Lulu c'est le triple album de Saez qui vient de sortir et finalement la meilleure des synthèses c'est cette critique de Télérama, une critique dégueulasse, assassine, facile, mais malheureusement pas si loin de la vérité. Saez s'est lancé dans un concept de crowdfunding qui englobe, albums, tournée de concert, un packaging en quelque sorte mais vraiment en quelque sorte. En fin de l'année 2016, il sort la première partie et si certaines chansons sont vraiment de pures merveilles, il y a une gêne, la répétition, à la limite de l'obsession. L'album est écrit en réponse aux attentats et on tourne sur cinq chansons avec pas loin du même texte, la même idée, les mêmes mélodies d'ailleurs dont certaines qui font penser à de précédents albums. C'est discutable. Comprenez que si vous lisez du Michel Houellebecq, sans dire que vous lisez le même bouquin à chaque fois, vous avez quand même le style d'un gars très imprégné dans ses obsessions. Je pourrai d'ailleurs pousser la comparaison avec moi-même, il m'arrive de faire des billets qui sont similaires, comme si j'avais besoin de récrire quelque chose de façon régulière pour être sûr de l'avoir bien dit. Et puis il ne faut pas se mentir, je pense qu'on finit tous à tourner en rond à raconter plus ou moins les mêmes conneries, le renouvellement passe ailleurs, par de nouvelles passions, de nouvelles expériences.

On arrive donc avec ce Lulu, qui se veut un triple album et le "malaise" est bien présent, avec un nouveau qui s'installe, la sensation de puiser dans mistral gagnant de Renaud en boucle, pas que Renaud d'ailleurs, du Brel à tous les étages. Je trouve qu'à cette sensation de déjà vu se rajoute une vulgarité exagérée quand l'auteur est capable de faire des textes magnifiques, et enfin un manque de rock, je suis un grand fan de pilules ou de cigarettes.

Vous ne me verrez pas écrire Saez c'était mieux avant. Saez c'est pour moi un véritable artiste, le gars qui calcule pas, et si à un moment il fait six fois la même chanson, s'il fait des textes outranciers, je ne peux que regarder et respecter, même si on sent que l'artiste n'a pas l'air d'aller bien, ça s'accompagne sûrement du côté autodestructeur des "vrais", les gars écorchés, Mano Solo en faisait partie. Cette lassitude, cette fatigue, ce malaise, enfin ce qu'on voudra, j'ai l'impression de le voir palpable sur scène. De plus en plus gros, de plus en plus statique, même s'il n'a jamais été très expansif, une sensation d'ennui.

J'écrivais dans le billet sur le micro d'argent que nous sommes désormais dans une période où l'on n'attend plus rien. Même si je ne suis pas emballé par ce dernier album, comme je n'étais pas emballé par Messina, mais pas déçu, ce serait comme être déçu par un animal, l'animal fait ce qu'il a à faire par instinct, je continue d'attendre le prochain Saez car Saez c'est le gars qui peut faire n'importe quoi, il n'a pas de plan de carrière, il n'a pas de calcul pour faire plaisir, il fait son job, être lui-même et je pense que ça doit pas être facile tous les jours.

Et puis quand tu entends ça, le Damien tout seul avec sa guitare, ou même à capella face à un public silencieux qui n'ose même pas chanter en coeur, face à un texte tellement magnifique que tu n'aurais jamais imaginer l'écrire, tu sais même pas comment finir ton billet, presque honteux.

Cyrille BORNE

Source : www.cyrille-borne.com