Ses dernières créations le révèlent un peu plus en possession de son art, différent dans la continuité d'une révolte viscérale.

Cet album marque un retour vers plus d'électricité !

Electricité qui à part deux ou trois titres a une couleur de velours. Je le trouve tout à la fois rock et assez feutré finalement.

La structure de beaucoup de morceaux est bâtie sur une montée en puissance.

Des gens considèrent un album comme vraiment un tout. Pour moi, chaque chanson est un voyage. Pour certaines, j'ai voulu rester sobre, je pense par exemple à « J'hallucine ». Sur d'autres, j'ai toujours ce sentiment qu'il faut que ça explose à un moment.

L'écriture, également, est différente, plus poétique !

J'ai moins fait confiance au brut. Quatre mois durant, je me suis consacré uniquement aux textes. Je suis revenu à ce que je ne faisais plus depuis longtemps : prendre des personnages réels et les mettre dans de véritables histoires que je brouille entre elles. Je pense à « En travers des néons » qui évoquent des individus tout en laissant penser qu'il peut s'agir de la même personne. Une évocation plus surréaliste peut-être.

La réalité

On trouve parmi les thèmes récurants d'un disque à l'autre, la marge, un monde à côté dus.

La réalité malheureusement. Je m'extrais un peu du débat mais ça doit vraiment devenir très dur pour les gens qui ont perdu leur travail ou sont enfermés dans un système professionnel de moins en moins humain. On est extrêmement libre quand on fait un métier comme le mien même si faire des disques est devenu un peu plus dur qu'avant.

Côté images des termes reviennent comme plaies, poignards, ravins, précipices... les aspérités de la vie.

Faut-il continuer ? s'arrêter ? prendre le temps de réfléchir ? faire confiance à nos instincts ? Autant de questionnement me concernant moi aussi. Quand je chante une phrase toute bête, « il faudra choisir un camp », tout est dit.

Je pensais que tu l'avais déjà fait !

Des circonstances matérielles, physiques, la vie même te font comprendre quels sacrifices demande ce métier. Je ne me flagelle pas... On perd des gens parce qu'on est extrêmement égocentrique. Moi, je ne suis que ça. Quand j'ai du temps libre, je me remets à écrire des chansons, ça ne va pas vers la cohésion sociale.

Les yeux d'un gamin

«Les voiles et les croix »

Je focalise là-dessus depuis mon premier album. Je le dis un peu différemment dans celui-là. L'impression d'une tarte à la crème qu'on n'arrête pas de sortir avec cette sensation que les gens plongent dedans malgré tout. La séparation de l'état et de l'église ne date pas d'hier dans nos pays. Je trouve qu'il s'agissait plutôt d'une bonne chose et entendre que le monde est dirigé par des gens qui jurent sur des bibles et d'autres... peu importe la religion mais elle devient le porte-drapeau. Je sais qu'entre nations c'est de pouvoir dont il est question mais elle sert à embrigader.

Et ta mystique personnelle ?

Les gens, les rencontres... L'homme vivant et même mort mais qui a existé. J'ai fait un bon retour à l'humain, je trouve. L'une des raisons de l'évolution de mon écriture. Maintenant, on trouve des prénoms dans mes textes.

Sur le premier album une chanson assurait que l'espoir passait dans les yeux des enfants. Celui-là semble le placer dans un amour élargi.

Les gens, la chair, le désir, les choses animales en fait. C'est à dire zapper la société qui ne mène pas forcément à grand chose, en tout cas aujourd'hui, pour revenir à ce qui compte : les yeux d'une fille, d'un gamin. Dernièrement, j'ai passé Halloween avec mes petits frères. On peut critiquer, dire « c'est une fête américaine »... Je suis allé dans les rues avec eux, ils portaient leurs masques comme des tas d'autres mômes et constituaient la seule vie des rues. Voilà l'existence !

Pour la première fois, on trouve dans un de tes albums, le texte d'un autre.

Pierre Cholbi ! J'ai aimé ses mots. Ils correspondent à mon univers avec cette expression en plus, « Il doit y avoir autre chose ». Le sentiment double d'un manque et la certitude qu'il doit exister d'autres voies que la magie des rencontres et la peur de mourir.

Jean-Paul GERMONVILLE