Au fil d'un concert incandescent et électrique, le chanteur de Jeunesse lève-toi s'en est pris au ministère de la Culture et à la musique pour téléphone.

Inflammable, charnel, révolté, abrupt, militant, incantatoire, lyrique... Les mêmes mots reviennent pour qualifier Saez, 35 ans, 9 albums- certains doubles voire triples.

Damien Saez, ou le goût des textes, un mal-être, le poing levé, la guitare en armure. C'est Brel + Ferré + Barbara + tout Noir Désir à lui seul. "Fils d'Artaud", se définit-il. Depuis une douzaine d'années, le chanteur de Jeune et con, Fils de France, Anarchitecture, Jeunesse lève toi, enflamme les sentiers du rock, sans promo ni télé. Son public forme une vague de plus en plus impressionnante. En concert, là où Damien Saez passe, l'herbe ne repousse pas. Après son concert hier, aux Francos, il restait une terre brûlée.

Les "J'accuse" de Damien Saez -contre le libéralisme, le régionalisme, la dictature de l'uniformité, etc- lancés en loghorrée de la scène de Saint-Jean d'Acre, ont été écoutés à la fois dans un silence de cathédrale mais aussi dans une émulation collective des jours de crise. Le Jim Morrison français est revenu plusieurs fois sur La France, ce "pauvre petit pays" qui fût grand. Enchaînant les morceaux dans une électricité rageuse, chanteur de la chair et du chaos. Ni Dieu ni maître. Ni le vouloir, ni l'être.

Saez fait donc de la résistance. Le chanteur a décidé de ne pas rendre la scène à l'heure prévue -pour le feu d'artifice du 14 juillet- exigeant, "un peu de liberté... Sinon, on continuera à côté, sur le bord de plage." Alors qu'il s'emparait de Ma Petite couturière, hymne contre les fermetures d'usines, Saez a glissé un "anarchitecture", monologue de cinq minutes pendant lequel il a fustigé le ministère de la Culture -Aurélie Filippetti se trouvait aux Francos- "ministère du vent, de l'air". Avant de tacler le temps des commémorations à l'heure des 20 ans de la disparition de Ferré. "Pour faire tomber son petit discours, histoire d'associer son image de rien à un grand de notre pays..." et d'enchaîner avec "l'exception culturelle (...), la musique pour des téléphones, pour vendre des ordinateurs... Moi je dis goire aux DJ."

Ma Petite couturière s'est poursuivie par "Fini le temps des cerises/Des écharpes pour deux/Dire que même à l'usine, il faudra lui dire adieu". Et Saez s'est enfoncé dans la nuit.

Gilles Médioni

Source : www.lexpress.fr