Je crois que le concert de cette année a pris un sens tout particulier. Il était comme une turbulence, un air d’apocalypse tant les premiers mots récités et les chansons étaient d’une noirceur sévère envers l’humain et le monde qui se construit … ou plutôt deconstruit. Il était en train de se passer déjà quelque chose, de l’ordre de l’hypnose où la foule ne savait ni trop s’embraser ni trop se taire. Silencieuse, concentrée, à l’écoute de cette voix si familière et inédite dans les mots livrés. Dans une certaine et franche obscurité, sous une capuche et cerné par des pépites incandescentes de chandeliers, le voyage était prometteur mais surtout furieusement engagé au-delà des calmes et acoustiques premières minutes. Sous une capuche mais bel et bien là, il y a cette montée sans s’en apercevoir. La salle bavarde, arrive et repart, monte dans les gradins ou envahit la fosse. Et déjà la musique est là. As-tu fait attention ? Ce n’est pas de la musique d’attente vide de sens, c’est déjà du Damien qui nous met dans l’ambiance. Et puis l’atmosphère est au rouge, rouge comme les lumières qui surgissent, rouge comme le drapeau de pirates à la gueule de Pierrot. Les premières lumières tombent, les cris se dressent côté bord de scène. La musique s’installe, on crie de plus bel. Le concert a ça de magique, faire croire qu’il ne s’est rien passé entre le dernier concert à Clermont-Ferrand et celui qui commence. Les lumières tombent un peu plus, et il est là. Sans mot, sans chant, juste en face à face, comme un bonsoir qui s’échange entre silence de la scène et flot de bruit du bord de scène. C’est ça je crois qu’on nomme des retrouvailles. Ce naturel presque certain, la certitude des heures musicales. La certitude que quoi qu’il se soit fait ou non ces derniers mois, ces derniers disques, on peut être ainsi en retrouvailles et n’être que d’une même flamme.

Il est difficile de pouvoir dire si ce soir Clermontois aurait eu la couleur des grands soirs, ce qui est sur par contre c’est que le ton, l’énergie étaient bien partis pour. C’était étrange, étrange et lourd de sens, des mots sombres entre parlé franc de sa bouche et chants écorchés de sa voix. Il y avait humanité, il y avait fin des mondes. Et dans la salle, quelque chose entre l’envoutement et la montée des mouvements, les envies d’exterioriser les passions. Et puis il y a cet instant. « Je reviens dans 5 minutes. 5 minutes. » qui nous interroge tous. Et qui nous laissera sans voix.

Mais de ce soir, il semblerait plus encore rappeler ce pouvoir incroyable d’une voix. Elle résonne, elle occupe tout l’espace, tout le vide qui nous entoure comme si dans nos galaxies ce qui nous tenait tous c’était son art. Il pleut en quittant Clermont-Ferrand, le concert a fini précipitamment. L’eau coule contre les carreaux en rentrant à la maison, mais dans nos têtes le concert continue, les chansons sortent des enceintes de la voiture … et ce paysage si sombre de la nuit qui défile, qui ne ressemble à rien, se rempli de tant de poésies. La voix semble si proche quand on écoute qu’on croirait qu’il est assis juste à côté à nous parler en chanson. Le son des musiques, cette voix singulière devenue si familière, nous dit des histoires, des mots de vie sans même se dire qu’on se connaît. Peut-être qu’en fait on se connaît, de ces connaissances qui ne demandent aucun lien concret, qui naissent dans l’abstrait, qui ont le pouvoir dingue de dire « je le connais » à des milliards d’années lumière de nos vies. Et ce soir je le connais, je le crois comme un grand frangin, de ces frangins qu’on écoute en en faisant qu’à sa tête, de ces frangins qui nous engueulent bien fort mais qui te disent quand même « c’est pas grave », de ces frangins pour qui on s’inquiète alors qu’on regarde pas toujours toutes ces heures hors de scène. Je repense à ces écoutes beaucoup moins importantes depuis quelques mois, des chansons moins présentes alors que les disques sont sortis, sont nombreux, de cette absence sans réfléchir de la musique. Peut-être que le sentiment aussi qui nait ce soir, c’est d’avoir un peu laissé tomber, d’avoir mis de côté alors que ce sentiment du concert, de retrouvaille remet à jour les connexions, ravive les émotions et le pouvoir des mots. Peut-être que cette distance s’est dissipée comme un brouillard dont on n’a pas conscience. Ce soir, j’ai eu envie qu’on soit frangin, alors que j’ai jamais utilisé ce mot là pourtant si coutumier pour lui. Mais t’as raison, on a qu’à être frangin, on a qu’à se dire qu’on se connaît bien, qu’on s’écoute et s’entend. On peut même dire qu’on s’en fout du temps, des blessures, que vaut mieux avoir trente belles minutes et une santé de fer, que des heures comme agonie. Merci d’avoir été là, d’avoir essayé, de nous avoir parlé.

« Renaitra de ces cendres, mon oiseau infini »

Julie G.

Source : vingtquatreheureune.wordpress.com