On ne l’a pas vu venir. Et pourtant, on aurait dû s’en douter : Saez, l’éternel enragé qui ne fait rien à moitié, sort un disque… tout entier consacré aux attentats de l’an passé, et au séisme qu’ils ont provoqué. C’est d’ailleurs plus qu’un disque : un manifeste. [i]L’oiseau liberté[/i], ou l’effroi et la résistance, déclinés en dix chansons qui n’en font qu’une. Il y avoue sa peine mais, surtout, secoue le cocotier d’un pays tétanisé. Et, à ses yeux, acculturé. Il en appelle aux grands d’hier, chantres de l’intelligence, de l’indépendance et du verbe. De Voltaire à Hugo. De Brel à Barbara. Joue la fraternité contre l’obscurantisme. Dénonce les guerres pétrolières qui ne disent pas leur nom. Tance l’ignorance de la reine consommation, Facebook et Twitter qui dévitalisent les cerveaux. Incarnation du chanteur engagé comme on en fait plus, Saez est un obsessionnel, capable de répéter les mêmes phrases, de texte en texte, comme pour mieux nous faire passer le message. « Vous m’entendez ? Ouvrez des livres, secouez-vous, aimez, résistez ! » semble-t-il hurler d’un bout à l’autre de son album. Bien sûr, il n’est pas le premier à chanter l’horreur et le sursaut post-attentats. Renaud, Johnny, Louise Attaque, même Louane l’ont déjà fait. Jeanne Cherhal, surtout, qui sans se cacher derrière l’émotion a osé un « doigt d’honneur à l’infini ». Bravo. Au pays de Ferré et de Béranger, on n’en attendait pas moins. Mais à vrai dire… on pensait aussi qu’ils seraient plus nombreux. Jusqu’à ce que Saez déboule et comble le manque à lui seul, criant comme d’habitude plus fort que les autres. On pourra toujours moquer son chant très rive gauche, et ses incantations qui prêtent le flanc à la caricature ; le geste est fort et la fougue est là. Sans artifice ni apparat. Cette semaine, il chantera sa révolte sur scène. Où ça ? Au Bataclan.

Valérie Lehoux

Source : www.saezlive.net