J'Accuse... SAEZ se la jouerait-il Emile Zola? Cela risque de ne pas améliorer son image... Car il faut bien le dire, qu'on l'aime ou qu'on le déteste, SAEZ est un artiste qui ne laisse pas indifférent. Aimé pour sa capacité poétique à traiter des problèmes économiques, sociaux et politiques de notre société moderne, et apprécié principalement par les adolescents et post-ados qui ont trouvé en lui le porte-parole d'une génération en quête de repères (rappelez-vous le tube « Jeune et Con »). Détesté pour son maniérisme vocal, sa tendance à vouloir faire parler de lui en rebondissant immédiatement et violemment aux évènements qui touchent notre république (le titre « Fils de France » paru au lendemain du premier tour de l'élection présidentielle de 2002...). Malgré tout, SAEZ poursuit bon an mal an son bonhomme de chemin, et revient en cette année avec ce qui n'est autre que son sixième album, après le confidentiel A Lovers Prayer sorti l'an dernier.

Avec J'Accuse, SAEZ joue donc, une fois de plus, les pamphlétaires modernes, conchiant notre société de consommation et ses dérives. Et comme pour donner raison à ces critiques, l'album a fait parler de lui bien avant sa sortie, puisque les affiches publicitaires reprenant le thème de la pochette (une femme nue dans un caddie, dénonciation du consumérisme à outrance) a été censurée par l'ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité) au motif de nudité ! Un comble, comme si cet organisme refusait de comprendre que l'objet de ce visuel est justement la critique d'une société où la femme (notamment) et ses atouts sont utilisés comme faire-valoir publicitaires...

Du coup, c'est avec une sympathie certaine que l'on débute l'écoute de ce J'Accuse, dont le titre prend toute son ampleur bien avant que les premières notes ne résonnent. Ces dernières tardent d'ailleurs à se faire entendre, puisque c'est avec un titre a capella (exercice très prisé de l'artiste) que débute cet opus. « Les Anarchitectures » pose immédiatement le décor : SAEZ est en colère, critique tous les travers de notre société et se veut nostalgique (« Puisqu'il faut accepter du temps / L'évolution toujours plus bas »), n'hésitant pas à se montrer insultant, traitant ses contemporains de cons, à grands renforts de « putain » dont l'impact et l'utilité ne semblent pas si évidents...

Avec « Pilule », les guitares débarquent enfin. Et tout au long de cet album, elles se feront mordantes et acérées, comme pour mieux soutenir les propos de l'artiste. Le rock « brut » de SAEZ prend son ampleur sur ce titre direct qui s'impose rapidement comme un des meilleurs morceaux de l'album. Bien que répétitives (et visiblement destinées principalement à servir les paroles mordantes de SAEZ) les guitares sont de sorties et ne sont pas sans rappeler un Noir Désir de la grande époque (impression renforcée par la voix de SAEZ, proche de celle de Bertrand Cantat). « Cigarette » poursuit sur cette tendance rock énervé, confirmant cette tendance passéiste et nostalgique, certes bien formulée (le talent de parolier de l'artiste n'est pas à remettre en cause) mais peu constructive et un peu facile...

Jouant sur l'opposition exploiteur/exploité, « Des P'tits Sous » relève le niveau, grâce à des paroles plus profondes, mais surtout un riff imparable et un refrain persistant qui devrait faire fureur en live.

Le reste de l'album est à l'avenant, combinant riffs d'acier et paroles mordantes et violentes. A ce petit jeu, l'on retiendra surtout le titre ayant donné son nom à l'album, « J'Accuse », dont les paroles abordent tous les problèmes de notre société moderne avec une délectable justesse. « Lula », déviant de la thématique de l'album, en évoquant le sujet de l'amour perdu, convainc également grâce (une nouvelle fois) à une mélodie faisant mouche et à l'ajout bienvenu d'une guitare acoustique, comme une respiration nécessaire dans un album joué pied au plancher.

Ayant mûri, SAEZ n'oublie pas pour autant de mentionner le mal-être adolescent avec « Les Cours des Lycées », mais finit par lasser en reformulant inlassablement ces critiques acerbes de la société, « Les Printemps » se transformant en une longue liste répétitive d'interdits divers et variés. S'éloignant quelque peu du rock sur la fin d'album, SAEZ offre avec l'acoustique « Marguerite » ou le plus joyeux « On a Tous une Lula », permettant à l'artiste de conserver l'attention de l'auteur jusqu'aux dernières notes de la ballade « Tricycle Jaune », dont les ambiances mélancoliques et emplies de tristesse ne sont pas sans rappeler un groupe comme EELS.

Avec J'Accuse, SAEZ livre un pamphlet fort bien formulé et exécuté, soutenu par un rock énergique de fort belle facture. Handicapé néanmoins par une redondance nuisible et une tendance à la critique gratuite et violente, l'album se voit sauvé par une fin plus originale et variée. De la belle ouvrage !

Gegers

Source : fp.nightfall.fr