Samedi soir sur la terre; la foule s’avance à travers le Parc de la Villette. Des garçons et des filles en groupe, et l’un de ces rares concerts où les lycéens marchent main dans la main avec des trentenaires plus cossus. »La foule s’avance doucement« , et la moiteur du Zénith saisit à la gorge le badaud. Un double whisky pour la route et l’on entre dans le « gouffre sacré » de Paris. Ca sent l’envie d’en découdre, mais s’il y a dix ans, le jeune peuple avait envie de se « défoncer, défonce moi« , la colère du jour est plus sincère et plus adulescente. Moins de joints et plus de combats.

Le grand Damien Saez arrive sur scène, guitare à la main et tenue noire de rigueur. Les Quais de Seine résonnent dans la salle; des alllures de fin de concert pour démarrer le Miami Tour. Les vers prennent aux coeurs et aux corps, « on mot d’amour et on maudit« .

Les minutes passent et la planète se prend à rêver d’un ailleurs imaginaire. La pulsion de la rancoeur et des vieilles gloires se mêlent aux danses de comptoir des saeziens dans la fosse et dans les tribunes, debout et le poing levé. Le rythme du tango démarre soudain, non sans une douce ironie des rythmes « latino » des boites de Miami et de la Clé des Champs. « Cocaïne, cocaïne » fuse alors, et c’est MC Damien qui prend le tempo sur des airs de slams ou de rap. « Ainsi la poésie n’aura pas chanté en vain » comme dirait l’autre.

Le discours est punk, la prose rock. Damien Saez rend un hommage à la Mano Negra en reprenant « Je peux très bien me passer de toi » comme sample post-moderne; un héritage revendiqué de tous ces fils de France hors champ des médias mais plein axe dans les âmes des citoyens.

Le dancefloor ressemble soudain à celle de Matrix: Révolution ; des loups garous sortent de leurs bois et les pogos mettraient en vrac toute paire de Louboutin sortie par mégarde.

La transe s’avance et Saez à la plume toujours visionnaire traduit en un instant la schyzophrénie ambiante:

« Les immigrés chantent en français, les petits bourgeois chantent en anglais… Maintenant dis moi qui a vraiment un problème d’identité? »

Allez, ressers à boire.

Lilzeon

Source : blogs.lexpress.fr