Nanti d'un second disque sorti en mars dernier, God Blesse, le porte voix écorché vif de Jeune et Con, ébranlé par un certain 21 avril ('"Fils de France"), fait le point sur lui-même et se décide à remettre les pieds sur scène après une tentative avortée au printemps.

Saez est une éponge. Il absorbe. Tout. Le plus souvent avec douleurs et compassion. Et n'en sort jamais indemne. Perçu à l'origine, à l'aune d'une chanson, comme un auteur-compositeur radical et détaché, jeune et con justement, il a incarné a contrario au mois d'avril dernier le sursaut d'une jeunesse morale face au péril Le Pen. Quitte à flirter avec la schizo. "Aujourd'hui, je ne sais plus quel est mon caractère... J'ai quand même l'impression que mon caractère perso est bien loin de celui que je peux développer dans ce métier", avoue-t-il spontanément. C'est que Damien a appris à se méfier de ce "métier" : "je pense qu'il y a une grosse différence entre Damien Saez artiste et la personne Damien Saez. Celui que je suis vraiment, c'est celui sur le disque, c'est net. Et c'est d'ailleurs pour cela qu'il y a parfois des problèmes de communication, enfin, que J'AI des problèmes de communication avec les gens de ce métier ou les journalistes par exemple. C'est que la personne avec laquelle ils sont en train de parler, ce n'est pas celle qui a fait le disque. C'est un truc de protection, je pense. JE me suis vite rendu compte qu'il y avait un paquet de gens avec lesquels je ne pouvais pas me permettre d'être comme je suis lorsque j'écris, je compose et j'enregistre. C'est-à-dire avec cette candeur et cette naïveté à propos du monde que je développe lorsque je suis en studio. Sinon, c'est pas possible, tu ne survis pas une demi-heure... Ou alors, tu as un manager, une personne qui fait écran."

Or, depuis le début Saez n'a pas voulu de manager. Pour ne rien laisser au hasard, avoir l'impression de tout contrôler. Même si aujourd'hui, il en revient un peu : "C'est vrai, aujourd'hui, je suis en train d'envisager ça différemment. Parce que je crois que ce côté à assumer tout seul me demande beaucoup trop de temps et d'énergie qui devraient être employés à faire ce que je devrais faire : de la musique.". Visiblement plus serein qu'auparavant, il semble avoir trouvé dans le laps de temps qu'il s'est accordé entre la sortie de son disque et son retour sur scène matière à satisfaction : "Ce qui change et qui fait changer ma perception du live, c'est l'équipe, le groupe ; non seulement Franck et Antoine, mais aussi les trois autres musiciens ça passe super bien. Il y a une vraie cohérence, un vrai boulot en commun. C'est comme ça que j'ai toujours envisagé la musique : on se retrouve et on juge ensemble. Ce qui n'était clairement pas le cas auparavant. Maintenant on envisage les choses comme un groupe et pas comme des mecs qui jouent avec un autre. Je me retrouve à faire confiance aux autres ; ce qui n'était pas le cas avant. A terme, ça ne me dérangeait pas du tout de faire un album sans que je chante une seule chanson ; un album ou je ferais autre chose, où je me mettrais au service du groupe d'une autre manière. Bref, ça va tellement bien entre nous que je songe à ce que le prochain album soit un disque enregistré live en studio ; tous ensemble quoi. Donc c'est vrai, je suis plus cool qu'avant" admet-il dans un demi-sourire. Un Saez nouveau semble donc advenu. Un Saez qui flippe toutefois un peu à l'idée de s'attaquer à son premier Zénith cet automne (a fortiori après les annulations du printemps qui avaient un peu brouillé les cartes) et qui, de fait, développe un surmoi de combat : "Je n'ai pas le sentiment d'avoir fait des conneries jusqu'à présent. Je crois que je n'ai simplement pas assez passé de temps à faire de la musique, c'est clair. Je me suis trop dispersé. Je n'ai pas fais de conneries, je me suis laissé bouffer par des conneries, c'est la différence. De toute façon, je trouve que c'est difficile de faire des conneries avec la musique ; la musique, elle est là, elle est dans l'air autour de toi, tu l'attrapes ou pas. C'est la différence avec la peinture par exemple. La musique n'est pas concrète, le peinture si. La musique évolue toujours, presque d'une minute à l'autre, elle est en mutation constante. J'irais jusqu'à dire qu'un morceau raté n'est pas une connerie, alors qu'un tableau raté l'est bel et bien... Pour ce qui concerne le métier, ça je m'en fous, que quelqu'un trouve à redire à propos d'une annulation, ça, je m'en fous... Là où je me sens responsable en revanche, c'est vis-à-vis de la personne qui est venue et qui se retrouve confrontée à cette annulation ; là, ça me fait chier ! Et sans parler de connerie, je me sens une responsabilité. Donc, si de ce point de vue –je parle des annulations- il y a eu des "conneries", on va rattraper ça. Ca, ça se rattrape toujours. La vraie connerie serait de ne pas se concentrer sur sa musique et de laisser quelque chose empiéter sur ce domaine là. Ca ne se rattrape pas."