Sortie le 29 mars 2010

Après un triple album – Paris, Varsovie, l’Alhambra – d’une tristesse poétique éblouissante, Saez revient avec un nouvel album au titre explicite : J’accuse. Critique révoltée de notre société contemporaine et ballades au romantisme désespéré, le nouveau Saez est un grand cru.

En 1898, Zola publiait l’article « J’accuse » dans le journal l’Aurore. En 2010, Saez s’approprie cette épitaphe pour dénoncer une société au crépuscule de la mort. En témoigne cette polémique sur la pochette de l’album, une femme nue dans un caddie, critique pourtant éloquente de notre société de consommation. Résultat : une censure aussi incompréhensible que représentative de notre époque et levée de bouclier des associations féministes qui ont visiblement bien du mal à saisir le message. Une controverse qui aura au moins eu le mérite de faire connaître un poète engagé à l’écriture raffinée. L’un des rares représentants du rock français.

Avec J’accuse, Saez va faire souffler un vent de révolte sur une France encore étourdie par la crise. Plus de dix ans après Jeune et con, Saez renoue avec ses racines de chanteur engagé. L’album s’ouvre avec Anarchitecture, chanté a capella, sorte de constat froid et inquiétant d’un monde sous le joug de la mondialisation. S’en suit cinq titres aux arrangements très rock, rappelant Noir Désir, dressant la liste non-exhaustive des dérives qui gangrènent notre époque : société de consommation, effet de masse, suprématie de l’argent, individualisme exacerbé…

Errances poétiques

« Je suis un homme mort coincé entre 4 murs, je suis un homme moderne ». Dans Pilule, Saez raconte les états d’âmes, les pensées, les doutes et les rêves déchus d’un homme lambda, pantin d’un monde qui contrôle sa vie. Dans une valse nerveuse où se mêlent guitares et batteries, l’artiste crie son dégoût pour cette société de l’argent roi (Des p’tits sous), appelle à la révolte (Sonnez tocsin dans les campagnes), et ressasse sa nostalgie d’une époque révolue ou l’on écoutait les Clashs (Cigarette). La chanson J’accuse, sorte d’Antisocial des temps moderne, s’érige elle en hymne d’une génération désenchantée.

Du style, une écriture ciselée et élégante et une voix à la sensibilité dérangeante, Saez fait une nouvelle fois l’étalage de son talent d’auteur compositeur interprète. La deuxième partie de l’album, plus douce, nous entraîne à la rencontre de deux femmes, lueurs d’espoirs dans un déluge de noirceur. Lula, « une putain aux yeux tristes et au corps du Christ », personnification des ultimes espoirs d’un homme abimé par l’existence et Marguerite, « luciole au fond des nuits », fleur du lendemain à cueillir pour échapper à sa vie monotone.

Amoureux de la chanson française, Saez poursuit ses errances poétiques en chantant Les Printemps, saison allégorique où la société sortira de sa torpeur pour renaître à la vie. Avec Regarder les filles Pleurer, ballade magnifique de tendresse et d’affliction, le chanteur part « comme un assassin en campagne tracer au couteau des sourires sur les joues des princesses », dans un mélange obscur de déclaration d’amour, de mise en garde et de déférence envers les femmes.

Avec J’accuse, Saez renoue avec sa plume pamphlétaire sans oublier pour autant ses inspirations poétiques. Un album révolté et fragile, rebelle et romantique…

Julien Brossard

Source : www.artistikrezo.com