Autant être très clair dès le début, je ne vais pas parler de sa setlist, je m’en tape.

Je suis venu voir Saez, pas Bieber ou je ne sais quel autre artiste lobotomisant ou préfabriqué. En venant le voir, je ne m’attendais à rien de particulier et n’attendais rien de lui. Partant de là, je ne pouvais pas être déçu.

D’ailleurs, je ne suis pas venu le voir, je suis venu l’écouter. Écouter ses histoires pour mieux les connaitre, les comprendre, le comprendre lui aussi un peu plus.

Je voulais essayer de tweeter le concert, pour faire vivre à ceux qui n’avaient pu venir pour plein de raisons, mais aussi en me mettant à la place d’un non voyant, un ami.
Je n’ai pas pu, rezo saturé : les footix ont vite pris le pouvoir. Oui oui, vous ne rêvez pas ! Autour de moi, en affichage de bcp d’iphones, le direct live d’un match de footeball.

no comment.

20H54 le niveau sonore monte, le noir se fait, la foule crie : Il arrive, il est là, on l’attend depuis l’ouverture des portes (19H30).

Pas un mot pour le public, mais ses premières paroles vont vite faire silence dans la salle, ce n’est plus le même homme de la dernière tournée que j’avais vu dans ce Zénith. Avant c’était Saez, maintenant c’est Monsieur Saez. Aucun doute possible.

Il semble nerveux, pourtant sa voix est calme, elle porte, elle impose le respect. Il se fait respecter juste en posant sa voix. Pas un mot, plus un cri : il transforme le silence en or.

Bolero est inexplicable en live, les mots sont forts, les gestes directs, le son claque, les basses prennent aux tripes. Peu de chansons font cet effet en live, la dernière est pour moi Alligator 427 (Thieffaine).

Quand, la délicieuse «Debbie» fait son entrée, enchaînée avec «Pour y voir », c’est tout juste sublime.

Rien que pour ces deux moments, j’ai bien fait de venir, le son est au top, la voix retenue. Saez n’est pas chanteur, il est conteur, il raconte une histoire et ses textes prennent encore plus de force que le sens initial.

Puis le niveau sonore monte, la petite couturière arrive, la rage aussi.
Attaque en règle, contre « notre petits pays, pays de droite, petits cons de gauche » tout le monde en prend pour son compte.
« Avant, il y avait des révolutions, on coupait des têtes, maintenant c’est finit, on suçe des bites ». « Un jour le peuple se lèv’ra. Fais moi rire ! » sur ces mots, le noir se fait : c’est l’entracte.

« Fais moi rire » répété à plusieurs reprises, résonne encore dans ma tête.

Quand il dit ça, je suis convaincu qu’il est lucide que le peuple à lâcher prise pour engager le combat. Crier et lever le doigt c’est facile, sauter dans une fosse aussi : l’appliquer c’est plus compliqué.

Est-ce un signe pour la suite du concert ?

Une petite voix venue de je ne sais où nous annonce « 20 min d’entracte » .

Il reste du monde au bar quand l’ambiance latino retentit, Miami arrive, le roi du rap et de la pop aussi avant le chant du «Roi».

Si j’aime beaucoup les versions studio, là, le son qui continue de monter me perturbe . Il doit y avoir une raison à ça, impossible qu’un musicien de sa trempe puisse accepter ça. Il doit y avoir autre chose : une façon de mieux symboliser l’agression quotidienne que la société nous impose ?

Si le son change, Saez aussi change, il balance au public un provocant « va falloir faire quelque chose parce que là, je vais aller me coucher, je ne sais pas, montez sur les épaules, montrez vos seins je sais pas …. »

Le public vient de prendre sa «pilule» : l’ordre du « Führer » a été donné, le public s’exécute.
Il jubile, le public est tombé dans son piège :
« L’homme ne descend pas du singe , mais du mouton » chante t-il ….

Certains prendront ça comme un manque de respect envers le public, j’en pense tout le contraire : Sacrée mise en scène artistique ou comment manipuler une foule en quelques phrases. Rappelez vous, « fais moi rire » : vous venez de le faire rire sans rien voir …..

Le noir se fait, il s’en va et revient après un gros rappel du public.
Ça se voit qu’il a ri, car il revient heureux, seul avec sa guitare « c’est bien d’être seul, je peux faire ce que je veux ». Alors il va faire du live, du vrai sans calculer.

Un autre concert commence désormais.

Ce n’est plus le Führer, mais un gamin, un gamin qui s’amuse avec sa guitare, qui rigole avec le public. Un môme qui est heureux de faire plaisir à « ses potes », son public. Mais avant tout, il se fait plaisir, il chante ce qu’il a envie, il nous ouvre son monde.

« A cette heure, j’ai la poésie avec moi » lance t-il, mais il ne manque pas de rappeler que « la chanson qui suit est pas mal , elle parle des salopes » : Putains vous m’aurez plus.
Toujours dans la poésie, avant de commencer je veux qu’on baise sur ma tombe, il lance un clin d’œil caustique aux plus jeunes avec un malicieux « Ça ne me rajeunit pas cette chanson, certains ici n’étaient même pas nés ».

Quelqu’un hurle « les meurtrières », il lui répond « ha oui, mais je me souviens plus de tout, je l’a commence on verra bien ». Il l’a fait en partie et dit au public « continuez si vous connaissez ». Il est malin, il les laisse chanter et reprend avec eux … le public vient de lui faire un cadeau.

La pillule l’a fait rire, maintenant les cœurs du public lui ont fait plaisir, chouette moment.

D’un coup, il engueule le retour son. « Je te dis de baisser ! »

Serieux, pas sérieux ? franchement je ne sais pas.
« tu vois, c’est comme le whisky, quand je dis sers, tu mets plein. Bah la guitare c’est pareil. Quand je dis baisse, tu baisses plein. Il ne voit même pas que je me démerde tout seul depuis ¼ d’heure, dans 20 dates on sera prêts ».

Il régale le public qui prend son parti quand il en remet une couche au son : « il faut toujours me regarder. Faut toujours regarder dieu », et de rajouter « avec son sourire de diable. »

Le public hurle, y compris dans le gradin : « Tu es notre dieu ».

Le mythe se construit, il l’entretient.

Alors sérieux cette engueulade bien mise en scène ou bien mise en scène de sa personne ? Je pense pour la deuxième solution d’autant plus que désormais ce n’est plus un concert, on se croirait entre potes, autour d’un feu sur la plage. Il doit ressentir la même chose quand il dit « qu’il devrait faire une tournée en restant 6 mois par ville, en jouant dans les chambres, c’est bien les chambres »

Les iphones, qui remplacent les briquets, s’éteignent, le silence est total, il est seul dans le noir la communion est à son maximum. Chacun écoute le souffle de dieu et personne n’a envie que cela s’arrête. On pourrait résumer cet instant à « la grâce s’accomplit, la jouissance devient immortelle, l’éphémère devient éternel.

Le son baisse, la chanson s’arrête, le concert se termine.

Un dernier rappel avec « tu y crois » qui se termine par du rock au son puissant, mais clair, le son est au millimètre. Damien regarde les musiciens il est heureux : c’est le rock qu’il aime.

L’autre rock n’est finalement peut-être fait que pour les filles en fleurs, les marguerites et aujourd’hui c’est marie qu’il aime.

23H52, le son s’éteint.

En sortant j’en entends qui disent que ce n’était pas assez rock, ( peut-être les mêmes qui regardaient Ribery durant le concert ? ), mais au fait c’est quoi le rock ?
Il est intéressant de relire http://fr.wikipedia.org/wiki/Rock où on y retrouve des mots de Balavoine à propos du rock : « Le rock, c’est la sueur et peu importe la manière dont on transpire. »

Finalement en me relisant, je me rends compte qu’aucun mot, aucune photo ne pourra remplacer le Live pour comprendre Saez, son univers, ses textes. Avec lui chaque détail compte c’est ce qui le rend unique.
C’est un extraterrestre qui est un mélange des genres. Un mec qui aurait la fougue de Canta, qui hurlerait comme Brel tout en pleurant comme Morisson, mais avec la sensibilité de Chopin.
J’espère sincèrement que le « Blue BUS » ne l’appellera pas trop tôt.

Merci l’artiste et à très bientôt,

Rajout du 29 mars .

Avant d’aller à son concert, n’écoutez pas les conneries qui s’écrivent ici et là, le « roi » n’est pas mort, il sait très très bien ce qu’il fait.
Quand il n’y a pas d’ambiance (mais au fait c’est quoi l’ambiance ?) c’est qu’il le décide parce qu’il a envie qu’on écoute sa musique pour que ses textes prennent tout leur sens.
N’oubliez pas ses mots : « Voir un jeune assis à la terrasse d’un café, en train de lire, ça paraît impossible aujourd’hui ». On pourrait faire le parallèle avec ses concerts : Voir un jeune écouter de la musique acoustique à textes aujourd’hui, ça paraît impossible.
Si c’est possible et il le prouve à chaque concert …

Source : frederic-reglain.fr