Comme chaque année, le gratin hexagonal se retrouvait en Charente-Maritime. Que fallait-il retenir cette saison ?

Après le printemps le plus pourri de notre histoire, les Francofolies de La Rochelle ont connu un climat particulièrement radieux. Chaleur et soleil sans interruption pour 5 jours de concerts dans les toujours très convenables lieux de spectacles clos et exempts de la poussière et gadoue chères aux autres festivals.

Le samedi soir, Olivia Ruiz exhibe sa plastique plus convaincante que sa musique sur la place Saint-Jean-d’Acre avant que le rappeur Orelsan fasse son grand retour à La Rochelle après en avoir été bouté par la Royale Tartuffe trois ans plus tôt, suite au scandale causé par le titre « Sale Pute ». Cali avait attaqué la direction des Franco et juré de ne jamais y remettre les pieds. Tout s’est apaisé cette année avec la venue de Cali le vendredi soir et celle d’Orelsan le lendemain. Pour un show très soft, sans provocation ni retour sur le passé, assez lassant au bout d’une demi-heure, le flot du rappeur limité aux mêmes intonations répétées en boucle. Rien qui n’empêche la considérable cohorte de fans femelles d’entrer en transe.

Le dimanche soir, la pop pénible de Lilly Wood And The Prick évoque une sorte de Cock Robin de série Z… Benjamin Biolay dont c’est la fête à… arrive affublé d’un blouson en jean bleu clair façon vieux rocker seventies et surprend par des arrangements et fulgurances rythmiques et guitaristiques que ses albums ne laissaient pas soupçonner. Biolay donne l’impression touchante de ne pas trop savoir quoi faire de son grand corps mais semble heureux de faire partager ses chansons souvent bien troussées à un public de plus en plus opulent. Le gros morceau de la soirée et du festival sera la prestation magique, tragique, en alternance aussi lumineuse que sombre de Saez, bouleversant et convaincant, branleur et rageur, sans faux-semblants ni équivoque. Saez s’en prend plusieurs fois à son «pauvre, triste et tout petit pays d’enculés » , à ses penchants historiques pour la collaboration et celle dans laquelle il bascule en ce moment entre droite dure et droite extrême. Mais il n’oublie pas l’intolérable mépris du pouvoir en place ainsi que la vacuité et l’inutilité des ministres de la Culture successifs depuis quelques décennies. Saez tire un superbe trait d’union magistral et abrasif entre Brel, Ferré, Noir Désir et Trust. Il est unique, fidèle à ses engagements (toujours zéro promo) de chanteur en lutte contre la bêtise, les banques, l’inculture et le pognon comme seule morale. Vaste programme.

Si sa façon maniérée de prononcer les ai et les é sur disque peut irriter, ces tics disparaissent sur scène où ce nouvel adepte du Jack ressemble à un biker du SAMCRO mâtiné de Morrisson pré-Père Lachaise. Chacune des accalmies où il chante, accompagné d’une seule guitare acoustique, finit par sombrer dans un déluge heavy porté par un Daniel Jamet (ex-Mano Negra) en lévitation et un batteur hors norme qu’on dirait souvent nourris au Culte du Led Sabbath Bleu…

Enfin, Lou Doillon, radieuse, parvient à imposer sa pop parfois sombre et de haute tenue à un public de festivaliers d’ordinaire réceptif à des denrées plus immédiates. Sous de grands arcs de lumière façon salon de luxe et avec ses musiciens de qualité, elle emporte le morceau au-delà du tube « ICU ».

Hervé Deplasse