The english ride of Saez.

Après un passage remarqué aux Victoires De La musique 2009, Damien nous revient au rock suite à l’incartade acoustique/minimaliste Varsovie-L’Alhambra-Paris. Cette fois en anglais, sous la bannière Yellow Tricycle. Avec près de deux années de retard, l’opus écrit dans la langue de Shakespeare paraît enfin. Le but avoué par le dijonnais est de toucher un public plus large, le public anglophone. Le dos se glace, les muscles se contractent. Qu’est il donc arrivé au bobo préféré de votre humble scribe ? Toute la poésie des précédents opus va t’elle rencontrer le mur construit par les partisans d’un monde unilingue pathétique et anglophone? Les boules de cristal n’éclairent encore personne à ce sujet mais l’avant goût d’Outre-Manche est en demi-teinte.

L’appât en introduction est pourtant alléchant. Braindead, gouffre désespéré de solitude en lead voice reste uni dans une harmonie musicale, prouve enfin que Saez peut jouer sur sa voix, et quelques fois de manière juste. S’en suit l’explosion White Noise, parfait Fight Club ou pamphlet anti-publicitaire. L’idée générale de ce titre nous est soufflée par Tyler Durden en personne : « S’améliorer soi-même, c’est de la masturbation ». Cette plage, la plus énergique de cet opus aux frontières du punk et du grunge, finit en apothéose. Vrombissements accélérés des riffs et percussions sous les slogans accrocheurs « You’re empty ? Unhappy ? You’re hungry ? Too tired? Can’t sleep? Braindead? Can’t fuck? Take a pill! Or join the army… » Feux d’artifices avant Killing The Lambs, pieux voyage chamanique, un monde post-apocalyptique, une quête de l’absolu. Les percussions s’accordent à imposer cette transe aérienne, long chemin de croix vers un ailleurs. Une parfaite introduction vous écrivais-je.

Et la magie s’évapore peu à peu. Les incolores Yellow Tricycle et Your Leather Jacket font tâches et il n’est pas sûr qu’une marque de lessive pourra les rendre plus blanc que blanc. Le cas « Jacket » s’apparente même à un plagiat pur et simple de ce que fut la gloire des Libertines. Tout y fait penser, du no-theme au son clair des guitares. Le tout saupoudré d’un effet de voix et de « no no no » dont seul Julian Casablancas des Strokes pouvait nous horrifier. Un split des plus ennuyeux dans une ambiance faussement adolescente, faussement joyeuse. Il s’en suit deux plages, elles aussi plus que suspectes. Ghost Downtown ou le glorieux Mojo Pin de Jeff Buckley et A Lovers Prayer dont la manière de structurer et poser le texte se superpose, sur de nombreux aspects, au Famous Blue Raincoat de Leonard Cohen. Références omises, ces deux titres apportent différentes écoutes possibles, entre douceur planante et mélancolie onirique. La page se referme sur Helicopters, progressif et langoureux. Embrasser la mort et rejoindre un quelque part, suivre la voix lointaine, le râle Yorkien. La page se referme avec ce goût de trop peu.

Car il est bien là le problème avec Damien Saez, on ne peut adhérer que totalement l’un de ses opus ou rester hermétique, frigide face à cet objet. Sans être d’une nullité ou d’un ennui effarant, on ne peut pas non plus parler d’un album mémorable. Un premier essai en tricycle, une demi-déception. Je ris jaune.

Posthuman666

Source : www.destination-rock.com