3 Titres après la levée de l’écran géant. Nous sommes quasi dans le noir pendant les photos et Damien Saez est très peu mobile, caché derrière son micro. Vraiment pas simple !


J’ai découvert Damien Saez à l’aube des années 2000. C’était pour le double album God Blesse. Un mélange de romantisme, de Poésie, de Rock et de Pop qui en fait un très bel album, dans lequel le titre Saint-Petersbourg est pour moi la perfection.

Je n’avais ensuite jamais eu l’occasion de rencontrer le poète rockeur sur scène et j’attendais patiemment le jour où il serait de passage dans le Sud. L’occasion n’aurait pu jamais se produire, puisqu’il y a quelques mois, avant Noël de mémoire, la mise en vente en ligne de Manifeste sur les plateformes internet avait mis Damien dans une rage folle et il avait alors décidé d’annuler tournée et album. Je connaissais un peu le personnage, mais voilà tout le côté engagé et sans concession d’un artiste qui trace sa route comme bon l’entend. Bon, il est fort heureusement revenu sur cette décision et ce soir à Marseille, c’est un Dôme au 2/3 plein qui l’accueille comme il se doit.

Dès son entrée sur scène, le poète est dans son monde. S’excusant presque d’être sur scène, il endosse malgré tout rapidement son costume de saltimbanque et s’ouvre progressivement à son public, à grand renfort d’alcool et de tabac. Ses titres sont ciselés comme rarement j’ai pu en entendre. Alors, même si chaque titre est plus sombre et pessimiste que le précédent, on s’y plonge.

Malgré cette noirceur, le public, tout comme moi, semble comme joyeux, heureux. C’est une drôle d’alchimie qui doit faire que l’on est content même après avoir dressé une liste des maux de la société des plus apocalyptique. Bon j’avoue qu’à un moment je suis un peu miné et que j’aurai aimé d’autres teintes de poésie, ce que je n’aurais pas 🙁 .

Au final, Damien me prouve qu’il a un talent fou, un engagement politique et humaniste hors normes. Sur scène, il est plutôt discret bien que parfois tout à fait possédé. C’est à voir une fois dans sa vie, sous réserve d’être capable de supporter des textes aussi sombres, sans discontinuité.

Arnaud


Etat d’urgence oblige, c’est un véritable parcours du combattant qui nous attend pour parvenir à rentrer au Dôme, avec service de sécu XXL … Un concert à mériter donc, pour un public plutôt super fan de Damien Saez. Chapeaux de Pierrot dans les premiers rangs, en hommage à son dernier album concept Le Manifeste. Roses blanches qui attendent de lui être données. Tout le monde est fin prêt.

Et il semblerait d’ailleurs que son envie de conceptuel ne s’arrête pas à ce nouvel opus (achetez-le, vous comprendrez), puisque le concert de ce soir s’engage sur la même voie, avec la descente d’un écran pour la projection d’un film en noir et blanc. Gros plan sur une très belle jeune femme assise sur son lit, qui monologue sur l’amour, la vie, ses rêves, Pierrot, la mort… Assez sombre tout ça, mais tout à fait captivant, je dois le reconnaitre. Puis, à la fin des images, voilà Saez qui entre sur scène accompagné par les hurlements du public. Petit intermède au piano avant la projection d’un second film, toujours en noir et blanc. Mais de paysages cette fois. De mer. De fleurs. Et en musique, puisqu’il est passé à la guitare, toujours seul en scène. Juste sa voix légèrement voilée, si reconnaissable. « A nous parler d’aimer l’autre bien plus qu’on ne s’aime soi ». Avec beaucoup d’intensité. Avec les briquets qui se lèvent déjà. Avec cette impression qui monte que nous sommes parachutés ailleurs.

Le rideau se lève enfin pour faire apparaitre les musiciens, comme éclairés à la bougie (même si les petites lampes sont électriques). Très peu de lumière donc, pour une ambiance archi intimiste, toute à l’image du poignant hommage aux Enfants Paradis du Bataclan, qui va recevoir un tonnerre d’applaudissement avant le dernier refrain. C’est bien un public de fan qui est réuni ce soir, mais surtout un public réuni dans une réelle envie de communion.

Puis il lit un texte extrait des Misérables de Victor Hugo, cloppe à la main … « L’aurore ose quand elle se lève » … Tout cela toujours dans le noir quasi complet. Lui jetant sa veste dans une atmosphère assez incroyable et en tous cas peu banale. Avec cette impression que j’ai d’être conviée à quelque chose de tout à la fois très intime et universel, même si un peu trop sombre pour moi. Avec cette manière qu’à l’orateur-chanteur de monter perpétuellement en puissance au fil de la chanson, pour terminer à chaque fois dans la fougue.

Nouvel écran, mais plus petit et en arrière des musiciens cette fois. Avec une nouvelle maxime inscrite à notre intention et le retour des lumières lucioles pour cette Fin Des Mondes. Bon, par contre il est clair qu’il ne va pas falloir chercher ici à se rassurer et s’emplir d’espoir sur nos lendemains. Non. C’est plutôt un bilan du lourd et triste futur qui nous attend tous, dans lequel rien ne va s’arranger. Bien au contraire ! A la tienne !!

« Y’a un port non dans le coin ? Le Vieux Port, c’est ça ?! Et ça sait encore chanter comme dans les ports ou c’est trop vieux ?! » Voilà l’invitation qui nous est faite de rejoindre la table de Betty, au son de l’accordéon de Johann Riche, afin de mettre fin à notre route de la soif. Avec un Saez qui maintenant tombe la chemise à carreaux sur la fureur des instruments qui rompent le rythme de l’accordéon pour nous enjoindre de transformer la salle « en Atlantique ou en Méditerranée ! » Mais, bien évidemment, pas de Saez sans discourt politisé. Il se retrouve donc à lever son verre « A ta santé Macron ! » pour un Mon Terroriste commencé à capella, avant la reprise des instruments. Ça saute dans la fosse. Et nous voilà parti pour un morceau marathon qui rebondi de reprise en reprise. Ça se lève de plus en plus de partout côté gradins, pour chanter, taper dans les mains, sauter sur place. « Vous voulez des p’tits sous ? Non, c’est pas possible ! » nous lance-t-il. Toujours prêt à revêtir son costume de prédicateur, tout autant que celui de chanteur. Avec proposition d’un futur rassemblement devant la bourse pour faire entendre nos voix.

Puis c’est la pause en quelque sorte, avec retour du grand écran pour un long (très long) message anticapitaliste et libertaire. Sorte de powerpoint franchement longuet qui fait un peu réagir la salle en mode rire quand on en arrive à la 4ème ou 5ème page. Et ce, avant de retrouver notre belle désenchantée dans une nouvelle projection en noir et blanc … L’histoire du parcours d’une demoiselle papillon qui se noie dans la lumière, à grand renfort de Putain (de tout) et la montée d’un piano sur les dernières images … « Je suis pas malheureuse, mais putain qu’est-ce que j’suis pas heureuse ».

Puis, avec Into The Wild, c’est la reprise du Live, toujours aussi sombre. Du son très Rock. De la lumière rouge. Des textes d’une poésie et d’un fluide incroyable. De la réelle poésie. Un Saez totalement habité. Solo de guitare à genoux. A terre. En frappant l’instrument par moment. Lui hurlant, couché sur le sol. Se roulant par terre même. Toujours dans une pénombre rouge sang. Puis brandissant un spot pour balayer public et musiciens. Salle en totale communion, qui commence même un petit pogo au cœur de la fosse. Une sacré ambiance, clairement. Lui chantant les premières mesures de J’accuse à capella, avec le public. Ce qui déclenche littéralement l’enthousiasme général. Amusant paradoxe de la gaieté ambiante avec des paroles plombantes de ces textes qui se suivent et se ressemblent peut-être juste un peu trop. Le côté : le monde est pourri, on va tous crever, vous êtes tous des cons contaminés par une société de merde … Qui, tout en étant pas totalement faux, donne un peu la sensation d’un disque qui tourne en boucle. Mais, inversement, il est impossible de ne pas être sensible à l’enthousiasme ambiant qui règne ici ce soir.

Discours digestif sur les plateformes et le souvenir d’une discussion avec un chauffeur de taxi. Sacré plume quand même ! Avec la belle punch line à capella, quasi slamée de Ma Petite Couturière, en mode guitare/voix. Bon, un peu moins applaudie tout de même quand il est question des bourrins qui suivent le foot (Oh ! T’es à Marseille mon pote 😉 !!) Mais cela n’empêche pas une reprise de plus belle du pogo en milieu de terrain. Et en plus, maintenant, il nous est signalé qu’on est plus là pour rigoler : « Faut qu’ça chante, faut qu’ça popote ! » pour s’engager sur Rue D’La Soif !! Y faut ?! Alors on fait !!

A chaque fois, l’écran s’abaisse pour nous offrir quelques mots de plus à imprimer sur nos rétines. Pour faire de nous la force d’opposition et le nerf de la guerre de demain. Devant une mer de bras levés qui ondule pour accompagner l’accordéon. Et là (dingue) : il attrape une bouteille d’eau ! Oui. Nous avons alors tous peur qu’il la boive (non, déconne pas Damien ! C’est pas bon du tout pour la santé !!) Mais non (ouf), il se douche avec ! 😛

Fin de Set en mode archi intimiste. Guitare. Briquets levés. Avec départ de la scène seul et un retour de même pour les rappels. Enfin dans un premier temps, puisqu’ensuite tout les musiciens le rejoignent. Saez s’assoit. Nous regarde. Bois un coup et lève son verre en nous disant « Merci ! » Oui, c’est ça : Merci. Merci pour cette découverte Live. Merci pour cette intensité. Merci pour cette plongée en immersion dans un univers qui, s’il n’est pas forcément très accessible, n’en reste pas moins indéniablement fascinant. Très sombre. Très noir même. Mais captivant. Comme peut l’être la flamme pour le papillon. Un vrai moment Live. De ceux dont on ne ressort pas en se disant : Ok, pas mal, mais si j’avais mis l’album chez moi, ça aurait été quasi pareil. Un de ceux dont on se souvient fort fort longtemps…

Ysabel

Source : www.concertsenboite.fr