Portrait

Même s'il énerve beaucoup de monde par une arrogance à peine masquée derrière la conviction d'être un petit génie, Damien Saez réussit à convaincre par son seul talent. En trois albums, « Jours étranges » (1999), « God blesse » (2002) et « Debbie » (2004), le jeune Dijonnais basé à Paris a tranché avec un ton résolument personnel même si Noir Désir était déjà passé par là avant lui. Le sexe et la mort, Ferré et Brel, Radiohead et Jeff Buckley, Massoud et Che Guevara, Verlaine et Rimbaud... Autant d'obsessions que Saez livre avec rage et insolence.

N'allant jamais en télévision, sinon pour se produire aux Victoires de la musique un bonnet jusqu'en dessous du nez, Saez, c'est aussi une rock'n'roll attitude et un joli minois boudeur et romantique, qui plaît au public féminin par excellence. Les ados ont trouvé leur nouveau héros. Et ça marche puisqu'à la sortie de son dernier disque, il n'a donné aucune interview en Belgique.

L'AB, qu'il avait déjà remplie en 2002, ne suffit plus. Après les trois concerts bruxellois de ce mois d'avril, c'est la scène Pierre Rapsat de la place de l'Hôtel de Ville de Spa, aux Francofolies, qui l'attend en tête d'affiche. Ce qui ne l'empêchera pas de chanter en anglais si ça lui prend : il l'a déjà fait au parc des 7 Heures en 2000, l'axe Led Zep et Jeff Buckley n'étant jamais loin.

En fait, Saez ne se force même pas. Il agit à l'instinct. N'en fait qu'à sa tête. Qu'il n'a pas vide. Quand Le Pen passe au premier tour des présidentielles, il enregistre dans l'urgence « Fils de France » téléchargeable gratuitement sur le site de sa firme de disques. A peine connu avec le titre « Jeune et con », il revient avec un double album conceptuel, obligeant sa firme de disques (Universal) à courir des risques que les temps présents ont oubliés. Le disque met du temps à se vendre mais les salles sont remplies et Saez d'être vite suivi par une horde de jeunes fans prêts à voir en lui le nouveau messie atypique du rock.

L'intéressé refuse ceci dit d'être un porte-parole. Il dit ce qu'il pense (il hait le mot « communisme », par exemple), reconnaît être inspiré par ses névroses en bon hypocondriaque, caractériel et parano qu'il avoue être. Imprévisible, Saez a également publié un livre de prières et de pensées, « A ton nom », et travaille sur son premier roman. Damien n'a pas encore tout dit et c'est tant mieux...

Thierry Coljon