Quatre ans se sont écoulés depuis le dernier passage de Saez à Lille. La soirée était manifestement attendue, si l’on en juge la file des spectateurs du Zénith. Damien Saez tel un tribun !

Nombreux sont ceux qui patientent en dehors du Zénith, qui accueille Damien Saez une nouvelle fois, à l’instar d’un homme politique. C’est ce qui est extraordinaire dans la carrière de ce chanteur : presque boudé des médias, et qui lâche ponctuellement des triples albums composés de longs titres indiffusables sur les radios. Mais qui parvient malgré tout encore à drainer des milliers de personnes à chacune de ses tribunes. Dans la file, on se demande à quoi il faut s’attendre. En 2013, il avait tenu le micro pendant plus de trois heures.

Les premiers éléments de réponse sont fournis dès l’entame du concert : un écran géant s’abaisse sur lequel est projetée une vidéo. Au piano, Damien joue la bande-son de ce court film. L’usage de cet écran sera régulier durant la prestation. Que ce soit pour diffuser un autre court métrage (un monologue d’une comédienne de plus de dix minutes) ou pour afficher divers aphorismes. Tout ceci s’intègre très bien dans l’univers de Saez. Pour peu qu’on y adhère.

Pour peu qu’on y adhère

Car un concert de Damien Saez est toujours un peu particulier. Il s’agit d’un véritable meeting qui durera ce soir 4 heures (!). Ce n’est sans doute pas pour plaire à tous, et surtout pas à quelques municipalités qui ont eu l’audace de vouloir lui imposer un couvre-feu à minuit. Rien de tout cela à Lille ce vendredi soir. Le public ravi restera jusqu’à la fin profiter au maximum des mots de cet artiste rare. Qui sait marier la poésie, l’engagement et un rock des plus intéressants, le tout dans une sensation d’urgence plutôt bienvenue.

Le concert se découpe en plusieurs parties. La première partie sera plutôt acoustique, calme, avec de nombreuses références aux attentats de 2015 (Les enfants paradis relatif au Bataclan, ou encore Mon terroriste). Il en profite aussi pour déclamer un extrait des Misérables en introduction de L’oiseau liberté, chanson-titre de son dernier Manifeste. Musicalement on notera l’usage d’un accordéon bien mis en exergue.

Pour une utopie

Le rideau tombe ensuite pour un entracte. Avant la vidéo mentionnée plus haut, des textes à connotations politiques défilent dans un Zénith plongé dans le noir.

Quand il revient, c’est avec des velléités beaucoup plus rock. On replonge quelques années en arrière avec les albums Messine (Ma petite couturière, toujours aussi intense sur scène, et Into The Wild). Et surtout J’accuse (avec la chanson éponyme, Pilule ou encore Cigarette, qui a l’air de lui tenir à cœur puisqu’il s’allume clope sur clope pendant tout le spectacle). Des morceaux forts. Et qui montrent, comment il y a quelques années, la colère de Damien Saez se manifestait aussi par la musique pour accompagner ses textes déjà engagés.

Pour les fils de France

Plusieurs chansons se transforment en tribune politique, comme Marianne, précédée de la lecture d’un texte sur la politique actuelle. Et surtout Peuple manifestant, dont l’interprétation est interrompue trois fois pour que Saez expose son point de vue sur l’actualité. Laquelle le rattrape d’ailleurs lorsqu’il exhume Fils de France, composé en 2002 lors de l’élection présidentielle de l’époque. Et qui confirme encore sa pertinence aujourd’hui (ironiquement Marine Le Pen devait tenir un discours dans le même lieu 48 heures après). Oui, car après une carrière aussi longue (ses débuts datent de 1999), peu de chansons jouées sur cette tournée ont plus de quatre ans.

Pour conclure cette partie du concert, il choisit de chanter l’étonnant Rue d’la soif. Surprenante composition inspirée des chansons à boire (et surtout du célèbre quartier de Rennes), avec des accents celtiques.

Pour faire campagne

Enfin, il y aura deux rappels, tous les deux majoritairement acoustiques. Et avec des thèmes personnels comme des souvenirs d’enfance (Châtillon-sur-Seine), en guise de plaidoyers. Ou même ses sentiments plus intimes (Marguerite). Il est près d’une heure du matin quand le concert s’achève. Celui-ci m’a paru mieux structuré que celui d’il y a quatre ans. L’apport de la vidéo surtout offre un vrai plus. Ce concert est aussi la chance de constater la vitalité créatrice de Damien Saez. Digne des politiciens les plus inspirés du moment.

Nicolas FOURNIER

Source : cacestculte.com