Hey Saez ! Tu y crois toi aux fantômes ?

En tout cas, nous, de te revoir, on y croyait plus…Après trois années d’absence, l’oiseau noir à « l’âme fêlée » (référence à Baudelaire oblige) revient avec un triple album « Lulu » qui vient rajouter une pierre à l’édifice du Manifeste : L’Oiseau Liberté, Acte 1, sorti en décembre.

L’œuvre est ambitieuse. Le ton, contestataire. Quant à ceux qui seraient tentés de l’amalgamer à un vaste meeting culturel, n’ont rien compris. La tournée du Manifeste est une production transgenre, subtile, au format live inhabituel fusionnant les arts : avec pour fil d’Ariane ce côté politiquement-incorrect, dans lequel il excelle. Saez, a la haine du politique et l’ADN poétique, et au final se sert brillamment de l’un, pour dézinguer l’autre.

Il est 21h, Vendredi au Zénith de Montpellier. Il y a d’abord, ce film, « Pierrot dans l’espace », rempli de poésie, puis celui de l’actrice, Ana Moreau, qui se raconte, face à sa web Cam et rentre peu-à-peu dans notre intimité. C’est l’incipit. Puis Saez, apparaît et accompagne le monologue de l’actrice au piano, dans une ambiance un peu mystique. La Tournée du Manifeste peut commencer. Il jouera ensuite, seul à la guitare, deux titres phares, de l’album « Manifeste, l’oiseau Liberté », en hommage à ceux tombés au Bataclan. Moment de recueillement. Perturbant. Puis les titres, plus rock, se succéderont, anciens morceaux, survivants, parmi les nouveaux titres, toujours aussi incisifs.

La formule ne rentre pas dans les cases, encore moins dans les urnes et c’est le but. Comme au théâtre, le live est entrecoupé d’entractes, pendant lesquelles, un autre film sera diffusé dans lequel l’actrice, Ana Moreau y joue, cette fois, le rôle d’une prostituée. Et puis, ce sont de longs textes qui sont projetés. Saez teste une nouvelle formule, atypique, et tente d’amener son public, loin des sentiers battus de la puanteur de la Société de consommation dans laquelle, nous sommes tous des moutons.

Ce plaidoyer, anti-système, ne tombe pas dans un prosélytisme arrogant (écueil, d’ailleurs que le chanteur a intelligemment évité). A aucun moment, Saez ne nous enfument. Il jette l’opprobre sur tout un système, Capitaliste, dont il dénonce les dérives, les abus et accuse, entre autres, les politiques, les médias (peut-être pour ça, d’ailleurs qu’on n’a pas eu notre interview bref…), les gros du Cac 40, ces « marionnettistes qui font tourner la tête du système » et puis, nous aussi quand même, pour le cautionner, un peu, beaucoup. Il invective à coup de « Tu » et de « Vous », qui interpellent et embrouille au final, pas mal nos têtes. La chaine des responsabilités est longue. Durant de longues diatribes, il n’épargnera pas non plus, les réseaux sociaux, « qui violent nos enfants », dans sa longue lettre a-politique scandée haut et fort dans la langue de Voltaire.

Vendredi soir, Saez s’était entouré de musiciens tous chevronnés, jouant sévère, ceux qui y étaient l’auront constaté. Pour les autres, les absents, qui digéraient certainement encore, leur repas de la veille à l’inauguration d’Uniqlo, tant pis pour eux, s’ils ont préféré tremper leur plume dans l’encre du « Made in Japan », « comme on chérie sa mère on chérie sa patrie ».

Vendredi soir, la générosité du chanteur avait l’allure d’une magnifique et insolente désobéissance civile.

niki

Source : www.idem-mag.com