Furieux qu’Amazon ait dévoilé la tracklist de son prochain album et offert deux de ses morceaux en préécoute, Damien Saez a pété une pile dans un long texte partagé sur son site officiel avant d’en être prestement retiré. Mais c’était sans compter la magie du cache Google et de la capture d’écran.

L’improbable clash du jour oppose Damien Saez à Amazon. S’apercevant que l’entreprise de Jeff Bezos a dévoilé le tracklisting de son prochain album, Le manifeste l’oiseau liberté & prélude acte II, dont la sortie était calée au 9 décembre, Damien Saez a piqué une crise. Un pétage de plombs qui s’est manifesté non par un coup de fil à son manager/son distributeur/ Amazon, mais par une lettre dont la taille XXL reflète l’étendue de son malaise, directement publiée sur son site officiel. Certainement sans relecture préalable.

Or, loin d’avoir piraté ou conspiré contre Damien Saez, Amazon s’est contenté de lui réserver le même traitement qu’aux autres artistes. A savoir dévoiler la tracklist de l’album sur la page de pré-commande, et, ici, offrir en pré-écoute une partie de deux singles.

Saez est un “albatros violé”

C’en est trop pour l’auteur de Jeune et con, bien résolu à dire ce qu’il a à dire sur les méthodes d’Amazon, qui reflètent selon lui la vraie nature de cette “vieille salope de société moisie” :

“Ah ça c’est sûr… y’a du ministre aux commémorations… mais que restera-t-il dans quarante ans, vieille salope de société moisie ? ton discours et tes tweets? ou les enfants paradis ? pauvre tâche. et toi tu pisses sur ces mots? tu les voles puis tu les coupes où tu veux ? sur ces mots de mémoire pour mon pays ? mais que ce triste pays meurt demain. incapable à sa propre culture”

L’intégralité de la lettre est faite du même gloubi-boulga obscur, a priori dirigé à l’encontre de l’acculturation d’une société sous l’emprise du capitalisme, dont il est lui, Saez, la victime. Et de convoquer le fameux poème dans lequel Baudelaire comparait la figure génie-ale du Poète à celle de l’albatros, tous deux étant fait pour voler très haut dans les cieux (on vous le résume) :

“L’albatros violé, c’est pas la première fois, mais comment dire, la goutte d’eau… ma vie pour vous ne peut plus être violée comme ça, je vous l’avais un peu écrit en août et nous y voilà, ça n’a pas raté, encore une fois… la dernière. alors l’albatros va repartir voler… l’aile juste un peu plus blessée, ses ailes de géant l’empêchent de marcher…”

Saez, pauvre génie dont les ailes blessées l’empêchent désormais de se déplacer, demande à “tous ceux qui ont commandé leurs disques sur amazon de se les faire rembourser sonnante.” Et de boycotter “ces gens-là” qui “crachent à la figure de la propriété intellectuelle“.

“divulguer le diamant des autres comme on étend un slip”

Pour finir, le chanteur assure qu’il annule la sortie de son album ainsi que sa tournée, et fait passer un message contestataire à ses fans de la première heure :

“que celui qui m’a écouté un jour et m’a compris au fil des non concessions depuis bientôt 20 ans, celui là : que plus jamais de son être il ne donne un centime de son labeur à ces enculés, ou qu’il brûle mes disques, s’il leur donne encore un centime, même pour en faire l’appoint pour un rouleau de PQ, qu’il sache qu’il participe à la fange qui fait exactement où en est notre pays, je vais m’arrêter là et en faire des chansons pour mes manifestants, ça sera mieux. je pleure. pauvre culture de merde, toi qui appuies sur ton p’tit bouton dans ta boite de merde pour divulguer le diamant des autres comme on étend un slip, pourriture, si je te croise ou ceux de mon quartier… pauvre petite merde à vomir, pauvre inutile va.”

Entre temps, un manager a du avaler son café de travers, et la lettre a été prestement retirée du site. Mais est toujours lisible ici, ou là (encore un coup de cette vieille salope de société moisie).

Carole Boinet

Source : www.lesinrocks.com