Les Français se plaignent tout le temps mais pourquoi ? Ces pleurnicheries proviennent-elles d’une hérédité datant du noir et blanc ou d’une réalité sinistre accentuée par les problèmes économiques ? Ce n’est, en tout cas, pas François Hollande qui mettra fin à cette série noire dans l’Hexagone. Non, le changement n’est pas maintenant apparemment. Sauf dans le cas où Saez sortirait enfin de sa sombre grotte. La bête noire de la société revient avec Miami, un album révolté, dans la lignée de J’accuse. Et comme pour ce dernier, son affiche, provocante, fut censurée dans nos métros par la RATP, la jugeant choquante et nullement laïque. Une femme en sous-vêtements plaquant la Bible sur ses fesses est-elle plus indigne qu’une Rihanna dans une position quasi pornographique ? Pour un pays portant le terme « liberté » dans sa devise, l’hôpital, où travaillent ses infirmières à 1 000 €, se fout clairement de notre charité.
Lorsque Damien Saez peint la société, il n’a pas besoin d’une large palette de couleurs. Le noir lui suffit amplement. Oubliez la plage et palmiers que vous inspire le titre, ici le rebelle savoyard nous fait le portrait des nuits agitées au cœur de Pigalle. Bitch et pas beach. Il expose sur dix chansons, les virées nocturnes mêlant Sex, drugs et rock’n’roll au bord de sa Cadillac noire. Celle-ci, émettant en boucle un air de Voodoo Child, part à la recherche des filles des joies. Pourtant la joie n’est pas forcément l’adjectif qui caractérise le mieux cet obscur album. Avec des textes pointant la superficialité de notre monde, le dernier résistant français ne reste pas muet à l’instar de ces concitoyens. Sans cesse il dénonce, il dénonce et il dénonce, et à la fin, la répétition noircie le tableau. Le titre éponyme est de loin le plus réussi, tant par les coups de pinceaux trashs que ses « nanana » électro-club aspirant à l’ironie de ce qu’on peut entendre dans les discothèques du monde entier. Trouble on my mind disait Pusha T, le désobéissant gamin arabo-espagnol apporte sa vision de ses troubles causés par Des Drogues, qui demeure une chanson cocaïné mais bien trop longue pour prétendre à un réel impact aussi forte que les stupéfiants. Le Roi règne sur la longueur et déverse une critique de la soif du pouvoir en chacun de nous sur des guitares électrifiées. Malgré ces titres pointus qui secouent l’auditeur, Saez l’insoumis, s’arrête de planer durant No More, un titre original en anglais, ou encore le révolutionnaire Rottweiler qui amène fera couler plus de larmes que d’encre. Rochechouart, fondu dans la masse rock de cet opus, possède quelques sonorités dansantes faisant office de fond d’écran à une voix nasillarde et sympathique qui tenteront de lever les poings français.
Nombreux sont ceux qui pensaient avoir à faire au successeur de J’accuse mais c’est plus une nouvelle copie du genre que notre poète moderne nous livre ici. Aucunement ne déçu mais aucunement surpris pour un final plutôt réussi mais loin d’un autre chef-d’oeuvre. Miami demeure un addictif cherchant à nous évader tout en frôlant l’overdose. En attendant la tournée, la France a des problèmes et préfère rester aveugle. Saez, lui, les écrits noir sur blanc.
Felisk
Source : www.laboiteamusiqueinde.com