Un rock à fleur de peau, des textes intenses et touchants… Trois ans après son premier album Jours étranges, Damien Saez nous revient avec un double album : God Blesse / Katagena. Tour à tour poète romantique et provocateur enragé, il bouscule les certitudes, parle d'une génération condamnée et nous livre sa vision du monde en toute sérénité.

Après le succès phénoménal de Jours étranges, tu attaques directement avec un double album. C'est plutôt ambitieux ?

Non. J'avais envie. C'est pas parce que les autres sont des feignasses qu'il faut être feignant. Moi je pense qu'il faut faire plein de disques. J'aime bien faire des chansons et en faire plein. Ca raconte des petites histoires… On peut aimer raconter plein de petites histoires.

Et une fois toutes les " petites histoires " écrites, il y a une sélection qui s'effectue ?

On sélectionne après. Ouais forcément, on met pas tout mais tout ce qui semble nécessaire il faut le mettre. Même si on doit en faire un triple ou un quadruple.

Ce double album tu l'as fait pour te faire plaisir ?

A priori, quand on a envie de vendre un album, on fait pas un double. Parce que statistiquement, c'est plutôt dur les doubles. C'est des albums qui te laissent pas le choix. Soit c'est culte, soit c'est rien. Moi j'ai vachement de mal à parler de ce disque, de comment il s'est fait ou du fait que ce soit un double… Il me semble tellement être un bon disque, tellement se suffire à lui-même.

D'ailleurs Katagena, ça veut dire quoi ?

Katagena c'est un prénom polonais. C'est une personne que je connais qui a ce prénom. Je trouvais que le nom était très beau.

Tes textes sont empreints d'une certaine tristesse. Serais-tu un mélancolique ?

Je suis un mec super drôle ! (rires). Non mais les textes, ouais certainement. C'est difficile de répondre à ça. Tu me vois te répondre " ouais je suis vachement mélancolique comme mec " avec la larme à l'œil ! (rires). Je pense que je suis mélancolique comme tout le monde. Après, il y a ceux qui l'expriment et ceux qui ne l'expriment pas.

Le thème de Dieu est omniprésent dans tes chansons. Tu es croyant ?

Non, pas spécialement. Mais ça nous empêche pas de prier. On peut très bien ne pas croire en Dieu et prier. J'ai même tendance à croire que c'est quand on a plus de Dieu auquel croire qu'on se met à prier.

Tu parles de la mort aussi…

Parler de la mort c'est juste exprimer ses angoisses. Je ne me sens pas plus torturé qu'un autre. Je crois que tout le monde est angoissé par la mort. Y a pas plus tabou que la mort aujourd'hui : il existe des maisons de retraites et des crèmes antirides.

C'est l'ironie qui tua ta jeunesse ?

Je pense qu'on est dans une époque ironique. Et l'ironie ça tue la candeur, ça tue la naïveté et ça tue la jeunesse. Je pense que c'est bien de temps en temps d'estimer que c'est blanc ou noir… ça fait avancer. On fait des rêves. Aujourd'hui on est bien gavés de gris. Et à un moment donné, c'est un peu dur l'ironie. Il y a une certaine naïveté que j'aurais aimé garder plus longtemps. Je suis passé à côté d'une adolescence. L'ironie c'est les années 70 et nous aujourd'hui. C'est la liberté sexuelle. Le rêve. Tout le monde s'éclate, on fait tout ce qu'on veut. Et boum, le sida. Voilà, ça c'est l'ironie du sort. Et ça, ça tue la jeunesse.

T'as l'impression d'être un révolté pour ados ?

Moi si je me souviens de mes 18 ans, je ne suis pas sûr d'avoir été plus dans la vérité que je ne l'étais à cet âge-là. Donc, si c'est à cet âge-là que ça parle et qu'ils se retrouvent là-dedans, c'est plus un compliment qu'autre chose. Parce que je pense qu'on a un extrémisme de la pensée, un courage, une naïveté, une utopie à l'intérieur de soi qui est une chance énorme et que, finalement après, c'est les contingents qui nous font perdre la bataille d'année en année. Donc c'est clairement pas une mauvaise référence pour moi.

Tes chansons d'amour sont particulièrement touchantes. De quoi t'inspires-tu pour les écrire : d'une muse, de plusieurs femmes ou du fruit de ton imagination ?

Il y a eu plusieurs femmes. Ben déjà, Katagena c'est pas le même prénom qu'Olga. Mais on remarquera quand même que je reste du côté de l'Est en général (rires). Je suis assez sensible à la culture de l'Est. Elle est riche. En musique classique, tout le XIXè siècle, c'est l'Europe de l'Est.

C'est de cette passion pour l'Europe de l'Est que t'es venue la chanson Saint-Petersbourg ?

Ouais très clairement. Cette chanson c'est un véritable fantasme. Un fantasme construit par rapport à une culture. L'art et l'Europe de l'Est c'est quelque chose. Quelque chose qui m'émeut.

Tu prônes l'anti-mondialisation et en même temps tu es chez Universal. C'est un peu paradoxal ?

(Soupirs). J'en sais rien… Il faut demander à Aston Villa, ils ont un super point de vue là-dessus.

Judith Cloarec