En 1999, son 1er album connut un joli succès (200 000 exemplaires) entériné par une tournée affirmant son personnage gentiment provocateur. La qualité première de Damien Saez est son aplomb: après avoir pris des accents rebelles tout en restant dans un cadre très policé, il renoue pour son second essai avec le concept "seventies" du double (voire triple) album, puisque les deux CD proposés s'éternisent sur 140mn. Qui dit mieux? Il faudrait être un petit génie pour tenir une telle distance, et Saez, malgré une habileté incontestable... La publication de certains de ses textes par Actes Sud ne saurait cautionner une quelconque dimension poétique : son engagement naïf prête à sourire ("Trop d'argent trop de banques/Trop de guerres pour la paix/Trop d'enfants qui crèvent"), ses hardiesses sexuelles ne dépassent pas la plaisanterie de potaches en chaleur ("Mets ta langue où tu sais/Non ne t'arrête pas/Continue de lécher" - "J'Veux Qu'On Baise Sur Ma Tombe").

Musicalement, il bénéficie d'un sens mélodique et d'une voix douce qu'on peut trouver agréable, mais on ségare et on s'ennuie entre ses dérives néo-symphoniques (concentrées sur le second CD, fastidieux) et ses flambées néo-rock où il s'efforce de faire le méchant ("J'veux du nucléaire", "Solution"). La flopée de musiciens, producteurs et arrangeurs anglo-saxons bardés de référence dont sa maison de disques l'a entouré ne change rien à l'affaire. Et il a beau s'affirmer très rock, il ne dépasse pas le stade du Canada Dry à usage d'un grand public qui se laisserait séduire par ses artifices et quelques ballades plaisantes ("No Place For Us", "So Gorgeous").