Son nouvel album "God Blesse" est double. La présentation avait lieu lundi à Nancy.

Son premier album "Jours Etranges" s'est vendu à 250.000 exemplaires. de quoi faire rêver quelques uns de nos pousseurs de bluettes et autres monstres sacrés ou prétendus tels propulsés après quelques apprêts par le showbiz, dans les projecteurs. Saez navigue sur d'autres eaux, beaucoup moins troubles, même si elles sont pour le moins tumultueuses. Si beaucoup, parmi le grand public, ne savent pas encore vraiment qui il est, il suffit de rappeler sa prestation iconoclaste à la dernière cérémonie des Victoires pour que chacun se souvienne de ce phénomène. Ce soir là, entouré de son groupe, bonnet enfoncé jusqu'aux yeux, il avait provoqué un parterre horrifié et qu'on aurait soudain cru sorti d'un film de Fellini avec son extraordinaire Jeune Et Con. Si le parterre de notables n'avait pas vraiment apprécié une "juste" provocation, les téléspectateurs s'y étaient, eux, retrouvés, puisque les ventes du disque avaient de nouveau décollées dans les jours qui ont suivi.

La destinée de l'homme

Musicien de formation classique, originaire du Sud de la France, Damien Saez a grandi à Dijon. A 18 ans, il est parti à Paris pour faire carrière. Deux ans plus tard il produisait son premier album, puissamment électrique. Le 13 mars 2000, il donnait le premier concert de sa jeune carrière au Terminal Export. Le public local, impressionné, le retrouvait, en octobre, sous le chapiteau de la Pépinière, cette fois, dans le cadre de NJP (Nancy Jazz Pulsations). Lundi, Saez devait être de retour pour présenter son nouvel album. Les professionnels conviés à cette soirée ont, en fait, dû se passer de sa présence sous les ors de l'Arquebuse pour découvrir vingt-neuf compositions impressionnantes, un mélange de piano , cordes et d'audaces électriques charriant des textes d'un désespoir absolu, une révolte viscérale et définitive. Saez y détaille, avec des mots d'une redoutable puissance suggestive, la douloureuse destinée de l'homme, la marche tout aussi tragique de la planète entre ces générations sacrifiées dont il fait partie, le mensonge et la trahison érigés en institution, et le sort réservé par nos politiques et nos médias au dernier rempart de la dignité qu'était Massoud. Jusque dans la tendresse ce rebelle demeure un écorché vif.

Son nouvel album, double, intense du premier au dernier sillon, recèle de purs joyaux comme Sexe, diffusé depuis quelques semaines déjà sur les radios et la "monstrueuse" introduction de Katagena où piano et cordes deviennent de l'émotion pure. Saez est imprévisible, dérangeant, si loin de la banalité et de l'ordinaire qu'on peut facilement comprendre qu'une journée de promotion ne fasse pas vraiment partie de ses préoccupations. Et puis il y a ce problème avec l'armée. Sous le coup d'une condamnation à six mois pour insoumission, il doit aujourd'hui se présenter devant le tribunal chargé d'examiner son appel. De son premier enregistrement, il expliquait qu'il s'agissait de son cahier d'adolescence. La beauté sauvage de son second opus ne pourra laisser personne indifférent. Comme le précédent, "God Blesse" est sorti sur le label d'Universal : Island. Le double album sera disponible à la fin du mois.

Jean-Paul GERMONVILLE