Et si toutes les idées qui fourmillent dans votre tête pouvaient se partager à d’autres ? Des émotions, des découvertes, des coups de tonnerre… Continuez à nous faire part de vos mots et de votre manière de voir, de sentir, de vivre. Fransaez sera votre tribune.

Loin de moi l’idée de mettre les deux opus en opposition. De comparer ce qui n’est pas comparable. Mais plus de deux ans après la sortie de God Blesse, un petit bilan s’imposait…

J’étais partie dans l’optique d’un match en plusieurs rounds, et me rendant compte que je n’arriverais mettre KO ni l’un ni l’autre, au pire, c’est mon cerveau qui le serait, j’ai laissé courir la plume.

Même si les deux albums ont le même père – probablement là leur seul point commun – il y avait de quoi déboussoler. D’où sort ce monstre hybride de 2h30 ?! Ceux qui se plaisent à coller des étiquettes se sont trouvés bien en peine pour ranger celui-ci. Mais pourquoi vouloir ranger ? Pourquoi vouloir absolument définir cet album ? Peut-être parce qu’après le rock de Jours étranges on s’est retrouvés un peu perdus…

C’est vrai, Jours étranges a fait la route avec nous pendant plus de deux ans. Chacun de nous se l’est approprié, à sa façon. Chacun l’a interprété, ingéré, rattaché à des moments de sa vie. C’est devenu un confident, un disque qui nous remonte le moral, ou qui nous fait sentir dans notre home sweet home.

Pourquoi ? On s’y est tous retrouvés, et surtout, on y a depuis rattaché souvenirs, heureux ou moins, mais aussi rencontres. Combien d’entre nous à l’écoute de quelques accords disent « oh, ça me rappelle tant ceci, ou cela ». Une musique, comme une clef de la mémoire. Il suffit de l’entendre pour que la porte se rouvre. C’était devenu notre disque, il était rassurant et on le connaissait.

Et là, ce jour de mars 2002, il arrive. Bête curieuse. Un nouvel ami. Il a l’air fort sympathique, mais difficile à cerner de prime abord. Alors on le tourne et le retourne. On cherche mille et une explications alambiquées pour tel ou tel mot. On regarde s’il tient la route, s’il vieillit bien. On attrape des ampoules aux doigts quand, pour les plus mauvais d’entre nous, pris d’une inspiration divine et malheureuse, on se jette sur notre pauvre guitare pour retranscrire encore et encore quelques notes. Petit à petit on apprivoise l’animal, observe son caractère. Et on finit par l’adopter. Tellement éclectique, presque exhaustif. Dur à écouter d’une traite. De nouvelles découvertes à chaque écoute.

Et deux ans après ? Et bien c’est toujours la même histoire. Je n’en ai toujours pas fait le tour, et je n’ai toujours pas décidé lequel des deux était mon meilleur ami. Après tout, pourquoi pas les deux ? Je n’ai d’ailleurs pas l’impression d’être la seule dans ce cas.

Que vous vous soyez arrêtés au premier, deuxième, ou troisième, on aura tous fait un bout de chemin avec et c’est ça aussi la musique. Un lien entre des existences, des gens qui ne se seraient jamais croisés. Des instants, des notes qui feront plus qu’un grand discours. Car après tout la musique ni ne se pense, ni ne s’intellectualise, comme on a trop souvent tendance à le faire. La musique s’écoute. Elle se vit. C’est donc ça aussi la musique. On nous ouvre une porte, on nous propose de partager un univers, libre à nous d’y entrer, d’y adhérer, ou d’en ressortir.

C’est curieux un disque. C’est rond et plat. Et pourtant, quand on peut vraiment qualifier de musique les sons enregistrés dessus, quoi de moins plat que la musique ? Elle peut être flamboyante, indomptable, vigoureuse et rebelle, elle peut glisser et filer comme le vent, se faire murmure et chuchotements, puis comme les montagnes russes, repartir vers des sommets en renversant tout sur son passage. Feu d’artifice, tableau d’où jailliraient mille couleurs, mille humeurs. Qui d’entre nous n’est jamais resté immobile, comme frappé par la foudre à l’écoute de quelques notes ?

Bref, moi qui disais que la musique ne s’expliquait pas, j’en ai déjà trop dit. Quoiqu’il en soit, que ce soit pour le prochain album, ou pour les centaines de milliers de galettes qui reposent chez les disquaires des quatre coins du globe, plus que jamais, ouvrons nos oreilles.

Anna