Sous le signe de l’art, une soirée qu’on n’est pas prêt d’oublier

Mon faux départ.

Saez Amnéville- Concert- 17 Mars 2017

La semaine dernière, je ne pensais même pas écrire un article sur cette soirée. D’ailleurs, je ne pensais même pas y être.

Après des soucis de communication entre la Prod et la Maison de Disque, ma première demande d’accréditation avait été perdue…

Je vous avoue: j’étais plutôt furax.

Et puis, Amnéville. Pourquoi pas… J’ai demandé mon accréditation quitte à faire un peu de route… Et bingo!

J’étais très curieuse, d’autant que j’avais déjà vu Saez sur scène sur plusieurs tournées depuis 10 ans et -c’est dire si cela m’avait marqué- je n’arrivais pas à me souvenir si en 2013 il avait tout un orchestre avec lui…

–> Par respect pour l’artiste, je ne diffuserai pas de vidéos, ni de setlist, ni de citations ou vidéos des deux films, ni de ce qui est écrit durant l’entracte.

Tout cela est, à mon sens, holistique, fait partie d’un tout que l’on ne peut saisir que lorsqu’on y est directement confronté.

A chacun d’aller voir le concert et de découvrir tout cela.

C’est un tout et ça ne peut fonctionner, percuter, prendre vraiment toute sa dimension qu’en tant que tout.

Des absences

En arrivant, je ne m’attendais à rien. J’aime bien m’attendre à rien. Je ne suis jamais déçue. Et puis, la lumière s’éteint. La salle est bondée. Le public hurle et n’en peut plus: il attend l’artiste.

C’est très étrange vu de l’extérieur sur le coup. Je n’ai jamais vraiment compris les groupies. Ceux qui idolâtrent un semblable. Pourtant j’adore le travail de certains artistes, mais à la manière de Brel, ce que je vois surtout, c’est l’être humain, le travail, l’acharnement, la discipline, la sueur. Et puis, la salle vibre.

Émotionnellement, on sent qu’il va se passer quelque chose.

Le public se retrouve nez à nez avec un écran géant sur lequel on projette un film que l’artiste accompagne au piano. Seul. Le film est interpelant. Du noir et blanc, un style vieilli. Une femme (Ana Moreau)). Un canapé. Des questionnements. Des paroles. Majoritairement elle joue bien, elle est à la fois puissante et tragique. Belle et fracassée. Cohérente et complètement à coté de la plaque.

Dans une dualité permanente. C’est beau, c’est bouleversant, c’est transperçant.

Après le film, une fine lumière éclaire l’artiste qui entame seul ses premières chansons.

Cette tournée, ce concert, ce n’est pas « seulement » un artiste qui chante, c’est une articulation de matériaux artistiques.

Toujours dans le même but. Pour faire passer des messages. Des paradoxes. Des désillusions. Des espoirs. De la vie de merde.

C’est percutant.

Saez transpire tellement la création que l’art musical à lui seul ne pouvait, semble-t-il, plus éteindre ses besoins incandescents..?

Et c’est pour notre plus grand plaisir.

Enfin, les musiciens entrent en scène.

Un groupe riche et complémentaire qui part dans tous les sens et tous les styles.

Du Punk rock à de la Folk en passant par du blues… La batterie est terriblement majestueuse et on croirait parfois entendre des sonorités de Free Party tellement elle tient le cap…!

L’accordéon vient ponctuer de mélancolie et d’airs de bal musette des morceaux électriques, l’harmonica renchérit….

Putain que ça fait du bien! Ca déménage, ça envoie du lourd. C’est planant!

Alice Botté, sensationnel gaucher*, offre une prestation absolument démentielle: sa guitare, pas toujours présente, sait prendre sa place, exploser ou se montrer discrète. C’en est jouissif.

Une chose est sûre: on s’en souviendra!

Et les sens sont ravis.

La qualité musicale et visuelle de la prestation artistique font frémir. Saez a mis le paquet.

Visuellement, c’est absolument esthétique. Cela déborde. L’art est partout. Il n’y pas de vide. Jamais. Même pendant l’entracte, il faut que cela déborde, il faut que cela transmette.

L’écran redescend et projette des textes. Pas de vide. Remplir le vide. Combler le vide. Par manque de temps? Pour lutter contre le vide abyssal de notre Société qui sonne toujours creux? Et puis, à nouveau, un film, même style, même actrice. Et pourtant. Beaucoup plus fort que le premier: des mots tranchants, durs. L’amour, la vie, le sexe. Le reflet de cette décadence. D’une puissance bouleversante: les larmes coulent même.

Quelque chose en moi est touché.

Cette femme est à elle seule un paradoxe. D’une étrange lucidité et d’un étrange fatalisme. Son visage, filmé de près, laisse transparaître cette dichotomie. Belle et immonde.

Ca laisse perplexe. C’est un coup de poing dans la gueule.

Et puis, le concert reprend.

Après déjà 2h de show. Comme si ce n’était pas assez, comme si on manquait de temps pour tout dire. Ca déborde. Et j’aime ça.

Saez ne fait pas que chanter ses chansons. Parfois, souvent même, il récupère un papier et il parle, il vomit ces mots qui l’envahissent et on perçoit derrière sa voix qui se brise, toute l’urgence de sa démarche.

Des spots projettent des formes ondulantes sur le plafond de la salle par moments, ce qui souligne la mélancolie de certains morceaux. Des spots ronds, virent au rouge et subliment les textes politiques. Vraiment tout y est. C’est fin, c’est subtil, c’est travaillé.

Les morceaux se construisent: le début est plutôt calme et la voix s’accompagne d’un instrument et petit à petit viennent se greffer les autres sonorités jusqu’à exploser.

Et le public dans tout ça?

Ce qui m’a peut-être aussi beaucoup émue lors de ce concert à Amnéville, c’est l’entente entre l’artiste et le public.

Quand on parle de Saez en live, on entend souvent des critiques. D’ailleurs j’ai ENCORE entendu parlé vendredi soir de l’anecdote de Nancy.

Vendredi soir, on était bien loin de Nancy, bien loin du Saez dépeint comme un artiste qui vient, preste et se barre sans le moindre regard, sans le moindre mot, sans la moindre considération pour son public. Et bien là, je ne m’y attendais pas du tout et il s’est passé quelque chose d’impalpable, une émotion omniprésente, des échanges même pendant les chansons ! Ce qui était puissant et qu’on retrouve rarement dans une salle de concert, c’est cette fusion. Une salle de concert est souvent faite de petits groupes de gens qui n’interagissent pas entre eux et n’ont pas de connexion. Alors que là, vraiment, j’ai ressenti quelque chose d’absolument pur et indescriptible.

L’amour était tellement présent entre les deux entités que formaient le groupe et le public que ça m’a follement touchée et remplie d’émotions. L’artiste a même lâché:

« Putain, on reviendra ici! Ca me fait vraiment trop plaisir!! »

Il a fait des pauses pour discuter avec le public parfois même au milieu de morceaux, ce qui a donné une ambiance assez surréaliste.

Règlements de compte.

On connait l’artiste et nombres de ses coups de gueule. Pendant le concert, chacun en a pris pour son grade.

En levant son verre à ces Terroristes, il a bu à la santé de Macron, à la fois interloqué et désabusé qu’on puisse penser mettre la Banque Rothschild au Gouvernement.

« Ne riez pas. Ca peut arriver »

Il a taillé en pièces Macron plus d’une fois, entre un ton amusé, un brin angoissé ou révolté. Il a démonté l’image dorée que les médias font de ce millionnaire ex-banquier qui vient expliquer à des enfants triés sur le volet la différence entre la gauche et la droite.

Puis Fillon aussi en a pris pour son grade: tous des terroristes !

A droite la valeur c’est la Liberté. La Liberté de l’argent oui !!

Saez n’en finit pas de régler ses comptes entre les politiciens et puis les journalistes qui l’ont personnellement attaqué. Disant de lui, avec mépris, qu’il boit et fume pendant ses concerts, qu’il ne tient pas la route.

« Et oui, toujours debout, toujours rebelle » s’est-t-il empressé de leur répondre.

Enfin, après plus de 4h de concert, les lumières s’éteignent.

Et c’est là, réellement, que j’ai saisi le lien, la connexion entre ce public et cet artiste.

Saez n’a pas présenté ses musicos, ce que font beaucoup d’artistes quand ça sent la fin du concert…

Et pourtant, le public a saisi, fait un premier rappel, puis un deuxième.

Et enfin, peut-être 20 ou 30 minutes après la première fois que les lumières s’étaient éteintes, Saez et ses musiciens ont terminé le concert non pas par une chanson. Mais par, pour chacun d’entre eux, des solos entremêlés.

C’était une dinguerie pour les amateurs de musique. Indescriptible, d’une richesse musicale, d’une puissance humaine et émotionnelle. Et ça a duré… C’était un moment suspendu, comme beaucoup d’autres dans ce concert, et qui a touché la grâce.

Après cela, le public n’a plus fait de rappel: c’était tellement fort, tellement puissant, comment pouvaient-ils en demander encore..?

Source : holystyx.com