Arrivé au Mans, vers 18H15,un panneau : « j’emmerde vos Iphones » est sur les grilles.
Alors des gens viennent photographier la scène, avec ...leur Iphone.

Comme à chacun de ses concerts, le public est multi-générationnel, on retrouve des vieux fous qui osent espérer un monde meilleur et des jeunes cons qui verront peut-être un jour le printemps venir.
L’ambiance reste bon enfant, même si certains semblent déjà fortement alcoolisés,dont un qui se reconnaitra sûrement s'il s'en rappelle.
L’ouverture des portes se fait vers 19h30, alors que les balances viennent tout juste de se terminer. Le concert ne commencera pas à 20h, c’est pratiquement impossible.

Ce soir je serai privilégié, un badge me laissera le droit de faire des photographies comme je le souhaite (ou presque). Je vais pouvoir réécrire le concert non pas en mots, mais avec mes yeux, en Noir et Blanc.

Les quarts d’heure passent,il n'est pas là mais les rumeurs le précèdent.
Quelqu’un vient me voir : « c'est vous le journaliste qui avez balancé la rumeur ? »
Ah non mon petit monsieur, je ne mange pas de ce pain là et si le concert ne commence qu’à 22h c’est qu’il aura ses raisons que je ne veux même pas connaître.

Je passe derrière les barrières et je vais sonder les trois journaleux locaux.
Je me rends vite compte qu'ils ne connaissent pas l'animal. Et puisqu’ils grognent en voyant les aiguilles de l'horloge tourner, je leur réponds que c'est un artiste libre, et qu’il est libre de faire ce qu'il veut.

Le public, quant à lui, attend sagement l'heure, son heure, l'heure qu'il aura choisi, lui.

Pour rentabiliser leur temps probablement, les journalistes font des photos du public hurlant, qui s’amuse à en rajouter à la vue des appareils photos. Une forme de désinformation dans lamesure où la réaction est provoquée. Il faudrait qu’ils patientent un peu, mais j'ai bien compris qu’ils ne seront plus là lorsque la communion entre l’artiste et le public sera poussée à son comble.

Moi, pendant ce temps, je tire le portrait d’une guitare.
A peine le temps de déclencher et déjà l’un d’eux me colle : « il se passe un truc ? ».

Non rien, juste un souvenir d’une de ses guitares.

Il doit être 21h15 lorsque Mathieu se met en place pour filmer et, dans la foulée, le piano de quai de Seine accompagne la mise au noir de la salle.

La sécurité nous prévient : trois chansons et après, c’est derrière les grilles …

Une chanson passe et déjà une voix s’écrie : « Le photographe, il s'assoit ! ».
Je m’excuse platement auprès de cette fan de l’avoir gênée quelques secondes, le temps que la lumière arrive pour faire un portrait de celui que vous avez attendu durant des heures …
Le pire c’est que cette photo se retrouvera peut-être en fond d’écran de son smartphone ou de son ordinateur. Me dira-t-elle merci ?

Trois chansons sont passées et aucune lumière sur le public, mon œil ne sera donc que sur Damien et ses musiciens pour cette première partie.

C’est toujours surprenant de voir un concert dans le viseur d’un appareil photo, car on ne voit qu’un morceau du concert, celui qu’on a choisi de garder.
Pour l’instant, j’ai choisi son visage, ses gestes. Il est souriant, chantant, bref, détendu.
Pourtant, quand arrive« Elle était profonde », il est comme « habité ».
Cette chanson a un truc car elle a également un effet sur le public .

Après, tout va vite, les chansons s’enchainent et ce soir le public est très réceptif.
On a comme l’impression qu’il peut se passer un truc à chaque instant.
Pourtant « Dieu » reste maître de l'ambiance et le public le sait.

Il gère son public à la façon d’une « bonne baise » *
Le meilleur moment c'est juste avant la jouissance, parce qu’après nous savons tous que ce n’est plus pareil. Alors il tient son public sur la corde raide au maximum, fait redescendre un peu la tension, pour mieux la faire monter ensuite.

Et puis quand il hurle FUCK YOU Goldman Sachs, le public a sa première jouissance.
Ma petite couturière sera la seconde.

Je ne dis pas que les autres morceaux n’ont pas été bons, mais à ces deux moments là, la communion entre la salle et l’artiste est poussée à son paroxysme. L’atmosphère est juste inexplicable.
Chacun oubli son statut social, ses emmerdes, bref son histoire, sa vie pour exploser de joie avec Lui et contre un système à bout de souffle.

En fait , il commence son concert comme un gamin tout timide et se transforme au fil des chansons, pour devenir une bête de scène qui donne tout sans compter.

Ce soir c’est la dernière date de sa tournée, ça se voit et ça s’entend, les enchainements sont fluides, la mécanique bien huilée, tout va vite. Pour les festivals ça va envoyer à coup sûr !

Le problème, quand une tournée est bien rodée, c'est que ça laisse peu de place à la spontanéité. Pourtant dieu sait qu'il est bon dans ce registre, par exemple quand il renverse son whisky sur lui : « ici, c'est un peu comme au bar, je m’en fous partout. »
Il commence la chanson et dit « Vous me rappellerez si j'oublie » alors qu’on pouvait penser qu’il parlait des paroles comme il l'avait fait à Nantes, il rajoute l’air malicieux, « … que mon verre est là ! ».

Sur Marguerite, qui« l’habite entre ses reins », il nous rappelle que « c’est un texte très romantique, mais le tout est d’avoir le sens de la formule … »

Un dernier rappel, serviette au cou, puis dans la main ensuite pour revenir faire son interprétation de Jeff Buckley - Hallelujah .

Il est 00h20 quand le concert se termine par ses avant derniers mots : « si je le pouvais je vous roulerais une pelle à tous », ça crie partout autour de moi.
« une pelle façon whisky, ça veut dire pas dans la tendresse ».
Ca ne crie plus, ça hurle ! (« Fort, mais pas longtemps, c’est ça les filles. » *)
La troisième Jouissance ...

J’en ai presque oublié sa version de Marie et Maryline réinterprétée avec une partie du texte de Marie,une pure merveille !

Finalement, je ne sais pas ce que je préfère, le début de la tournée à Nantes, où il était plus engagé dans ses mots, ou maintenant.
Alors la prochaine fois, je referai un début et une fin pour ne pas rester sur ma faim.

Je finis ce billet par ces mots de Damien Saez :
« De nos jours les temps sont durs pour les indépendants »

Dans mon métier, je suis indépendant, à mon niveau en ne cautionnant pas du tout le chemin que prend le monde de la photographie.
J’assume complétement ma position, mais j’en connais aussi les conséquences en les mesurant au quotidien. Alors quand un indépendant demande de faire son métier, des photographies, sur un événement, c’est pas gagné …

Que cela soit clair, je ne veux pas faire pleurer dans les chaumières, mais juste remercier Alias Production de m’avoir laissé faire mon métier en toute indépendance.

Pensez-y également quand vous copiez ou dupliquez quelque chose sans citer la source, car il y a souvent un ou plusieurs indépendants derrière qui essayent juste de vivre de leur métier.

Ne les tuez pas …

* Ce soir il a employé l’expression Bonne Baise pour la chanson Pilule, « la dernière comme une bonne baise »
* Expressions employée dans un autre concert

Source : www.facebook.com