Samedi soir, le chanteur essuyait les plâtres de la salle rénovée du Kursaal, devant un millier de fans

Samedi, 20 h. La salle du Kursaal se remplit rapidement des fans de Damien Saez, dont le concert, le premier dans l’enceinte rénovée, est prévu une demi-heure plus tard. Rik Bollaert, lui, aimerait déjà être plus vieux de quelques heures.

« Tout se passe bien, se rassure pourtant le directeur du Kursaal. Nous n’avons eu aucun souci technique et le son, aux balances, était parfait. » De fait, l’installation de la scène a été un modèle du genre. Commencée à 9 h 30, elle s’est achevée à midi. « Les facilités techniques sont remarquables », confirme Yann Le Clezio, régisseur du promoteur du concert. La « rue intérieure », qui permet aux camions d’entrer au sein même du bâtiment s’est révélée un atout non négligeable. L’équipe technique a pu profiter également d’un catering (cantine) donnant sur la mer, privilège qu’elle partage avec l’artiste, dont la loge a vue également sur l’océan. « Damien Saez l’a trouvée « top super » », s’amuse Patrick Lecailliez, directeur adjoint du Kursaal.

Dans la salle, modulée en configuration basse, la température augmente. Le public (un millier de billets vendus), est majoritairement composé de lycéennes. Parmi elles, Marijke, 17 ans de Dunkerque qui « pense être sa plus grande fan », le voit en concert pour la troisième fois. Charlotte, 17 ans de Merckeghem, revendique la « façon de voir le monde et de critiquer le capitalisme » du chanteur. Quant à Laure, vieillarde de 22 ans, elle raconte la dédicace qu’a obtenue l’une de ses amies la veille à Douai, où Saez se produisait au Gayant Expo : « Le vent souffle mais jamais n’éteindra la flamme », récite-t-elle sans hésitation, comme une prière déjà familière.

Sexe et politique

20 h 35, les lumières s’éteignent. Saez et ses cinq musiciens entrent sur scène. Surprise, le Damien Saez des photos de presse a laissé la place à un bonhomme plutôt gauche, un peu grassouillet et au look regrettable (jean difforme, chemise de l’armée allemande et ceinture de cowboy). La déception s’enracine, malgré le déluge sonore des premières chansons. Les arrangements minimalistes, les rares accords de guitare, tous saturés, éclaboussent les premiers rangs et noient quelque peu Debbie et Jeune et Con, qui méritaient mieux. Il faut attendre une bonne demi-heure avant que l’orage ne passe. Les deux guitaristes et Saez s’assoient sur des chaises d’écolier et commencent les titres mid-tempo. Si le visage du chanteur conserve son éternelle expression désabusée, le verbe se fait plus percutant, plus crû également. Le sexe est omniprésent dans les textes (J’veux qu’on baise sur ma tombe ; Défoncer, défonce-moi…), la provocation le rejoint souvent. « Viens, trinque avec le diable ; Oui mon ange, c’est du sang » (Voici la mort). Mais tout désenchanté qu’il paraît, Saez reste un militant, un « révolutionnaire » même, selon ses fans. Fils de France dénonce le Front national (« 20 % pour le rat, 20 % pour la peur »), Saint-Petersbourg évoque la désillusion du communisme (« A Saint-Petersbourg on a perdu la guerre ; pas celle de canon ; mais celle des idées »). Saez appelle à « refaire le monde », verse parfois dans la démagogie mais ose se féliciter du téléchargement sur Internet, qui « remplit les salles de concert ».

Au final, après deux rappels (dont le tsunami Marie ou Marilyne qui déclenche des vagues d’enthousiasme dans le public) et 2 h 15 de concert, Saez quitte la scène. Toujours aussi désabusé mais un peu plus fatigué encore.

Matthieu LEMAN