Couronnant une attente de plusieurs mois, le deuxième album de Saez vient en partie de nous être dévoilé. L'objet du délit sera double et devrait s'intituler Katagena pour une parution prévue le 29 mars. Invité à l'écoute de 9 nouvelles compositions, ROCK MAG prend de l'avance pour vous préparer à ce qui pourrait constituer l'évènement rock français de cette année 2002.

Consacré par la tournée qui a suivi la tournée de Jours Etranges, Damien Saez a d'ores et déjà trusté une place de choix dans la famille du rock français.

Dérangeant ?

Et pourtant, il reste que le personnage ne fait pas l'unanimité. Une frange de la presse spécialisée ne l'a toujours pas véritablement reconnu et continue de lui tourner le dos, alors que certains groupes vont jusqu'à se gausser à la seule évocation de son nom. Une grande gueule qui débarque dans un paysage policé et codé par un langage très longtemps empreint de fausse modestie, forcément ça dérange ! Tout cela confirme un état de fait, les Français n'aiment pas faire trop les vagues. Les rapports amour/haine entretenus par les Courtney Love et les Oasis n'auront jamais leur place ici. Pourtant, il n'a jamais été question de carcher gratuitement sur son public ou de se vanter d'être le meilleur groupe du monde comme le fait Slipknot. Finalement, si l'on se fie à ce que l'on a entendu ce mercredi 19 décembre, on en concluera que Saez reste un artiste instinctif, prêt à tous les contrepieds et plus que jamais décidé à suivre son parcours sans chercher à plaire coûte que coûte.

Une longue conception

Quelques jours après le lancement de Solution sur les ondes FM, nous voilà invités à prendre la température du deuxième album. La réunion a lieu à Suresnes au studio Guillaume Tell où le trio (Damien, Antoine et Franck) peaufine le mixage épaulé par Théo Miller (Placebo). Une poignée de journalistes, un bataillon de représentants de la maison de disques et la présence de Santi pour les derniers titres (président du label et Popstar à mi-temps), le nouveau projet semble déjà susciter une pointe d'excitation. Il faut dire que cela fait longtemps que le chantier a commencé. Il y a un an pile, le concert donné à l'Elysée Monmartre faisait office d'avant-première avec un tiers du set réservé à une interprétation au piano. De ce moment, on retiendra aussi l'apparition des premières compos que l'on s'apprête à re-découvrir aujourd'hui dans leur version quasi-finalisée (Voici la Mort, Light the Way, Solution...) A cette époque, les maquettes étaient déjà entamées et Damien nous annonçait déjà sa volonté d'aller dans cette voie et de livrer du nouveau matériel via Internet. Ce sera chose faite durant l'été, avec Katagena : un morceau en 6 volets survolant aussi bien l'univers de la musique classique, que l'ensemble des sonorités rock actuelles. Un titre qui préfigure l'esprit du deuxième album. Il est près de 18 heures lorsque toute l'assemblée se réunit dans la pièce où trône la console de mixage alors que Damien, Franck et Antoine déambulent et discutent plus en retrait. Une brève présentation est faite par un représentant du label : "L'album s'intitulera Katagena, il sera double et comprendra 23 titres environ."

Présentation révélatrice ?

L'écoute démarre avec Solution où la basse ouvre seule, presque à la manière du National Anthem de Radiohead. La batterie se mêle à une boucle rythmique electro, l'entrée en matière est étourdissante. Voilà le tout premier simple extrait de Katagena, un titre qui entame une véritable entreprise de dépoussiérage des clichés du rock à la française. Une vraie réussite. La découverte se poursuit avec So Gorgeous. Une ballade au son de guitare clair. Un moment de beauté, sensible et nostalgique qui tranche avec la piste suivante intitulée Sexe et dont les paroles parlent d'elles-mêmes : "Lèche, continue, j'aime quand tu fais ça, en totale soumission." Par le côté provoc et dancefloor, le morceau rappelle un peu "Rock'n'Roll Star". Mais cette fois, le groupe va encore plus loin, dans une instrumentation qui doit plus au dernier Madonna qu'à Placebo ! Une tuerie de plus qui gagnera à être consommée dans sa version définitive, une fois les parties de guitare rajoutées. Durant 12 minutes, c'est au tour de Voici La Mort de nous emmener dans une toute autre direction : instrumentation de cordes symphoniques, bribes de rock, sections de cuivre et passage de musique classique. A la fin, Damien fait irruption dans le pièce confinée du studio, ce qui finit par nous sortir de ce long trip musical : "Waah, vous n'êtes pas encore endormis ? Ca va ?" Light The Way arrive. Après un début tout en guitare et basse acoustique, ce sont encore les cordes qui reviennent en deux vagues successives entrecoupées de ponts plus électriques. Encore une ballade, encore ambivalence de climats qui nous scotche sur nos chaises ! Plus folk et linéaire, A Ton Nom prend le relais jusqu'au premier refrain chanté en duo où une voix féminine répond aux vocalises de Damien et c'est le moment qu'il choisit pour refaire une apparition dans le studio. Prenant les commandes de la console, Saez baisse doucement le volume afin d'abréger le titre : y aurait-il une grosse surprise sur ce morceau ? Il faudra attendre pour en avoir le coeur net. Texte en anglais et traitement electro, No Place For Us refait place à un rock plus enlevé. Perfect World poursuit sur un son pop où le refrain s'offre une basse aérée et une fine pluie de guitares. Le piano à l'honneur pour clôturer le titre en même temps que cette écoute, puisque Saint-Pétersbourg sera le dernier extrait à nous être présenté dans une version épurée au maximum et plutôt fidèle à celle déjà entendue lors du dernier concert de l'Elysée Monmartre.

L'attente continue

Dans moins de 3 mois, Saez devrait donc nous offrir un second effort, musicalement plus personnel et moins abordable. Le pari est en tout cas audacieux. Après un aussi gros succès, le groupe aurait bien pu se complaire dans une compilation de titres à la Jeune et Con, mais il n'en sera rien si l'on en croit ce que l'on vient d'écouter... Saez a réussi à imposer ses idées, de celles qui ne sont pas toujours faciles à défendre lorsqu'on est lié à la même maison de disques qui produit les CD's de Popstar et Star Academy. Damien, Franck et Antoine ont déjà relevé ce défi. Il leur faudra maintenant convaincre le public et si c'est le cas cet opus pourrait définitivement bouleverser les certitudes du rock français. Ceux qui n'y croyaient pas en seront pour leur frais. Les premières lignes d'un prochain renouveau pourraient bien s'écrire Katagena.