Alors que cette troisième journée des Francofolies de La Rochelle s’annonçait pour le moins calme et sans heurts, Damien Saez en a décidé autrement. Tandis que Lilly Wood et Benjamin Biolay essayaient en vain de faire danser le public de La Rochelle avec des musiques toujours plus communes et ennuyantes les unes que les autres, c’est clairement pour Damien Saez que la foule était si nombreuse. Sous la chaleur d’un soleil éclatant, les couples s’embrassaient et la foule s’amusait, les organisateurs ayant trouvé là un bon moyen pour tuer le temps. Et dans l’indifférence général, Damien fit son apparition devant la foule, scrutant St Jean d’Acre comme on observerait une jolie femme. Tout en pudeur. C’était la première fois que le chanteur venait aux Francofolies de La Rochelle. Un événement que tous les fans attendaient depuis très longtemps et qui s’est enfin réalisé. Et l’attente était méritée !

Damien, plus déterminé que jamais

Pour entamer ce concert, Damien commençait de la meilleure des manières possibles et entonnait acapella "Les anarchitectures". Bien qu’il fut attendre quelques dizaines de secondes pour que la foule se taise comme un seul homme, tous les spectateurs restaient littéralement abattus devant la puissance des textes et de la voix de Saez. Le décor était planté et la soirée pouvait commencer, avec un public qui s’était enfin réveillé de sa torpeur. Une fois que le chanteur eut finit de mettre tout le monde d’accord, histoire de dire "C’est moi Saez, je suis là et je vais foutre le bordel ce soir", il enchaîna sur un titre autrement plus triste mais toujours aussi fort en émotion, "Tu y crois". Bien que la raison de ce choix m’échappe encore aujourd’hui, je trouve que cette chanson possède le mérite de faire découvrir Saez à ceux qui ne le connaissent pas encore. Avec ce titre, c’est toute la nature du chanteur qui fait surface, passant de la rage à la tristesse, le poussant à se dévoiler d’une voix rauque et meurtrie. Au fil de la chanson, Damien livrait ses tripes sur la scène, chantant avec une détermination rare et magnifique, allant même jusqu’à hurler dans le micro pour se faire entendre dans toute la ville, provoquant un son sorti des enfers. Dieu que c’était bon.

Des inédites pour une prestation d’exception

Pour les Francos, comme pour ces autres festivals, Saez choisit une playlist composée de valeurs sûres. Ainsi c’est au son des Printemps, de J’accuse ou encore de La Fin des Mondes qu’il a envoûté la place de St Jean d’Acre par sa révolte et son rock agressif. Mais une première aux Francos, ce n’est pas rien, surtout quand ce festival dispose de l’une des plus grandes expositions médiatiques du pays. Nul besoin de vous dire que c’était du pain béni pour Saez, celui qui ne loupe pas une occasion pour placer sa gueulante. Et en ce jour de fête nationale, ce fut servi sur un plateau. Ainsi, à la surprise générale, ce n’est pas un mais deux textes inédits dont nous avons eu le privilège et qui nous a donné bien des frissons. "Au bar tabac" suivi de "La lutte", deux chansons aux textes forts destinés à véhiculer un message clair : le futur s’annonce bien sombre et c’est maintenant ou jamais pour lutter, le poing levé. Rappelant aisément des mélodies déjà utilisées auparavant, ces deux chansons restent quand même des chefs d’oeuvre dans leur genre. C’était un réel plaisir que d’entendre quelque chose de nouveau à un concert de Saez, surtout quand cette nouveauté dénonce notre système actuel, avec des textes vrais et engagés : ce qui manque cruellement de nos jours.

Les autres chansons de la playlist, bien que déjà connues par la plupart des spectateurs venus ce soir, furent de très bonne facture avec un Damien en grande forme. Le public de La Rochelle se permettait même de dansait au son de "Pillule" ou encore de "J’accuse", toujours dans une ambiance électrique. Mon seul regret, la version de la "Fin des mondes" n’a pas égalée celle que nous avions entendue à Tours, l’année dernière, la faute à un son moins "propre", surtout au niveau des instruments. Mais peu importe, on se réjouira ce soir d’avoir eu de très bons musiciens et un Saez qui chante sans retenue. Ça fait plaisir !

"Ministre de la culture? C’est bon le cynisme…"

Au delà du concert, on retiendra aussi l’intervention de Saez pour la ministre de la culture, Aurélie Filippetti. C’est au milieu de "La petite couturière" que Damien a décidé d’entamer son discours alors qu’il venait juste avant de faire un pied de nez aux organisateurs des Francos "On me dit qu’il reste 4 minutes mais au pire qu’ils aillent se faire enculer." Dénonçant l’hypocrisie dans le système Français à travers la mort de Léo Ferré et les nombreuses conneries que le gouvernement peut faire, le discours du chanteur résonnera encore longtemps à La Rochelle et plus loin encore, certainement jusqu’à l’Élysée. Aurélie Fillippetti, présente ce soir, en a pris pour son grade. "Comment ils appellent ça déjà? Ah oui, le ministre de la culture. C’est bon le cynisme quand même…" Durant une dizaine de minutes, le chanteur a délivré un véritable plaidoyer à la face du monde. Les présentateurs télé que l’on couronne, le gouvernement qui fait copain-copain avec les starlettes Américaines, le financement du cinéma par les télés "et on sait lesquels…", la musique qui se casse la gueule, Damien finira son discours en affirmant que tout ça lui donne envie de vomir et le public ne pourra que le rejoindre dans cette idée. Ce soir, toute la foule de St Jean d’Acre venait de vivre un grand moment et il nous faudra du temps pour s’en remettre.

Une gifle monumentale, voilà comment je pourrais définir le concert de Saez. Pour une première apparition aux Francofolies, le pari du chanteur est réussi : faire bouger les consciences. Ce soir, on a vu un Damien déchaîné qui a pris un pied phénoménal à jouer avec ces musiciens. Après tant d’années de Francofolies sans le voir, l’attente était plus que méritée. Il nous a peut-être offert, en ce jour de fête nationale, sa plus belle prestation dans un festival. Un grand moment qu’il ne fallait surtout pas rater et dont nous avons eu la chance de participer.

Merci Damien, le peuple de France continuera la lutte, le poing levé.

galwii

Source : dieandretry.com