à partager. Pourtant c’est souvent seul que j’y suis allé et puis le hasard des rencontres vous fait tomber sur des gens et on se dit « si on partageait le truc ensemble ? »

De ce point de vue-là, le concert de Bruxelles a été énorme pour moi, alors que j’avais pas prévu d’y aller ! L’avant et l’après concert… Puis « on s’est dit au revoir sur le quai d’une gare. Voilà… c’est fini… ». Mais on s’est fait une promesse : on se retrouvera.

« Rêver aux étoiles »

C’est l’heure du bilan. Après Niort, tout se mélangeait dans ma tête. La fatigue, la joie, mais aussi les blessures réveillées (car on ne sort pas totalement indemne d’un concert de Damien, surtout si on intériorise beaucoup…), le mythe qui en a pris un peu un coup… Mais il y a eu Bruxelles, « celle qu’on appelle l’espoir »… L’apothéose… Si rien n’était prémédité, cette page de tournée aura été pour moi comme un voyage initiatique, à la rencontre d’émotions (espoir, impatience, montée d’adrénaline, joies, larmes, fatigue…) et des gens que je ne m’attendais pas à rencontrer.

Au bout de cette route, il y a moi : fort de tout ça et plus vraiment le même. C’est de tels moments, heureux, associés à d’autres malheureux, qui font que dans la vie, on prend intérieurement une autre dimension. C’est ça aussi la force et la puissance de la musique qui, avec la lecture, les voyages, vous aident à vous construire. Le vrai Graal, c’est ça au fond : la quête de soi et celles des autres.

Merci au groupe et à toute l’équipe technique (n’est-ce pas Fred ?) pour un p’tit geste, un sourire ou quelques mots gentils. Je n’ai rien oublié. Courage à tous ceux qui ont laissé des poèmes tristes sur Saezworld, et à tous nos frères qui ont « the hole inside »…

Battez-vous car le moment venu, c’est FIER que nous irons rejoindre l’éternel, quand le corps rejoint la terre…, l’âme marie le ciel… « Menacés mais libres ».

Crazy Man, l’homme fou (dis Pat’, tu crois que c’est grave ?)