J’accuse Damien Saez. Un tel talent, cela pose problème. En cinq albums, conjuguer intégrité et sincérité avec autant de brio reste une énigme. J’accuse. Et puis, survivre au ténébreux Varsovie, est juste inconcevable.

Onze ans qu’on le suit, ce sale écorché vif. Jamais il ne nous aura déçus. Pire, il nous en donne toujours davantage. Une écriture qui ne cesse d’étonner, fluide et incisive. Le jeune (et con) a bien vite cédé la place au poète maudit. Raillé, détesté, Saez ne laisse pas indifférent. Ses vieux tics anars peuvent faire sourire. Sa voix, agacer. Le nouvel album n’échappera pas au procès. On y retrouve la fougue adolescente de Jours Étranges, les enivrantes compositions de Katagena et la noirceur adulte de Varsovie.

« J’ai l’âme de l’enfant et la mémoire du vieux » nous confiait Le Cavalier Sans Tête. Une nouvelle fois, J’accuse bataille entre jeunesse révolutionnaire (Les cours des Lycées) et âge de raison (Les Printemps). Une scission essentielle. En constante recherche de vérités, Saez interroge notre société malade et malmène le sentiment d’Amour. Le style est immuable (engagé pour les uns, démago pour les autres), mais il a le mérite de pointer du doigt, sans se soucier du qu’en dira t’on. Un tel courage, j’accuse !

Moins ambitieux qu’un Varsovie, le nouvel opus sonne brut et salue le retour d’un artiste définitivement « rock », dans l’attitude et le discours. Jamais coquille vide, l’album interpelle la société de consommation, quitte à –encore- agacer. Le disque sorti, Saez se retrouve bien malgré lui au cœur du débat. Une femme dans un caddie, un titre : J’accuse. Une lecture d’image évidente, de prime abord. Pourtant, l’artiste est mis à l’amende et rentre bon gré mal gré dans les jeux du cirque médiatique. Un exercice dans lequel l’homme remplace l’auteur, défendant son outil de travail avec une répartie touchante et cinglante. Mais dans ses joutes verbales, la musique n’a plus le droit de citer.

Moins égocentrique, Saez s’ouvre à ses semblables dans un fracas d’émotions. Des guitares acérées de Pilule aux mélopées de Marguerite, l’album prend l’auditeur par la main, sans le sermonner, encore moins l’abêtir. Formidable chant contestataire, bruyant et vivant, ce J’accuse est profondément de son époque. Pas à la mode (il n’en suit aucune), Saez taille sa route, s’assied sur les bonnes convenances et prend le large. Cap vers les Zéniths de France, pour une tournée qui s’annonce incendiaire !

Noesis

Source : www.discordance.fr