Deux géants de la musique

La question peut sembler abstraite et le débat sans fin. Les deux artistes ne sont pas de la même époque et ne se sont jamais rencontrés. Pire encore, ils n’ont pas vécu le même monde Pourtant, au fil des chansons et du temps qui passe, Damien Saez s’est vu attitré au travers de ses inspirations musicales des petits airs de Jacques Brel. Ses fans, toujours plus nombreux depuis son premier album God Bless, s’accordent à dire que le chanteur au coeur brisé fait parti des plus grands, et ce depuis très longtemps. Mais si il ne fait aucun doute que Saez soit à l’heure actuelle l’un des plus grands artistes Français, est-il pourtant meilleur que ceux qui l’ont été avant lui?

Pour tenter de répondre à cette question, il faut déjà se mettre dans la situation d’avant. Avant, le temps des Jacques Brel, des Gainsbourg, de Mai 68 et de la vraie révolution. Pour comparer, il faut d’abord les écouter. Ici, puisque que c’est l’artiste qui revient le plus souvent dans le débat, nous allons nous concentrer sur l’immense Jacques Brel. S’il ne fallait retenir qu’une seule chose de ses chansons, c’est la passion. La passion de Brel et le talent dans l’écriture qui a fait de lui un artiste empli de magie. Des plus connus bien sûr, Je suis malade, Le port d’Amsterdam, en passant par les toutes petites chantées au coin d’une table. Pour me faire un avis véritablement légitime, j’ai moi même écouté attentivement l’artiste Brel dans ses oeuvres et je peux vous dire que c’est quelque chose à ne pas rater. Que l’on aime ou non la chanson Française, nous ne pouvons que lui accorder notre respect. Cette force dans la voix et toute cette énergie qu’il déploie sur scène sont véritablement incroyable. De quoi l’instaurer sans soucis dans le panthéon des chanteurs Français. Et Damien Saez, dans tout ça?

Après avoir écouté avec plaisir cet ancien artiste qui, d’avis personnel comme général, raisonnera encore longtemps dans nos oreilles, je me suis demandé où Saez se situait-il. Damien Saez, je l’écoute maintenant depuis quelques années déjà. Même si je ne l’ai pas suivi dès ces débuts, je connais très bien l’artiste et saurait reconnaître sa musique entre mille. Mais si je ne devais donner que mon avis pur et simple sur la question de la légitimité à comparer Jacques Brel et Damien Saez, je répondrais qu’ils ne peuvent pas être comparés. Bien sûr, dans l’intégralité des chansons des deux artistes, il y a des ressemblances qui sautent aux yeux. Il y a des signes qui ne trompent pas, et Damien Saez a lui même reconnu qu’il s’était inspiré de Brel pour certaines de ses chansons. Mais si l’on ne peut pas réfuter ce dernier point, nous pourrions nous intéresser à leur époque respective et à leur vision du monde. Et nous voyons tout de suite que les deux chanteurs sont différents.

Jacques Brel, lui, ne refusait jamais la lumière et a toujours souhaité chanter les yeux levés. Damien Saez est tout le contraire. Sorte d’hermite qui a tout de suite posé les bases de sa carrière en déclarant au monde qu’il ne voulait pas être vu des autres. Tel un Baudelaire, tel un Verlaine, Damien Saez est un poète dans l’ombre.(Nous y reviendrons dans la partie suivante.) Mais leur différence ne se limite pas qu’au simple comportement. Damien Saez compose dans un but qui lui est propre. Il recherche à travers sa musique ce dont Jacques Brel n’avait guère à se soucier, la recherche d’un autre monde. J’ouvrais le sujet tout à l’heure en disant que les deux artistes n’avaient pas vécu durant la même période, et je pense en règle général qu’on ne peut comparer deux choses que lorsque cela est possible.

En bref, le débat quant à savoir si Damien Saez pourra un jour surpasser Jacques Brel est quelque peu illégitime. Fondée uniquement sur des arrangements musicaux et quelques comportements scéniques semblables, la comparaison ne peut aller plus loin lorsque l’on creuse un peu plus en détails les différents personnages. Pour faire le rapprochement avec un autre milieu qui me tient à coeur, le basket, c’est comme se demander si Lebron James ou Kobe Bryant peuvent faire mieux que Michael Jordan. Certes, ces questions ont l’avantage de faire parler, de s’enrichir en découvrant de nouvelles époques mais les questions resteront à jamais sans réponses.

Et puis au final, pourquoi vouloir toujours comparer?

Le mythe de l’inconnu

On l’a dit dans la première partie, Damien Saez a toujours eu pour habitude d’être aux abonnés absents lorsqu’il s’agit de se montrer.Rester dans l’ombre, voilà sa marque de fabrique. Et c’est bien là que le garçon est le plus fort. Bien sûr, on a pu le voir à diverses reprises sur quelques plateaux télés, surtout dans sa jeunesse. Tournant quelques clips défoncés pour Canal +, passant par deux fois dans les victoires de la musique, tout ça n’était que dans le seul but de dénoncer et non pour trémousser son joli cul devant la caméra. Absent donc, à tel point que depuis quelques années, l’artiste a complètement disparu du radar des vivants. Pointant uniquement le bout de son nez pour ses prestations sur scènes, cette absence complète lui a valu quelques critiques. A l’heure d’aujourd’hui où le monde entier se joue sur l’apparence, sur la branlette intellectuelle et massive du toujours plus beau toujours plus fort, Damien Saez fait quelque peu tâche. Mais si il est des domaines où le mutisme le plus complet n’est pas forcément la meilleure solution, il apparaît pour Damien Saez comme une véritable force.

Je reconnais, à certaines reprises, avoir été plus que dur envers l’artiste. Parfois méprisant, parfois ignorant, cette absence de communication m’a gonflé le derch’ lorsque soudain, alors que le bougre nous avait sorti un J’accuse de très bonne facture, qu’il nous avait par la suite promis un double album lui faisant suite, ce fut le silence radio pendant plus de deux ans. Deux ans sans nouvelles, c’est long. Les fans, nous y compris, commençaient à voir en Damien quelqu’un de perpétuellement démotivé, remettant toujours ses projets à plus tard. Mais alors que personne ne s’y attendait, la nouvelle est tombée comme une grande claque dans la gueule à tous les sceptiques. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, Damien Saez sortait de son silence et annonçait pas moins de deux tournées et deux albums. Le premier intitulé Messine, qui est sorti à l’heure où j’écris ces lignes, est en réalité un triple album. Le deuxième inititulé Miami, doit sortir courant du mois de Décembre. Voilà, en seulement quelques secondes toutes les brimades que l’artiste avait pu se voir affliger s’était envolées. Et après avoir longuement discuté avec Ony’ de cet aspect là du chanteur, je finis par me dire qu’il a bien raison d’agir ainsi.

Au fond, lorsque nous penserons à Damien Saez, nous ne retiendrons de lui que ses musiques qui nous percent le coeur un peu plus chaque jour. Nous n’avons pas besoin de voir autre chose. Ce silence, cet absence, Damien Saez l’a cultivé tout au long de sa carrière musicale. Et c’est pour ça qu’il est unique.

Fin des mondes, le titre de sa carrière?

Ce titre, je vous conseille de l’écouter un casque sur les oreilles. La première fois que nous l’avons écoutés avec Ony’, ce fut un grand moment. Nous venions tout juste de récupérer cet album que nous attendions depuis tant de temps et ce premier titre résonna en nous comme une libération. Une libération pour les oreilles mais aussi pour l’esprit. Cette chanson, Fin des mondes, représente à mon avis le dernier souffle du chanteur. Dans ce titre, il y a une telle résignation dans sa voix que l’on pense sur le coup que le combat est définitivement perdu. Au fil des énumérations toutes plus lugubres que véridiques, le chanteur nous dresse le portrait affligeant d’une société qui s’enfonce avec le temps. Pourtant, au lieu de céder aux « grands patrons du tout-pourri », c’est là que Damien nous pète aux oreilles. Que cette ligne de batterie jamais entendue auparavant dans une chanson vient nous soulever le coeur pour nous emmener avec lui dans le dernier souffle de la résistance.

Cette chanson est ,à mon avis, la plus aboutie du chanteur. De par le contexte actuelle de notre société, de par la lassitude qui s’empare de nos esprits, je trouve que cette chanson est l’une des plus maîtrisées du chanteur, si ce n’est la plus maîtrisée, et ce dans tous les secteurs. Après, je serais d’accord avec les sceptiques me répondant qu’il est très difficile de choisir parmi tant de chef d’oeuvre. Mais aujourd’hui, je prends le risque de me tromper et vous livre ici mon sentiment sur ce qui est la plus vraie des chansons de Damien Saez.

galwii

Source : dieandretry.com