Bons charretiers des mots bien faits, gaffe aux boutroux des sans-pensée.
Holà les grands communs, un trop banni veut vous causer. Ne voici pas mon histoire, voici la vôtre.
La première fois que j’ai parlé ici, c’était outré. De la gentillesse et de la sincérité d’un nouvel arrivant, que venaient allègrement punir les habitués, semblant voir dans leur habitude un passe-droit à la bêtise et à la méchanceté. Je m’en allai calmer les affreux qui font du mal, les renvoyer à la tanière.
La seconde fois, ce fut un luxe pour moi, par moi, payé. Poussé, envoûté par les mots chantés du sujet du forum, alertant à la médiocrité, criant au danger du mauvais art, de l’art de ceux qui s’expriment mal, ou trop facilement. Gentil écriveur contre méchant scribouillard : prenant le plus médiocre et d’apparence à minima le moins humble de tous, je m’essayai à combattre la médiocrité par la qualité, le mauvais art par le bon. Ce fut, selon moi, une franche réussite, lorsque même la victime de ce fait d’écriture fut contrainte d’applaudir le verbe, à défaut de trouver assez bonne salive pour y cracher dessus.
Ma troisième intervention, il est vrai, fut la moins bonne. Le cœur n’y était plus. Là où le bon mot et la pertinence du propos demandent un grand sourire qui voit haut, je n’avais qu’une aigre grimace. Fatigué des fausses nouvelles distillées par les grands comiques à la plume en plastique, qui s’habituent un peu plus chaque jour, je réclamai le minimum de valeur au renseignement, le maximum d’absence aux petites blagues, symboles de notre début de siècle, qui font de toutes petites personnes des gens si intéressants, virtuellement. Chou blanc à tous les étages. « Alors, puisque tu n’interviens que pour insulter les gens, tu es banni ».
J’ai découvert cet endroit par l’artiste auquel il se consacre. J’y ai puisé des renseignements. Je m’y suis exprimé. Je fus banni.
Eh bien ! De gens qui ne font pas la différence entre expression artistique virulente (bande de petites chattes) et insultes anonymes, bêtement provocatrices ; de personnes qui aiment, écoutent, encouragent un artiste rentre-dedans, mais hurlent « halte ! » au premier mot trop gros, de fanatiques de Saez Damien qui ne sourcillent pas à l’idée d’interdire aux gens d’écrire, de tous ceux-là je n’ai aucune leçon à recevoir.
Pis : bien que le statut de banni semble appeler à la révolte et à réparer la faute des arbitraires, n’y changez rien : je ne reviendrai écrire ici pour rien au monde, et même pas du bout des pieds.
Car je suis venu, me suis exprimé, fus banni.
Veni, j’ai dit, Vichy.
BR
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