Six mois à peine après la publication d’un triple album « Messina », l’auteur compositeur Saez sort un nouvel album qui s’intitule « Miami ». Toujours absent des plateaux de télévision et des émissions de radio, et déjà dans le peloton de tête des meilleurs ventes de la semaine.

S’il n’en reste qu’un, ce sera celui là. Damien Saez, artiste plus que chanteur s’est trouvé un karma clandestin depuis longtemps. Par choix, puis par nécessité. Parce que paraître en promotion, c’est d’emblée risquer sa peau en brouillant le ou les messages, Saez utilise le vecteur de la chanson en le protégeant le plus possible des effets secondaires du service après vente. Saez inspiré, expire sa rage, et son besoin vital de dire en mots et en verve ce qui le touche là, sur le moment. Méfiance atavique de la distance, du message qui se transforme et se dilue avec le temps. Saez pour être au plus proche de sa lucidité nous donne à peine le temps de respirer.

L’album est court. Précis. Tourne autour de l’idée générale de l’addiction. Comme si ce thème de la drogue avait poussé Saez à concevoir son disque comme un shoot. Le manque, puis la montée, le paradis artificiel et enfin la descente avec un billet sans retour pour la réalité. La voix depuis toujours pleure plus qu’elle ne chante. Elle appelle cette fois le besoin de guitares électriques, de groove malades. C’est une voix effrayée coincée entre les dents, elle observe, elle tance, elle existe.

C’est un peu essoufflé que l’on découvre ces nouvelles chansons. Parce que nous serions bien restés un peu plus longtemps sur quelques unes de ses chansons de son triple album d’il y a six mois. « Les magnifiques » ou « Les fils d’Artaud » qui montrent que Saez vaut bien mieux que cette restrictive image de celui qui osa appeler un de ses meilleurs albums « J’accuse ». Mais c’est aussi cela Saez. Un cri pour la rue, cette rue qui lui inspire toujours de belles embardées nocturnes dans le cœur de celles et ceux qui respirent dans la marge.

Saez a gardé cette faculté intacte de diviser. C’est le privilège des chanteurs énervés donc parfois énervants. Je pense toujours aussi instinctivement à Léo Ferré qui s’était rappelé au bon souvenir de ceux qui trouvaient l’engagement d’un chanteur bien mal à propos. Revenir encore et toujours à la chanson « le conditionnel de variété ». « Je ne suis qu’un chanteur de variété, chantait-il, et ne peux rien dire qui ne puisse être dit de variété, car on pourrait me reprocher de parler de choses qui ne me regardent pas. » Et de débiter à la suite la colère des hommes…

Didier Varrod

Source : www.franceinter.fr