Ce texte, comme pour la tournée de Damien Saez que j’ai suivi en 2 dates cette année, a été écrit le soir même ou le lendemain en 2012. Je le partage ici pour créer un beau carnet souvenir.

Rien ne se vit plus entièrement qu’un concert. On y arrive rempli d’espoir, d’attente avec l’envie fulgurante de vibrer contre le cœur d’un artiste. Tant pis pour le froid, l’hiver et nos têtes perdues dans les pensées de la vie et de son quotidien. Tant pis pour les rêves déchus, pour les actes manqués, pour les envies évanouies, pour le silence si souvent côtoyé. On s’offre le luxe d’une soirée, d’une heure ou deux, le luxe de s’éprendre d’une émotion, d’un frissonnement et d’un battement. Prendre sa place au milieu de la foule, et la laisser nous emporter comme la marée caresse le sable des plages dans la soirée. Et tendre le fil, celui qui part du cœur, celui qu’on décroche des autres, et qu’on tend vers le haut, entre nos mains pour dire qu’on est ici aussi. Qu’on est la voix qui se tait, la voix qu’on laisse mourir pour la sienne. Et laisser glisser les lumières de la scène sur nos visages, se refléter dans nos yeux et resurgir au cœur d’une semi-obscurité où nous ne sommes plus vraiment quelqu’un, où on devient personne. C’est se sentir seul dans les ondes de la musique, de la voix, c’est Être au milieu d’autres. Ce petit luxe de vivre en une étincelle, les joies de comprendre le message, d’avoir la foi pour combattre, pour prendre la place des révolutionnaires dans les livres. Et jamais plus laisser mourir la rage qu’on partage tous secrètement, l’enflammer pour qu’elle se consume malgré la pluie, le vent et les tempêtes, malgré les déceptions et les espérances perdues. Dans la chaleur de la salle, attendre que la scène s’éclaire, pour le retour du génie, dont on a si souvent frotté la lampe pour qu’il resurgisse. Et puis, un silence pesant, celui des gens voyant sortir du car un être aimé, un être perdu de vue. La bouche qui laisse à peine passer un souffle. Coupé. Et puis l’incontrôlable envie de hurler sans fin, le retour du héros … le retour du héros, enfin. Revenir à la dernière note du concert, celui d’il y a deux ans, celui d’il y a si longtemps. La sortie de scène, et les murmures de toutes ces âmes déjà plongées dans le souvenir. L’étincelle venait de s’éteindre, et le ciel métallisé de la Halle reprenait son souffle et son calme habituel. Dans cette lointaine cathédrale de verre et d’acier, le monde qu’on voulait éternel, avait fini par se fermer comme un rêve se finit après l’entrée du soleil à travers le carreau. Et puis cette soirée qui arrive enfin, comme si deux années d’une vie n’avaient été qu’une brève parenthèse. Un simple battement de cil entre deux mélodies. Voilà qu’un lieu si loin de chez soi, loin du quotidien des villes, devient en une seconde un rêve familier. Il ne reste plus qu’à recaler nos voix sur la sienne, et suivre les ondulations de ses mains sur le bois sec de sa guitare. Suivre la musique, en synchronisant nos battements de cœur sur le rythme des chansons, et le bruit frénétique de nos mains. A cet infime instant prendre conscience du grand retour, du plaisir de retrouver ce vieil ami partit sur les chemins à l’aventure. Au gré des chants, impossible de laisser couler les larmes, c’est tout le corps qui s’éprend de Saint Petersburg, qui revit le bonheur des bals des lycées, comme si aucune émotion était à la hauteur des paroles qui s’incrustent dans la peau, et s’écoulent dans nos veines. Comme si le revenant avait encore frappé dans le mille, faire frissonner le matériel par l’immatériel, accomplir l’exploit une fois de plus de faire des mots une émotion. Moi je n’irais jamais à Châtillon, si ce n’est grâce à une chanson qui raconte ton histoire, qui raconte celle de ceux dont on ignore le regard. Et puis, vient l’instant de l’explosion, des braises qu’on ravive, des rugissements du semeur de liberté. Et l’envie de bouger, de laisser faire le corps plutôt que l’esprit, danser pour mieux laisser la chanson prendre le contrôle de ceux que nous sommes. On est emporté, et même si les minutes sont des heures, elles passent aussi vite qu’une étoile filante, mais avec la même intensité. Un plaisir éphémère, rare mais qu’on savoure sans cesse, et avec l’envie folle qu’il soit encore là. Un moment si puissant, qu’il parait déjà loin lorsqu’il se termine juste, comme s’il n’était finalement pas réel et rester au rang de rêve impossible. Et puis suivre les pas lents mais bouillonnants de notre foule vers la sortie, à contre cœur mais enrichit. Ton poing levé. Ta cigarette. Ton whisky. Déjà ancrés dans mes souvenirs. Croire pendant quelques minutes, une bière en main, que tu seras là au comptoir, et qu’on pourra te voir même de dos, même de loin. Puis repartir sous le même ciel étoilé que la dernière fois, avec les mêmes émotions de paix et d’espoir retrouvé. Allez Damien, r’sert tes refrains.

Julie G.

Source : vingtquatreheureune.wordpress.com