Concert Entre Brel et Noir Désir, un écorché permanent et luxuriant en concert demain soir à Talence

Des chansons vous tombent des oreilles, d’autres vous sont inoubliables. Les boursouflures de certains textes et l’emphase du chant vous hérissent sur un titre, avant de vous terrasser de manière quasiment unique sur un autre. Ainsi suscite Damien Saez : malaise gêné et adhésion fiévreuse. Le gars a le mérite de la constance. Dès son « Jeune et con », titre phare de son premier album « Jours étranges » sorti en 1999, l’auteur-compositeur pose les jalons d’une posture dont il ne déviera que très peu. Celle d’un rebelle romantique à la société médiatique, au capitalisme sauvage broyeur de culture et des populations. Et déjà cette écriture à fleur de peau, dans le sillage des plus grands blessés… à double tranchant, l’expressionnisme se heurtant parfois à la redondance, la prétention. Saez n’en a que faire et explore au fil des années les formes et formats d’une industrie musicale en déliquescence frileuse. Il quitte le giron des majors (Universal) pour proposer des titres ou disques en téléchargement libre, bouscule les codes de la chanson classique en proposant des pièces instrumentales hors-normes, cherche du côté de la techno ou de l’electro, des pistes musicales qui ne désarçonnent que peu un public nombreux et fidèle, en marge des circuits de diffusion étriqués. En 2012, avec « Messina », triple album enlevé et inspiré, Saez assoit un parcours protéiforme et un statut résolument à part. L’artiste ne parle plus ou très peu, livre chansons et concerts à la bouillante communion.

Le manifeste

Depuis l’an dernier et dans la foulée des attentats, Saez a entrepris de jalonner les mois de productions diverses, de la poésie à la chanson : « Le manifeste ». Constat noir charbon sur l’époque actuelle et réveil des consciences semblent en être les objectifs. A la toute fin 2016, ce sont 7 titres, tous inspirés par le 13 novembre parisien : sur le fil de l’indignation, Saez y fait merveille, l’impudeur du discours emportant émotion et admiration sur le fil d’une révolte sincère, écorchée et confondante. Il part ensuite en tournée, un nouveau triple album (« Lulu ») en bandoulière, passant d’un premier opus tendu (« Mon Européenne ») à un second plus sentimental (« Lulu ») pour finir sur un autre, plus apaisé « En bords de Seine ». Et comme à l’accoutumée dans ces (trop) longues chevauchées, une alternance de fulgurances et d’excès tutoyant le ridicule. A tester sur scène.

Yannick Delneste