merci @musashi, c'est gentil d'apprécier ce Victor Hugo polonais. :)
Eléa Il y a 8 ans

merci musashi, c'est gentil d'apprécier ce Victor Hugo polonais.

puisque le fils Dutronc l'a mis en chanson je le redécouvre: Est-ce ainsi que les hommes vivent Tout est affaire de décor Changer de lit changer de corps À quoi bon puisque c’est encore Moi qui moi-même me trahis Moi qui me traîne et m’éparpille Et mon ombre se déshabille Dans les bras semblables des filles Où j’ai cru trouver un pays. Cœur léger cœur changeant cœur lourd Le temps de rêver est bien court Que faut-il faire de mes nuits Que faut-il faire de mes jours Je n’avais amour ni demeure Nulle part où je vive ou meure Je passais comme la rumeur Je m’endormais comme le bruit. C’était un temps déraisonnable On avait mis les morts à table On faisait des châteaux de sable On prenait les loups pour des chiens Tout changeait de pôle et d’épaule La pièce était-elle ou non drôle Moi si j’y tenais mal mon rôle C’était de n’y comprendre rien Est-ce ainsi que les hommes vivent Et leurs baisers au loin les suivent Dans le quartier Hohenzollern Entre La Sarre et les casernes Comme les fleurs de la luzerne Fleurissaient les seins de Lola Elle avait un cœur d’hirondelle Sur le canapé du bordel Je venais m’allonger près d’elle Dans les hoquets du pianola. Le ciel était gris de nuages Il y volait des oies sauvages Qui criaient la mort au passage Au-dessus des maisons des quais Je les voyais par la fenêtre Leur chant triste entrait dans mon être Et je croyais y reconnaître Du Rainer Maria Rilke. Est-ce ainsi que les hommes vivent Et leurs baisers au loin les suivent. Elle était brune elle était blanche Ses cheveux tombaient sur ses hanches Et la semaine et le dimanche Elle ouvrait à tous ses bras nus Elle avait des yeux de faÏence Elle travaillait avec vaillance Pour un artilleur de Mayence Qui n’en est jamais revenu. Il est d’autres soldats en ville Et la nuit montent les civils Remets du rimmel à tes cils Lola qui t’en iras bientôt Encore un verre de liqueur Ce fut en avril à cinq heures Au petit jour que dans ton cœur Un dragon plongea son couteau Est-ce ainsi que les hommes vivent Et leurs baisers au loin les suivent Louis Aragon - Le Roman inachevé
Eléa Il y a 8 ans

puisque le fils Dutronc l'a mis en chanson je le redécouvre:

Est-ce ainsi que les hommes vivent

Tout est affaire de décor
Changer de lit changer de corps
À quoi bon puisque c’est encore
Moi qui moi-même me trahis
Moi qui me traîne et m’éparpille
Et mon ombre se déshabille
Dans les bras semblables des filles
Où j’ai cru trouver un pays.
Cœur léger cœur changeant cœur lourd
Le temps de rêver est bien court
Que faut-il faire de mes nuits
Que faut-il faire de mes jours
Je n’avais amour ni demeure
Nulle part où je vive ou meure
Je passais comme la rumeur
Je m’endormais comme le bruit.
C’était un temps déraisonnable
On avait mis les morts à table
On faisait des châteaux de sable
On prenait les loups pour des chiens
Tout changeait de pôle et d’épaule
La pièce était-elle ou non drôle
Moi si j’y tenais mal mon rôle
C’était de n’y comprendre rien
Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent
Dans le quartier Hohenzollern
Entre La Sarre et les casernes
Comme les fleurs de la luzerne
Fleurissaient les seins de Lola
Elle avait un cœur d’hirondelle
Sur le canapé du bordel
Je venais m’allonger près d’elle
Dans les hoquets du pianola.
Le ciel était gris de nuages
Il y volait des oies sauvages
Qui criaient la mort au passage
Au-dessus des maisons des quais
Je les voyais par la fenêtre
Leur chant triste entrait dans mon être
Et je croyais y reconnaître
Du Rainer Maria Rilke.
Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent.
Elle était brune elle était blanche
Ses cheveux tombaient sur ses hanches
Et la semaine et le dimanche
Elle ouvrait à tous ses bras nus
Elle avait des yeux de faÏence
Elle travaillait avec vaillance
Pour un artilleur de Mayence
Qui n’en est jamais revenu.
Il est d’autres soldats en ville
Et la nuit montent les civils
Remets du rimmel à tes cils
Lola qui t’en iras bientôt
Encore un verre de liqueur
Ce fut en avril à cinq heures
Au petit jour que dans ton cœur
Un dragon plongea son couteau
Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent

Louis Aragon - Le Roman inachevé

aaaaaaaaaaaaah! Il y a eu quelqu'un d'autre à la mettre en musique, le gros Léo (Ferré). Moi j'aime l'écouter avec Philippe Léotard. https://www.youtube.com/watch?v=wnr50u9qwSU je trouve qu'il l'interprète mieux que Ferré. La base musicale est celle de Ferré, quoique modifiée dans la forme. (en fait tout le monde l'a mise en musique, mais forcément j'accorde une préséance à Ferré.)
musashi Il y a 8 ans

aaaaaaaaaaaaah!

Il y a eu quelqu'un d'autre à la mettre en musique, le gros Léo (Ferré).

Moi j'aime l'écouter avec Philippe Léotard.


https://www.youtube.com/watch?v=wnr50u9qwSU je trouve qu'il l'interprète mieux que Ferré. La base musicale est celle de Ferré, quoique modifiée dans la forme.

(en fait tout le monde l'a mise en musique, mais forcément j'accorde une préséance à Ferré.)

Je trouve difficile justement de lire ce poème sans avoir en tête la première mélodie (celle de Ferré j'imagine) et cette nouvelle orchestration est intéressante. D'aillleurs ce poème ne peut-il se concevoir que chanté? Léotard, Lavilliers, Férré le chantent sur la même mélodie, Dutronc lui s'y attaque autrement, sauf qu'il tronque le poème :( Comment ose t'il? https://www.youtube.com/watch?v=ruur6TMXSNg
Eléa Il y a 8 ans

Je trouve difficile justement de lire ce poème sans avoir en tête la première mélodie (celle de Ferré j'imagine) et cette nouvelle orchestration est intéressante.

D'aillleurs ce poème ne peut-il se concevoir que chanté?

Léotard, Lavilliers, Férré le chantent sur la même mélodie, Dutronc lui s'y attaque autrement, sauf qu'il tronque le poème Comment ose t'il?


https://www.youtube.com/watch?v=ruur6TMXSNg

Il faut nous aimer sur terre, il faut nous aimer vivants Ne crois pas au cimetière il faut nous aimer avant. Ta poussière et ma poussière deviendront le gré des vents Paul Fort
Eléa Il y a 8 ans

Il faut nous aimer sur terre,
il faut nous aimer vivants

Ne crois pas au cimetière
il faut nous aimer avant.

Ta poussière et ma poussière
deviendront le gré des vents

Paul Fort

A quel prix la paix Nous coûtera-t-elle la vie à tous ? Et quand il n'y aura plus personne pour mourir, La paix viendra ? A quel prix la paix vient-elle, est-elle partie ? Stephen McCann
AnonymeIl y a 8 ans

A quel prix la paix
Nous coûtera-t-elle la vie à tous ?
Et quand il n'y aura plus personne pour mourir,
La paix viendra ?
A quel prix la paix vient-elle, est-elle partie ?

Stephen McCann

[quote="Eléa"]puisque le fils Dutronc l'a mis en chanson je le redécouvre: Est-ce ainsi que les hommes vivent Tout est affaire de décor Changer de lit changer de corps À quoi bon puisque c’est encore Moi qui moi-même me trahis Moi qui me traîne et m’éparpille Et mon ombre se déshabille Dans les bras semblables des filles Où j’ai cru trouver un pays. Cœur léger cœur changeant cœur lourd Le temps de rêver est bien court Que faut-il faire de mes nuits Que faut-il faire de mes jours Je n’avais amour ni demeure Nulle part où je vive ou meure Je passais comme la rumeur Je m’endormais comme le bruit. C’était un temps déraisonnable On avait mis les morts à table On faisait des châteaux de sable On prenait les loups pour des chiens Tout changeait de pôle et d’épaule La pièce était-elle ou non drôle Moi si j’y tenais mal mon rôle C’était de n’y comprendre rien Est-ce ainsi que les hommes vivent Et leurs baisers au loin les suivent Dans le quartier Hohenzollern Entre La Sarre et les casernes Comme les fleurs de la luzerne Fleurissaient les seins de Lola Elle avait un cœur d’hirondelle Sur le canapé du bordel Je venais m’allonger près d’elle Dans les hoquets du pianola. Le ciel était gris de nuages Il y volait des oies sauvages Qui criaient la mort au passage Au-dessus des maisons des quais Je les voyais par la fenêtre Leur chant triste entrait dans mon être Et je croyais y reconnaître Du Rainer Maria Rilke. Est-ce ainsi que les hommes vivent Et leurs baisers au loin les suivent. Elle était brune elle était blanche Ses cheveux tombaient sur ses hanches Et la semaine et le dimanche Elle ouvrait à tous ses bras nus Elle avait des yeux de faÏence Elle travaillait avec vaillance Pour un artilleur de Mayence Qui n’en est jamais revenu. Il est d’autres soldats en ville Et la nuit montent les civils Remets du rimmel à tes cils Lola qui t’en iras bientôt Encore un verre de liqueur Ce fut en avril à cinq heures Au petit jour que dans ton cœur Un dragon plongea son couteau Est-ce ainsi que les hommes vivent Et leurs baisers au loin les suivent Louis Aragon - Le Roman inachevé[/quote]c'est joli ça
AnonymeIl y a 8 ans

puisque le fils Dutronc l'a mis en chanson je le redécouvre:

Est-ce ainsi que les hommes vivent

Tout est affaire de décor
Changer de lit changer de corps
À quoi bon puisque c’est encore
Moi qui moi-même me trahis
Moi qui me traîne et m’éparpille
Et mon ombre se déshabille
Dans les bras semblables des filles
Où j’ai cru trouver un pays.
Cœur léger cœur changeant cœur lourd
Le temps de rêver est bien court
Que faut-il faire de mes nuits
Que faut-il faire de mes jours
Je n’avais amour ni demeure
Nulle part où je vive ou meure
Je passais comme la rumeur
Je m’endormais comme le bruit.
C’était un temps déraisonnable
On avait mis les morts à table
On faisait des châteaux de sable
On prenait les loups pour des chiens
Tout changeait de pôle et d’épaule
La pièce était-elle ou non drôle
Moi si j’y tenais mal mon rôle
C’était de n’y comprendre rien
Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent
Dans le quartier Hohenzollern
Entre La Sarre et les casernes
Comme les fleurs de la luzerne
Fleurissaient les seins de Lola
Elle avait un cœur d’hirondelle
Sur le canapé du bordel
Je venais m’allonger près d’elle
Dans les hoquets du pianola.
Le ciel était gris de nuages
Il y volait des oies sauvages
Qui criaient la mort au passage
Au-dessus des maisons des quais
Je les voyais par la fenêtre
Leur chant triste entrait dans mon être
Et je croyais y reconnaître
Du Rainer Maria Rilke.
Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent.
Elle était brune elle était blanche
Ses cheveux tombaient sur ses hanches
Et la semaine et le dimanche
Elle ouvrait à tous ses bras nus
Elle avait des yeux de faÏence
Elle travaillait avec vaillance
Pour un artilleur de Mayence
Qui n’en est jamais revenu.
Il est d’autres soldats en ville
Et la nuit montent les civils
Remets du rimmel à tes cils
Lola qui t’en iras bientôt
Encore un verre de liqueur
Ce fut en avril à cinq heures
Au petit jour que dans ton cœur
Un dragon plongea son couteau
Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent

Louis Aragon - Le Roman inachevé
c'est joli ça

Couchers de soleil Tout le monde parle des couchers de soleil Tous les voyageurs sont d’accord pour parler des cou- chers de soleil dans les parages Il y a plein de bouquins où l’on ne décrit que les couchers de soleil Les couchers de soleil des tropiques Oui c’est vrai c’est splendide Mais je préfère de beaucoup les levers de soleil L’aube Je n’en rate pas une Je suis toujours sur le pont A poils Et je suis toujours le seul à les admirer Mais je ne vais pas décrire les aubes Je vais les garder pour moi seul. Blaise Cendrars
Eléa Il y a 8 ans

Couchers de soleil

Tout le monde parle des couchers de soleil
Tous les voyageurs sont d’accord pour parler des cou-
chers de soleil dans les parages
Il y a plein de bouquins où l’on ne décrit que les couchers
de soleil
Les couchers de soleil des tropiques
Oui c’est vrai c’est splendide
Mais je préfère de beaucoup les levers de soleil
L’aube
Je n’en rate pas une
Je suis toujours sur le pont
A poils
Et je suis toujours le seul à les admirer
Mais je ne vais pas décrire les aubes
Je vais les garder pour moi seul.

Blaise Cendrars

[img]http://www.paradis-des-albatros.fr/i/ga-calli/callj4.gif[/img] 20 ans déjà
AnonymeIl y a 8 ans


20 ans déjà

Un poème que je garde précieusement depuis mon adolescence et dont les quelques vers me reviennent. Merci les poètes. CIVILIZACIÓN Un hombre muere en mí siempre que un hombre muere en cualquier lugar, asesinado por el miedo y la prisa de otros hombres. Un hombre como yo: durante meses en las entrañas de una madre oculto; nacido, como yo, entre esperanzas y entre lágrimas, y —como yo— feliz de haber sufrido, triste de haber gozado, hecho de sangre y sal y tiempo y sueño. Un hombre que anheló ser más que un hombre y que, de pronto, un día comprendió el valor que tendría la existencia si todos cuantos viven fuesen, en realidad, hombres enhiestos, capaces de legar sin amargura lo que todos dejamos a los próximos hombres: el amor, las mujeres, los crepúsculos, la luna, el mar, el sol, las sementeras, el frío de la piña rebanada sobre el plato de laca de un otoño, el alba de unos ojos, el litoral de una sonrisa y, en todo lo que viene y lo que pasa, el ansia de encontrar la dimensión de una verdad completa. Un hombre muere en mí siempre que en Asia, o en la margen de un río de África o de América, o en el jardín de una ciudad de Europa, una bala de hombre mata a un hombre. Y su muerte deshace todo lo que pensé haber levantado en mí sobre sillares permanentes: la confianza en mis héroes, mi afición a callar bajo los pinos, el orgullo que tuve de ser hombre al oír —en Platón— morir a Sócrates, y hasta el sabor del agua, y hasta el claro júbilo de saber que dos y dos son cuatro... Porque de nuevo todo es puesto en duda, todo se interroga de nuevo y deja mil preguntas sin respuesta en la hora en que el hombre penetra —a mano armada— en la vida indefensa de otros hombres. Súbitamente arteras, las raíces del ser nos estrangulan. Y nada está seguro de sí mismo —ni en la semilla el germen, ni en la aurora la alondra, ni en la roca el diamante, ni en la compacta oscuridad la estrella, ¡cuando hay hombres que amasan el pan de su victoria con el polvo sangriento de otros hombres! Jaime Torres Bodet et la traduction pour les monolingues :) [small]Un homme meurt en moi toutes les fois Qu'un homme meurt quelque part assassiné Par la peur et la hâte d'autres hommes. Un homme comme moi : pendant des mois Caché dans les entrailles d'une mère, Né comme moi Entre l' espérance et les larmes Triste d'avoir joui, Et fait de sang et de sels et de temps et de rêves. Un homme qui voulut être plus qu'un homme Capable de léguer joyeusement ce que nous laissons aux hommes à venir L'amour, les crépuscules et les femmes La lune, la mer, le soleil, les semailles, Des tranches d'ananas glacés Sur les plateaux de laque de l' automne, Le pardon dans les yeux, l'éternité d'un sourire et tout ce qui vient et qui passe L'angoisse de trouver Les dimensions d'une complète vérité. Un homme meurt en moi chaque fois qu'en Asie ou sur le bord d'un fleuve d'Afrique ou d'Amérique ou au jardin d'une ville d'Europe la balle d'un homme tue un homme Et sa mort défait tout ce que je croyais avoir hissé en moi sur des roches éternelles : ma foi dans les héros, ce goût que j'ai, de me taire sous les pins, et mon simple orgueil d'homme quand j'entendais mourir Socrate dans Platon et jusqu'à la saveur de l'eau et jusqu'au clair délice de reconnaitre que deux et deux font quatre, car de nouveau tout est mis en doute Tout de nouveau s'interroge et pose mille questions sans réponse A l'homme où l'homme Pénètre à main armée Dans la vie sans défense d'autres hommes. Soudain blessées, les racines de l'être nous étranglent ! Et plus rien n'est sûr de soi Ni dans la semence le germe, Ni l'aurore pour l'alouette Ni dans le roc le diamant, Ni dans les ténèbres l'étoile Lorsqu'il y a des hommes qui pétrissent le pain de leur victoire Avec la poussière sanglante D'autres hommes. [/small]
Eléa Il y a 8 ans

Un poème que je garde précieusement depuis mon adolescence et dont les quelques vers me reviennent. Merci les poètes.

CIVILIZACIÓN

Un hombre muere en mí siempre que un hombre
muere en cualquier lugar, asesinado
por el miedo y la prisa de otros hombres.

Un hombre como yo: durante meses
en las entrañas de una madre oculto;
nacido, como yo,
entre esperanzas y entre lágrimas,
y —como yo— feliz de haber sufrido,
triste de haber gozado,
hecho de sangre y sal y tiempo y sueño.

Un hombre que anheló ser más que un hombre
y que, de pronto, un día comprendió
el valor que tendría la existencia
si todos cuantos viven
fuesen, en realidad, hombres enhiestos,
capaces de legar sin amargura
lo que todos dejamos
a los próximos hombres:
el amor, las mujeres, los crepúsculos,
la luna, el mar, el sol, las sementeras,
el frío de la piña rebanada
sobre el plato de laca de un otoño,
el alba de unos ojos,
el litoral de una sonrisa
y, en todo lo que viene y lo que pasa,
el ansia de encontrar
la dimensión de una verdad completa.

Un hombre muere en mí siempre que en Asia,
o en la margen de un río
de África o de América,
o en el jardín de una ciudad de Europa,
una bala de hombre mata a un hombre.

Y su muerte deshace
todo lo que pensé haber levantado
en mí sobre sillares permanentes:
la confianza en mis héroes,
mi afición a callar bajo los pinos,
el orgullo que tuve de ser hombre
al oír —en Platón— morir a Sócrates,
y hasta el sabor del agua, y hasta el claro
júbilo de saber
que dos y dos son cuatro...

Porque de nuevo todo es puesto en duda,
todo
se interroga de nuevo
y deja mil preguntas sin respuesta
en la hora en que el hombre
penetra —a mano armada—
en la vida indefensa de otros hombres.

Súbitamente arteras,
las raíces del ser nos estrangulan.
Y nada está seguro de sí mismo
—ni en la semilla el germen,
ni en la aurora la alondra,
ni en la roca el diamante,
ni en la compacta oscuridad la estrella,
¡cuando hay hombres que amasan
el pan de su victoria
con el polvo sangriento de otros hombres!

Jaime Torres Bodet





et la traduction pour les monolingues

Un homme meurt en moi toutes les fois
Qu'un homme meurt quelque part assassiné
Par la peur et la hâte d'autres hommes.
Un homme comme moi : pendant des mois
Caché dans les entrailles d'une mère,
Né comme moi
Entre l' espérance et les larmes
Triste d'avoir joui,
Et fait de sang et de sels et de temps et de rêves.
Un homme qui voulut être plus qu'un homme
Capable de léguer joyeusement ce que nous laissons aux hommes à venir
L'amour, les crépuscules et les femmes
La lune, la mer, le soleil, les semailles,
Des tranches d'ananas glacés
Sur les plateaux de laque de l' automne,
Le pardon dans les yeux,
l'éternité d'un sourire
et tout ce qui vient et qui passe
L'angoisse de trouver
Les dimensions d'une complète vérité.

Un homme meurt en moi chaque fois qu'en Asie
ou sur le bord d'un fleuve
d'Afrique ou d'Amérique
ou au jardin d'une ville d'Europe
la balle d'un homme tue un homme

Et sa mort défait
tout ce que je croyais avoir hissé
en moi sur des roches éternelles :
ma foi dans les héros,
ce goût que j'ai, de me taire sous les pins,
et mon simple orgueil d'homme
quand j'entendais mourir Socrate dans Platon
et jusqu'à la saveur de l'eau et jusqu'au clair
délice de reconnaitre
que deux et deux font quatre,

car de nouveau tout est mis en doute
Tout
de nouveau s'interroge
et pose mille questions sans réponse
A l'homme où l'homme
Pénètre à main armée
Dans la vie sans défense d'autres hommes.

Soudain blessées,
les racines de l'être nous étranglent !
Et plus rien n'est sûr de soi
Ni dans la semence le germe,
Ni l'aurore pour l'alouette
Ni dans le roc le diamant,
Ni dans les ténèbres l'étoile
Lorsqu'il y a des hommes qui pétrissent le pain de leur victoire
Avec la poussière sanglante
D'autres hommes.


@Eléa, magnifique ce texte, merci pour le partage...
éoline Il y a 8 ans

Eléa, magnifique ce texte, merci pour le partage...

Là, chacun de mes sourires confiants mine les projets de la haine meurtrière. Là, chacune de mes pensées constructives diminue les forces destructrices. Là, chacune de mes demandes pour la paix atténue les feux de la guerre. Là, par contre, chaque émotion négative ouvre grand la porte à l'envahisseur… Chacun de nous est responsable du grand équilibre historique. Donc, je ne suis pas la victime impuissante des évènements extérieurs, mais peut-être bien la goutte toute puissante, la goutte qui décidera de la vie ou de son anéantissement. Qui, parmi nous, est conscient de sa "toute puissance" ? Là, pourtant, commence la responsabilité de l'Homme. Gitta MALLASZ... Je trouve que ça va pas trop mal avec l'actualité.
Ewi Il y a 8 ans

Là, chacun de mes sourires confiants mine les projets de la haine meurtrière.
Là, chacune de mes pensées constructives diminue les forces destructrices.
Là, chacune de mes demandes pour la paix atténue les feux de la guerre.
Là, par contre, chaque émotion négative ouvre grand la porte à l'envahisseur…
Chacun de nous est responsable du grand équilibre historique.
Donc, je ne suis pas la victime impuissante des évènements extérieurs, mais peut-être bien la goutte toute puissante, la goutte qui décidera de la vie ou de son anéantissement.
Qui, parmi nous, est conscient de sa "toute puissance" ?
Là, pourtant, commence la responsabilité de l'Homme.

Gitta MALLASZ...

Je trouve que ça va pas trop mal avec l'actualité.

Ser un árbol con alas. En la tierra potente desnudar las raíces y entregarlas al suelo y cuando sea mucho más amplio nuestro ambiente con las alas abiertas entregarnos al vuelo! Pablo Neruda [small]Etre arbre. Un arbre ailé. Dénuder ses racines Dans la terre puissante et les livrer au sol Et quand, autour de nous, tout sera bien plus vaste, Ouvrir en grand nos ailes et nous mettre à voler.[/small]
Eléa Il y a 8 ans

Ser un árbol con alas.
En la tierra potente desnudar las raíces y entregarlas al suelo
y cuando sea mucho más amplio nuestro ambiente
con las alas abiertas entregarnos al vuelo!

Pablo Neruda

Etre arbre. Un arbre ailé. Dénuder ses racines
Dans la terre puissante et les livrer au sol
Et quand, autour de nous, tout sera bien plus vaste,
Ouvrir en grand nos ailes et nous mettre à voler.

[quote="Eléa"]Ser un árbol con alas. En la tierra potente desnudar las raíces y entregarlas al suelo y cuando sea mucho más amplio nuestro ambiente con las alas abiertas entregarnos al vuelo! Pablo Neruda [small]Etre arbre. Un arbre ailé. Dénuder ses racines Dans la terre puissante et les livrer au sol Et quand, autour de nous, tout sera bien plus vaste, Ouvrir en grand nos ailes et nous mettre à voler.[/small][/quote] Merci. <3
AnonymeIl y a 8 ans

Ser un árbol con alas.
En la tierra potente desnudar las raíces y entregarlas al suelo
y cuando sea mucho más amplio nuestro ambiente
con las alas abiertas entregarnos al vuelo!

Pablo Neruda

Etre arbre. Un arbre ailé. Dénuder ses racines
Dans la terre puissante et les livrer au sol
Et quand, autour de nous, tout sera bien plus vaste,
Ouvrir en grand nos ailes et nous mettre à voler.


Merci. <3

Le miel sauvage sent la liberté. La poussière, un rayon de soleil; La violette, une bouche de fille; L'or, rien. Anna Akhmatova
Eléa Il y a 8 ans


Le miel sauvage sent la liberté.
La poussière, un rayon de soleil;
La violette, une bouche de fille;
L'or, rien.

Anna Akhmatova

Si tu ne sais Si tu ne sais pas voir Avec les yeux de l’âme Ah ! qu’il est loin de toi L’artiste dans son drame ! Si tu ne comprends pas Quand il sourit pour toi Ah ! qu’il est loin de toi L’artiste dans sa joie ! S’élève le vent et tombe la pluie S’étire le temps à l’heure où j’écris. Si tu ne sais aimer Que ce qui est aimable Alors pour tes vingt ans Tu es déjà minable. Si tu ne sais aimer Que ce qui est permis Alors pour tes vingt ans Tu es déjà fini. S’élève le vent et tombe la pluie S’étire le temps à l’heure où j’écris. Si tu ne sais chanter Que ce que l’on fredonne Alors de ta pensée Jamais rien ne rayonne. Si tu ne sais chanter Que ce qu’on t’a appris Alors… cesse de gueuler Tu as déjà tout dit. S’élève le vent et tombe la pluie S’étire le temps à l’heure où j’écris. Esther Granek, Portraits et chansons sans retouches, 1976
Eléa Il y a 8 ans

Si tu ne sais


Si tu ne sais pas voir
Avec les yeux de l’âme
Ah ! qu’il est loin de toi
L’artiste dans son drame !
Si tu ne comprends pas
Quand il sourit pour toi
Ah ! qu’il est loin de toi
L’artiste dans sa joie !

S’élève le vent et tombe la pluie
S’étire le temps à l’heure où j’écris.

Si tu ne sais aimer
Que ce qui est aimable
Alors pour tes vingt ans
Tu es déjà minable.
Si tu ne sais aimer
Que ce qui est permis
Alors pour tes vingt ans
Tu es déjà fini.

S’élève le vent et tombe la pluie
S’étire le temps à l’heure où j’écris.

Si tu ne sais chanter
Que ce que l’on fredonne
Alors de ta pensée
Jamais rien ne rayonne.
Si tu ne sais chanter
Que ce qu’on t’a appris
Alors… cesse de gueuler
Tu as déjà tout dit.

S’élève le vent et tombe la pluie
S’étire le temps à l’heure où j’écris.

Esther Granek, Portraits et chansons sans retouches, 1976

[small]pour l'amour de la poésie et la culture d'un petit jeune.[/small] Zadjal de l'avenir Comme à l'homme est propre le rêve Il sait mourir pour que s'achève Son rêve à lui par d'autres mains Son cantique sur d'autres lèvres Sa course sur d'autres chemins Dans d'autres bras son amour même Que d'autres cueillent ce qu'il sème Seul il vit pour le lendemain S'oublier est son savoir-faire L'homme est celui qui se préfère Un autre pour boire son vin L'homme est l'âme toujours offerte Celui qui soi-même se vainc Qui donne le sang de ses veines Sans rien demander pour sa peine Et s'en va nu comme il s'en vint Il est celui qui se dépense Et se dépasse comme il pense Impatient du ciel atteint Se brûlant au feu qu'il enfante Comme la nuit pour le matin Insensible même à sa perte Joyeux pour une porte ouverte Sur l'abîme de son destin Dans la mine ou dans la nature L'homme ne rêve qu'au futur Joueur d'échecs dont la partie Perdus ses chevaux et ses tours Et tout espoir anéanti Pour d'autres rois sur d'autres cases Pour d'autres pions sur d'autres bases Va se poursuivre lui parti L'homme excepté rien qui respire Ne s'est inventé l'avenir Rien même Dieu pour qui le temps N'est point mesure à l'éternel Et ne peut devenir étant L'immuabilité divine L'homme est un arbre qui domine Son ombre et qui voit en avant L'avenir est une campagne Contre la mort Ce que je gagne Sur le malheur C'est le terrain Que la pensée humaine rogne Pied à pied comme un flot marin Toujours qui revient où naguère Son écume a poussé sa guerre Et la force du dernier grain L'avenir c'est ce qui dépasse La main tendue et c'est l'espace Au-delà du chemin battu C'est l'homme vainqueur par l'espèce Abattant sa propre statue Debout sur ce qu'il imagine Comme un chasseur de sauvagines Dénombrant les oiseaux qu'il tue À lui j'emprunte mon ivresse Il est ma coupe et ma maîtresse Il est mon inverse Chaldée Le mystère que je détrousse Comme une lèvre défardée Il est l'oeil ouvert dans la tête Mes entrailles et ma conquête Le genou sur Dieu de l'idée Tombez ô lois aux pauvres faites Voici des fruits pour d'autres fêtes Où je me sois mon propre feu Voici des chiffres et des fèves Nous changeons la règle du jeu Pour demain fou que meure hier Le calcul prime la prière Et gagne l'homme ce qu'il veut L'avenir de l'homme est la femme Elle est la couleur de son âme Elle est sa rumeur et son bruit Et sans elle il n'est qu'un blasphème Il n'est qu'un noyau sans le fruit Sa bouche souffle un vent sauvage Sa vie appartient aux ravages Et sa propre main le détruit Je vous dis que l'homme est né pour la femme et né pour l'amour Tout du monde ancien va changer D'abord la vie et puis la mort Et toutes choses partagées Le pain blanc les baisers qui saignent On verra le couple et son règne Neiger comme les orangers. Louis ARAGON [Le Fou d'Elsa, 1963]
Eléa Il y a 8 ans

pour l'amour de la poésie et la culture d'un petit jeune.

Zadjal de l'avenir

Comme à l'homme est propre le rêve
Il sait mourir pour que s'achève
Son rêve à lui par d'autres mains
Son cantique sur d'autres lèvres
Sa course sur d'autres chemins
Dans d'autres bras son amour même
Que d'autres cueillent ce qu'il sème
Seul il vit pour le lendemain

S'oublier est son savoir-faire
L'homme est celui qui se préfère
Un autre pour boire son vin
L'homme est l'âme toujours offerte
Celui qui soi-même se vainc
Qui donne le sang de ses veines
Sans rien demander pour sa peine
Et s'en va nu comme il s'en vint

Il est celui qui se dépense
Et se dépasse comme il pense
Impatient du ciel atteint
Se brûlant au feu qu'il enfante
Comme la nuit pour le matin
Insensible même à sa perte
Joyeux pour une porte ouverte
Sur l'abîme de son destin

Dans la mine ou dans la nature
L'homme ne rêve qu'au futur
Joueur d'échecs dont la partie
Perdus ses chevaux et ses tours
Et tout espoir anéanti
Pour d'autres rois sur d'autres cases
Pour d'autres pions sur d'autres bases
Va se poursuivre lui parti

L'homme excepté rien qui respire
Ne s'est inventé l'avenir
Rien même Dieu pour qui le temps
N'est point mesure à l'éternel
Et ne peut devenir étant
L'immuabilité divine
L'homme est un arbre qui domine
Son ombre et qui voit en avant

L'avenir est une campagne
Contre la mort Ce que je gagne
Sur le malheur C'est le terrain
Que la pensée humaine rogne
Pied à pied comme un flot marin
Toujours qui revient où naguère
Son écume a poussé sa guerre
Et la force du dernier grain

L'avenir c'est ce qui dépasse
La main tendue et c'est l'espace
Au-delà du chemin battu
C'est l'homme vainqueur par l'espèce
Abattant sa propre statue
Debout sur ce qu'il imagine
Comme un chasseur de sauvagines
Dénombrant les oiseaux qu'il tue

À lui j'emprunte mon ivresse
Il est ma coupe et ma maîtresse
Il est mon inverse Chaldée
Le mystère que je détrousse
Comme une lèvre défardée
Il est l'oeil ouvert dans la tête
Mes entrailles et ma conquête
Le genou sur Dieu de l'idée

Tombez ô lois aux pauvres faites
Voici des fruits pour d'autres fêtes
Où je me sois mon propre feu
Voici des chiffres et des fèves
Nous changeons la règle du jeu
Pour demain fou que meure hier
Le calcul prime la prière
Et gagne l'homme ce qu'il veut

L'avenir de l'homme est la femme
Elle est la couleur de son âme
Elle est sa rumeur et son bruit
Et sans elle il n'est qu'un blasphème
Il n'est qu'un noyau sans le fruit
Sa bouche souffle un vent sauvage
Sa vie appartient aux ravages
Et sa propre main le détruit

Je vous dis que l'homme est né pour
la femme et né pour l'amour
Tout du monde ancien va changer
D'abord la vie et puis la mort
Et toutes choses partagées
Le pain blanc les baisers qui saignent
On verra le couple et son règne
Neiger comme les orangers.

Louis ARAGON

[Le Fou d'Elsa, 1963]

C'est tout simplement beau. :)
AnonymeIl y a 8 ans

C'est tout simplement beau.

...Devant ce spectateur de nos douleurs extrêmes Notre indignation vaincra toute terreur ; Nous entrecouperons nos râles de blasphèmes, Non sans désir secret d’exciter sa fureur. Qui sait ? nous trouverons peut-être quelque injure Qui l’irrite à ce point que, d’un bras forcené, Il arrache des cieux notre planète obscure, Et brise en mille éclats ce globe infortuné. Notre audace du moins vous sauverait de naître, Vous qui dormez encore au fond de l’avenir, Et nous triompherions d’avoir, en cessant d’être, Avec l’Humanité forcé Dieu d’en finir. Ah ! quelle immense joie après tant de souffrance ! A travers les débris, par-dessus les charniers, Pouvoir enfin jeter ce cri de délivrance : « Plus d’hommes sous le ciel, nous sommes les derniers ! » Nice, 1871. Louise Ackermann - Pascal (extrait)
Eléa Il y a 8 ans

...Devant ce spectateur de nos douleurs extrêmes
Notre indignation vaincra toute terreur ;
Nous entrecouperons nos râles de blasphèmes,
Non sans désir secret d’exciter sa fureur.
Qui sait ? nous trouverons peut-être quelque injure
Qui l’irrite à ce point que, d’un bras forcené,
Il arrache des cieux notre planète obscure,
Et brise en mille éclats ce globe infortuné.
Notre audace du moins vous sauverait de naître,
Vous qui dormez encore au fond de l’avenir,
Et nous triompherions d’avoir, en cessant d’être,
Avec l’Humanité forcé Dieu d’en finir.
Ah ! quelle immense joie après tant de souffrance !
A travers les débris, par-dessus les charniers,
Pouvoir enfin jeter ce cri de délivrance :
« Plus d’hommes sous le ciel, nous sommes les derniers ! »

Nice, 1871. Louise Ackermann - Pascal (extrait)

Doubt thou the stars are fire, Doubt that the sun doth move. Doubt truth to be a liar, But never doubt I love. [small]Doute que les étoiles soient de feu, Doute que le Soleil se meut, Doute que la verité mente elle-même Mais ne doute pas que je t'aime.[/small] Hamlet - Shakespeare Ces mots d'amours ont plus de 400 ans d'âge, mais ils restent magiques. :)
Eléa Il y a 8 ans

Doubt thou the stars are fire,
Doubt that the sun doth move.
Doubt truth to be a liar,
But never doubt I love.

Doute que les étoiles soient de feu,
Doute que le Soleil se meut,
Doute que la verité mente elle-même
Mais ne doute pas que je t'aime.


Hamlet - Shakespeare

Ces mots d'amours ont plus de 400 ans d'âge, mais ils restent magiques.

Chic type ce Shakespeare.
musashi Il y a 8 ans

Chic type ce Shakespeare.

Un baiser, mais à tout prendre, qu'est-ce ? Un serment fait d'un peu plus près, une promesse Plus précise, un aveu qui veut se confirmer, Un point rose qu'on met sur l'i du verbe aimer ; C'est un secret qui prend la bouche pour oreille, Un instant d'infini qui fait un bruit d'abeille, Une communion ayant un goût de fleur, Une façon d'un peu se respirer le coeur, Et d'un peu se goûter, au bord des lèvres, l'âme ! Cyrano de Bergerac - Edmond Rostand
AnonymeIl y a 7 ans

Un baiser, mais à tout prendre, qu'est-ce ?
Un serment fait d'un peu plus près, une promesse
Plus précise, un aveu qui veut se confirmer,
Un point rose qu'on met sur l'i du verbe aimer ;
C'est un secret qui prend la bouche pour oreille,
Un instant d'infini qui fait un bruit d'abeille,
Une communion ayant un goût de fleur,
Une façon d'un peu se respirer le coeur,
Et d'un peu se goûter, au bord des lèvres, l'âme !

Cyrano de Bergerac - Edmond Rostand

Dans ces temps-là, les nuits, on s'assemblait dans l'ombre, Indignés, secouant le joug sinistre et noir De l'homme de Décembre, et l'on frissonnait, sombre Comme la bête à l'abattoir. L'Empire s'achevait. Il tuait à son aise, Dans son antre où le seuil avait l'odeur du sang. Il régnait, mais dans l'air soufflait la Marseillaise. Rouge était le soleil levant. Il arrivait souvent qu'un effluve bardique, Nous enveloppant tous, faisait vibrer nos cœurs. A celui qui chantait le recueil héroïque, Parfois on a jeté des fleurs. De ces rouges œillets que, pour nous reconnaître, Avait chacun de nous, renaissez, rouges fleurs. D'autres vous répondront aux temps qui vont paraître, Et ceux-là seront les vainqueurs. Les œillets rouges Édith Thomas
.Vinaigrette Il y a 7 ans



Dans ces temps-là, les nuits, on s'assemblait dans l'ombre,
Indignés, secouant le joug sinistre et noir
De l'homme de Décembre, et l'on frissonnait, sombre
Comme la bête à l'abattoir.

L'Empire s'achevait. Il tuait à son aise,
Dans son antre où le seuil avait l'odeur du sang.
Il régnait, mais dans l'air soufflait la Marseillaise.
Rouge était le soleil levant.

Il arrivait souvent qu'un effluve bardique,
Nous enveloppant tous, faisait vibrer nos cœurs.
A celui qui chantait le recueil héroïque,
Parfois on a jeté des fleurs.

De ces rouges œillets que, pour nous reconnaître,
Avait chacun de nous, renaissez, rouges fleurs.
D'autres vous répondront aux temps qui vont paraître,
Et ceux-là seront les vainqueurs.


Les œillets rouges
Édith Thomas

Oh ! je suis avec vous ! j’ai cette sombre joie. Ceux qu’on accable, ceux qu’on frappe et qu’on foudroie M’attirent ; je me sens leur frère ; je défends Terrassés ceux que j’ai combattus triomphants ; Je veux, car ce qui fait la nuit sur tous m’éclaire, Oublier leur injure, oublier leur colère, Et de quels noms de haine ils m’appelaient entre eux. Je n’ai plus d’ennemis quand ils sont malheureux. Mais surtout c’est le peuple, attendant son salaire, Le peuple, qui parfois devient impopulaire, C’est lui, famille triste, hommes, femmes, enfants, Droit, avenir, travaux, douleurs, que je défends ; Je défends l’égaré, le faible, et cette foule Qui, n’ayant jamais eu de point d’appui, s’écroule Et tombe folle au fond des noirs événements ; Etant les ignorants, ils sont les incléments ; Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redire À vous tous, que c’était à vous de les conduire, Qu’il fallait leur donner leur part de la cité, Que votre aveuglement produit leur cécité ; D’une tutelle avare on recueille les suites, Et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui le leur fîtes. Vous ne les avez pas guidés, pris par la main, Et renseignés sur l’ombre et sur le vrai chemin ; Vous les avez laissés en proie au labyrinthe. Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte ; C’est qu’ils n’ont pas senti votre fraternité. Ils errent ; l’instinct bon se nourrit de clarté ; Ils n’ont rien dont leur âme obscure se repaisse ; Ils cherchent des lueurs dans la nuit, plus épaisse Et plus morne là-haut que les branches des bois ; Pas un phare. A tâtons, en détresse, aux abois, Comment peut-il penser celui qui ne peut vivre ? En tournant dans un cercle horrible, on devient ivre ; La misère, âpre roue, étourdit Ixion. Et c’est pourquoi j’ai pris la résolution De demander pour tous le pain et la lumière. Ce n’est pas le canon du noir vendémiaire, Ni les boulets de juin, ni les bombes de mai, Qui font la haine éteinte et l’ulcère fermé. Moi, pour aider le peuple à résoudre un problème, Je me penche vers lui. Commencement : je l’aime. Le reste vient après. Oui, je suis avec vous, J’ai l’obstination farouche d’être doux, Ô vaincus, et je dis : Non, pas de représailles ! Ô mon vieux cœur pensif, jamais tu ne tressailles Mieux que sur l’homme en pleurs, et toujours tu vibras Pour des mères ayant leurs enfants dans les bras. Quand je pense qu’on a tué des femmes grosses, Qu’on a vu le matin des mains sortir des fosses, Ô pitié ! quand je pense à ceux qui vont partir ! Ne disons pas : Je fus proscrit, je fus martyr. Ne parlons pas de nous devant ces deuils terribles ; De toutes les douleurs ils traversent les cribles ; Ils sont vannés au vent qui les emporte, et vont Dans on ne sait quelle ombre au fond du ciel profond. Où ? qui le sait ? leurs bras vers nous en vain se dressent. Oh ! ces pontons sur qui j’ai pleuré reparaissent, Avec leurs entreponts où l’on expire, ayant Sur soi l’énormité du navire fuyant ! On ne peut se lever debout ; le plancher tremble ; On mange avec les doigts au baquet tous ensemble, On boit l’un après l’autre au bidon, on a chaud, On a froid, l’ouragan tourmente le cachot, L’eau gronde, et l’on ne voit, parmi ces bruits funèbres, Qu’un canon allongeant son cou dans les ténèbres. Je retombe en ce deuil qui jadis m’étouffait. Personne n’est méchant, et que de mal on fait ! Combien d’êtres humains frissonnent à cette heure, Sur la mer qui sanglote et sous le ciel qui pleure, Devant l’escarpement hideux de l’inconnu ! Etre jeté là, triste, inquiet, tremblant, nu, Chiffre quelconque au fond d’une foule livide, Dans la brume, l’orage et les flots, dans le vide, Pêle-mêle et tout seul, sans espoir, sans secours, Ayant au cœur le fil brisé de ses amours ! Dire : — « Où suis-je ? On s’en va. Tout pâlit, tout se creuse, Tout meurt. Qu’est-ce que c’est que cette fuite affreuse ? La terre disparaît, le monde disparaît. Toute l’immensité devient une forêt. Je suis de la nuée et de la cendre. On passe. Personne ne va plus penser à moi. L’espace ! Le gouffre ! Où sont-ils ceux près de qui je dormais ! » — Se sentir oublié dans la nuit pour jamais ! Devenir pour soi-même une espèce de songe ! Oh ! combien d’innocents, sous quelque vil mensonge Et sous le châtiment féroce, stupéfaits ! — Quoi ! disent-ils, ce ciel où je me réchauffais, Je ne le verrai plus ! on me prend la patrie ! Rendez-moi mon foyer, mon champ, mon industrie, Ma femme, mes enfants ! rendez-moi la clarté ! Qu’ai-je donc fait pour être ainsi précipité Dans la tempête infâme et dans l’écume amère, Et pour n’avoir plus droit à la France ma mère ! — Quoi ! lorsqu’il s’agirait de sonder, ô vainqueurs, L’obscur puits social béant au fond des cœurs, D’étudier le mal, de trouver le remède, De chercher quelque part le levier d’Archimède, Lorsqu’il faudrait forger la clef des temps nouveaux ; Après tant de combats, après tant de travaux, Et tant de fiers essais et tant d’efforts célèbres, Quoi ! pour solution, faire dans les ténèbres, Nous, guides et docteurs, nous les frères aînés, Naufrager un chaos d’hommes infortunés ! Décréter qu’on mettra dehors, qui ? le mystère ! Que désormais l’énigme a l’ordre de se taire, Et que le sphinx fera pénitence à genoux ! Quels vieillards sommes-nous ! quels enfants sommes-nous ! Quel rêve, hommes d’Etat ! quel songe, ô philosophes ! Quoi ! pour que les griefs, pour que les catastrophes, Les problèmes, l’angoisse et les convulsions S’en aillent, suffit-il que nous les expulsions ? Rentrer chez soi, crier : — Français, je suis ministre Et tout est bien ! — tandis qu’à l’horizon sinistre, Sous des nuages lourds, hagards, couleur de sang, Chargé de spectres, noir, dans les flots décroissant, Avec l’enfer pour aube et la mort pour pilote, On ne sait quel radeau de la Méduse flotte ! Quoi ! les destins sont clos, disparus, accomplis, Avec ce que la vague emporte dans ses plis ! Ouvrir à deux battants la porte de l’abîme, Y pousser au hasard l’innocence et le crime, Tout, le mal et le bien, confusément puni, Refermer l’océan et dire : c’est fini ! Être des hommes froids qui jamais ne s’émoussent, Qui n’attendrissent point leur justice, et qui poussent L’impartialité jusqu’à tout châtier ! Pour le guérir, couper le membre tout entier ! Quoi ! pour expédient prendre la mer profonde ! Au lieu d’être ceux-là par qui l’ordre se fonde, Jeter au gouffre en tas les faits, les questions, Les deuils que nous pleurions et que nous attestions, La vérité, l’erreur, les hommes téméraires, Les femmes qui suivaient leurs maris ou leurs frères, L’enfant qui remua follement le pavé, Et faire signe aux vents, et croire tout sauvé Parce que sur nos maux, nos pleurs, nos inclémences, On a fait travailler ces balayeurs immenses ! Eh bien, que voulez-vous que je vous dise, moi ! Vous avez tort. J’entends les cris, je vois l’effroi, L’horreur, le sang, la mer, les fosses, les mitrailles, Je blâme. Est-ce ma faute enfin ? j’ai des entrailles. Éternel Dieu ! c’est donc au mal que nous allons ? Ah ! pourquoi déchaîner de si durs aquilons Sur tant d’aveuglements et sur tant d’indigences ? Je frémis. Sans compter que toutes ces vengeances, C’est l’avenir qu’on rend d’avance furieux ! Travailler pour le pire en faisant pour le mieux, Finir tout de façon qu’un jour tout recommence, Nous appelons sagesse, hélas ! cette démence. Flux, reflux. La souffrance et la haine sont sœurs. Les opprimés refont plus tard des oppresseurs. Oh ! dussè-je, coupable aussi moi d’innocence, Reprendre l’habitude austère de l’absence, Dût se refermer l’âpre et morne isolement, Dussent les cieux, que l’aube a blanchis un moment, Redevenir sur moi dans l’ombre inexorables, Que du moins un ami vous reste, ô misérables ! Que du moins il vous reste une voix ! que du moins Vous nous ayez, la nuit et moi, pour vos témoins ? Le droit meurt, l’espoir tombe, et la prudence est folle. Il ne sera pas dit que pas une parole N’a, devant cette éclipse affreuse, protesté. Je suis le compagnon de la calamité. Je veux être, — je prends cette part, la meilleure, — Celui qui n’a jamais fait le mal, et qui pleure ; L’homme des accablés et des abandonnés. Volontairement j’entre en votre enfer, damnés. Vos chefs vous égaraient, je l’ai dit à l’histoire ; Certes, je n’aurais pas été de la victoire, Mais je suis de la chute ; et je viens, grave et seul, Non vers votre drapeau, mais vers votre linceul. Je m’ouvre votre tombe. Et maintenant, huées, Toi calomnie et toi haine, prostituées, Ô sarcasmes payés, mensonges gratuits, Qu’à Voltaire ont lancés Nonotte et Maupertuis, Poings montrés qui jadis chassiez Rousseau de Bienne, Cris plus noirs que les vents de l’ombre libyenne, Plus vils que le fouet sombre aux lanières de cuir, Qui forciez le cercueil de Molière à s’enfuir, Ironie idiote, anathèmes farouches, Ô reste de salive encor blanchâtre aux bouches Qui crachèrent au front du pâle Jésus-Christ, Pierre éternellement jetée à tout proscrit, Acharnez-vous ! Soyez les bien venus, outrages. C’est pour vous obtenir, injures, fureurs, rages, Que nous, les combattants du peuple, nous souffrons, La gloire la plus haute étant faite d’affronts. À ceux qu’on foule aux pieds - Victor Hugo
AnonymeIl y a 7 ans

Oh ! je suis avec vous ! j’ai cette sombre joie.
Ceux qu’on accable, ceux qu’on frappe et qu’on foudroie
M’attirent ; je me sens leur frère ; je défends
Terrassés ceux que j’ai combattus triomphants ;
Je veux, car ce qui fait la nuit sur tous m’éclaire,
Oublier leur injure, oublier leur colère,
Et de quels noms de haine ils m’appelaient entre eux.
Je n’ai plus d’ennemis quand ils sont malheureux.
Mais surtout c’est le peuple, attendant son salaire,
Le peuple, qui parfois devient impopulaire,
C’est lui, famille triste, hommes, femmes, enfants,
Droit, avenir, travaux, douleurs, que je défends ;
Je défends l’égaré, le faible, et cette foule
Qui, n’ayant jamais eu de point d’appui, s’écroule
Et tombe folle au fond des noirs événements ;
Etant les ignorants, ils sont les incléments ;
Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redire
À vous tous, que c’était à vous de les conduire,
Qu’il fallait leur donner leur part de la cité,
Que votre aveuglement produit leur cécité ;
D’une tutelle avare on recueille les suites,
Et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui le leur fîtes.
Vous ne les avez pas guidés, pris par la main,
Et renseignés sur l’ombre et sur le vrai chemin ;
Vous les avez laissés en proie au labyrinthe.
Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte ;
C’est qu’ils n’ont pas senti votre fraternité.
Ils errent ; l’instinct bon se nourrit de clarté ;
Ils n’ont rien dont leur âme obscure se repaisse ;
Ils cherchent des lueurs dans la nuit, plus épaisse
Et plus morne là-haut que les branches des bois ;
Pas un phare. A tâtons, en détresse, aux abois,
Comment peut-il penser celui qui ne peut vivre ?
En tournant dans un cercle horrible, on devient ivre ;
La misère, âpre roue, étourdit Ixion.
Et c’est pourquoi j’ai pris la résolution
De demander pour tous le pain et la lumière.

Ce n’est pas le canon du noir vendémiaire,
Ni les boulets de juin, ni les bombes de mai,
Qui font la haine éteinte et l’ulcère fermé.
Moi, pour aider le peuple à résoudre un problème,
Je me penche vers lui. Commencement : je l’aime.
Le reste vient après. Oui, je suis avec vous,
J’ai l’obstination farouche d’être doux,
Ô vaincus, et je dis : Non, pas de représailles !
Ô mon vieux cœur pensif, jamais tu ne tressailles
Mieux que sur l’homme en pleurs, et toujours tu vibras
Pour des mères ayant leurs enfants dans les bras.

Quand je pense qu’on a tué des femmes grosses,
Qu’on a vu le matin des mains sortir des fosses,
Ô pitié ! quand je pense à ceux qui vont partir !
Ne disons pas : Je fus proscrit, je fus martyr.
Ne parlons pas de nous devant ces deuils terribles ;
De toutes les douleurs ils traversent les cribles ;
Ils sont vannés au vent qui les emporte, et vont
Dans on ne sait quelle ombre au fond du ciel profond.
Où ? qui le sait ? leurs bras vers nous en vain se dressent.
Oh ! ces pontons sur qui j’ai pleuré reparaissent,
Avec leurs entreponts où l’on expire, ayant
Sur soi l’énormité du navire fuyant !
On ne peut se lever debout ; le plancher tremble ;
On mange avec les doigts au baquet tous ensemble,
On boit l’un après l’autre au bidon, on a chaud,
On a froid, l’ouragan tourmente le cachot,
L’eau gronde, et l’on ne voit, parmi ces bruits funèbres,
Qu’un canon allongeant son cou dans les ténèbres.
Je retombe en ce deuil qui jadis m’étouffait.
Personne n’est méchant, et que de mal on fait !

Combien d’êtres humains frissonnent à cette heure,
Sur la mer qui sanglote et sous le ciel qui pleure,
Devant l’escarpement hideux de l’inconnu !
Etre jeté là, triste, inquiet, tremblant, nu,
Chiffre quelconque au fond d’une foule livide,
Dans la brume, l’orage et les flots, dans le vide,
Pêle-mêle et tout seul, sans espoir, sans secours,
Ayant au cœur le fil brisé de ses amours !
Dire : — « Où suis-je ? On s’en va. Tout pâlit, tout se creuse,
Tout meurt. Qu’est-ce que c’est que cette fuite affreuse ?
La terre disparaît, le monde disparaît.
Toute l’immensité devient une forêt.
Je suis de la nuée et de la cendre. On passe.
Personne ne va plus penser à moi. L’espace !
Le gouffre ! Où sont-ils ceux près de qui je dormais ! » —
Se sentir oublié dans la nuit pour jamais !
Devenir pour soi-même une espèce de songe !
Oh ! combien d’innocents, sous quelque vil mensonge
Et sous le châtiment féroce, stupéfaits !
— Quoi ! disent-ils, ce ciel où je me réchauffais,
Je ne le verrai plus ! on me prend la patrie !
Rendez-moi mon foyer, mon champ, mon industrie,
Ma femme, mes enfants ! rendez-moi la clarté !
Qu’ai-je donc fait pour être ainsi précipité
Dans la tempête infâme et dans l’écume amère,
Et pour n’avoir plus droit à la France ma mère ! —

Quoi ! lorsqu’il s’agirait de sonder, ô vainqueurs,
L’obscur puits social béant au fond des cœurs,
D’étudier le mal, de trouver le remède,
De chercher quelque part le levier d’Archimède,
Lorsqu’il faudrait forger la clef des temps nouveaux ;
Après tant de combats, après tant de travaux,
Et tant de fiers essais et tant d’efforts célèbres,
Quoi ! pour solution, faire dans les ténèbres,
Nous, guides et docteurs, nous les frères aînés,
Naufrager un chaos d’hommes infortunés !
Décréter qu’on mettra dehors, qui ? le mystère !
Que désormais l’énigme a l’ordre de se taire,
Et que le sphinx fera pénitence à genoux !
Quels vieillards sommes-nous ! quels enfants sommes-nous !
Quel rêve, hommes d’Etat ! quel songe, ô philosophes !
Quoi ! pour que les griefs, pour que les catastrophes,
Les problèmes, l’angoisse et les convulsions
S’en aillent, suffit-il que nous les expulsions ?
Rentrer chez soi, crier : — Français, je suis ministre
Et tout est bien ! — tandis qu’à l’horizon sinistre,
Sous des nuages lourds, hagards, couleur de sang,
Chargé de spectres, noir, dans les flots décroissant,
Avec l’enfer pour aube et la mort pour pilote,
On ne sait quel radeau de la Méduse flotte !
Quoi ! les destins sont clos, disparus, accomplis,
Avec ce que la vague emporte dans ses plis !
Ouvrir à deux battants la porte de l’abîme,
Y pousser au hasard l’innocence et le crime,
Tout, le mal et le bien, confusément puni,
Refermer l’océan et dire : c’est fini !
Être des hommes froids qui jamais ne s’émoussent,
Qui n’attendrissent point leur justice, et qui poussent
L’impartialité jusqu’à tout châtier !
Pour le guérir, couper le membre tout entier !
Quoi ! pour expédient prendre la mer profonde !
Au lieu d’être ceux-là par qui l’ordre se fonde,
Jeter au gouffre en tas les faits, les questions,
Les deuils que nous pleurions et que nous attestions,
La vérité, l’erreur, les hommes téméraires,
Les femmes qui suivaient leurs maris ou leurs frères,
L’enfant qui remua follement le pavé,
Et faire signe aux vents, et croire tout sauvé
Parce que sur nos maux, nos pleurs, nos inclémences,
On a fait travailler ces balayeurs immenses !

Eh bien, que voulez-vous que je vous dise, moi !
Vous avez tort. J’entends les cris, je vois l’effroi,
L’horreur, le sang, la mer, les fosses, les mitrailles,
Je blâme. Est-ce ma faute enfin ? j’ai des entrailles.
Éternel Dieu ! c’est donc au mal que nous allons ?
Ah ! pourquoi déchaîner de si durs aquilons
Sur tant d’aveuglements et sur tant d’indigences ?
Je frémis.

Sans compter que toutes ces vengeances,
C’est l’avenir qu’on rend d’avance furieux !
Travailler pour le pire en faisant pour le mieux,
Finir tout de façon qu’un jour tout recommence,
Nous appelons sagesse, hélas ! cette démence.
Flux, reflux. La souffrance et la haine sont sœurs.
Les opprimés refont plus tard des oppresseurs.

Oh ! dussè-je, coupable aussi moi d’innocence,
Reprendre l’habitude austère de l’absence,
Dût se refermer l’âpre et morne isolement,
Dussent les cieux, que l’aube a blanchis un moment,
Redevenir sur moi dans l’ombre inexorables,
Que du moins un ami vous reste, ô misérables !
Que du moins il vous reste une voix ! que du moins
Vous nous ayez, la nuit et moi, pour vos témoins ?
Le droit meurt, l’espoir tombe, et la prudence est folle.
Il ne sera pas dit que pas une parole
N’a, devant cette éclipse affreuse, protesté.
Je suis le compagnon de la calamité.
Je veux être, — je prends cette part, la meilleure, —
Celui qui n’a jamais fait le mal, et qui pleure ;
L’homme des accablés et des abandonnés.
Volontairement j’entre en votre enfer, damnés.
Vos chefs vous égaraient, je l’ai dit à l’histoire ;
Certes, je n’aurais pas été de la victoire,
Mais je suis de la chute ; et je viens, grave et seul,
Non vers votre drapeau, mais vers votre linceul.
Je m’ouvre votre tombe.

Et maintenant, huées,
Toi calomnie et toi haine, prostituées,
Ô sarcasmes payés, mensonges gratuits,
Qu’à Voltaire ont lancés Nonotte et Maupertuis,
Poings montrés qui jadis chassiez Rousseau de Bienne,
Cris plus noirs que les vents de l’ombre libyenne,
Plus vils que le fouet sombre aux lanières de cuir,
Qui forciez le cercueil de Molière à s’enfuir,
Ironie idiote, anathèmes farouches,
Ô reste de salive encor blanchâtre aux bouches
Qui crachèrent au front du pâle Jésus-Christ,
Pierre éternellement jetée à tout proscrit,
Acharnez-vous ! Soyez les bien venus, outrages.
C’est pour vous obtenir, injures, fureurs, rages,
Que nous, les combattants du peuple, nous souffrons,
La gloire la plus haute étant faite d’affronts.

À ceux qu’on foule aux pieds - Victor Hugo

Jacques Gamblin, "Autrement le monde" au Lieu Unique à Nantes https://www.youtube.com/watch?v=7rCy8lje4YU
AnonymeIl y a 7 ans

Jacques Gamblin, "Autrement le monde" au Lieu Unique à Nantes


https://www.youtube.com/watch?v=7rCy8lje4YU

I L'oiseau qui s'est dépris d'être Phénix Demeure seul dans l'arbre pour mourir. Il s'est enveloppé de la nuit de blessure, II ne sent pas l'épée qui pénètre son cceur. Comme l'huile a vieilli et noirci dans les lampes. Comme tant de chemins que nous étions, perdus, Il fait un lent retour à la matière d'arbre. Il sera bien un jour. Il saura bien un jour être la bête morte, L'absence au col tranché que dévore le sang. Il tombera dans l'herbe, ayant trouvé Dans l'herbe le profond de toute vérité. Le goût du sang battra de vagues son rivage. II L'oiseau se défera par misère profonde. Qu'était-il que la voix qui ne veut pas mentir, Il sera par orgueil et native tendance A n'être que néant, le chant des morts. Il vieillira. Pays aux formes nues et dures Sera l'autre versant de cette voix. Ainsi noircit au vent des sables de l'usure La barque retirée où le flot ne va pas. Il se taira. La mort est moins grave. Il fera Dans l'inutilité d'être les quelques pas De l'ombre dont le fer a déchiré les ailes. Il saura bien mourir dans la grave lumière El ce sera parler au nom d'une lumière Plus heureuse, établie dans l'autre monde obscur III Le sable est au début comme il sera L'horrible fin sous la poussée de ce vent froid. Où est le bout, dis-tu, de tant d'étoiles, Pourquoi avançons-nous dans ce lieu froid ? Et pourquoi disons-nous d'aussi vaines paroles, Allant et comme si la nuit n'existait pas ? Mieux vaut marcher plus près de la ligne d'écume Et nous aventurer au seuil d'un autre froid. Nous venions de toujours. De hâtives lumières Portaient au loin pour nous la majesté du froid — Peu à peu grandissait la côte longtemps vue Et dite par des mots que nous ne savions pas. Rive d'une autre mort - Yves Bonnefoy
AnonymeIl y a 7 ans

I



L'oiseau qui s'est dépris d'être
Phénix
Demeure seul dans l'arbre pour mourir.
Il s'est enveloppé de la nuit de blessure,
II ne sent pas l'épée qui pénètre son cceur.

Comme l'huile a vieilli et noirci dans les lampes.
Comme tant de chemins que nous étions, perdus,
Il fait un lent retour à la matière d'arbre.

Il sera bien un jour.

Il saura bien un jour être la bête morte,

L'absence au col tranché que dévore le sang.

Il tombera dans l'herbe, ayant trouvé

Dans l'herbe le profond de toute vérité.

Le goût du sang battra de vagues son rivage.



II



L'oiseau se défera par misère profonde.
Qu'était-il que la voix qui ne veut pas mentir,
Il sera par orgueil et native tendance
A n'être que néant, le chant des morts.

Il vieillira.
Pays aux formes nues et dures
Sera l'autre versant de cette voix.
Ainsi noircit au vent des sables de l'usure
La barque retirée où le flot ne va pas.

Il se taira.
La mort est moins grave.
Il fera
Dans l'inutilité d'être les quelques pas
De l'ombre dont le fer a déchiré les ailes.

Il saura bien mourir dans la grave lumière

El ce sera parler au nom d'une lumière

Plus heureuse, établie dans l'autre monde obscur



III



Le sable est au début comme il sera
L'horrible fin sous la poussée de ce vent froid.
Où est le bout, dis-tu, de tant d'étoiles,
Pourquoi avançons-nous dans ce lieu froid ?

Et pourquoi disons-nous d'aussi vaines paroles,
Allant et comme si la nuit n'existait pas ?
Mieux vaut marcher plus près de la ligne d'écume
Et nous aventurer au seuil d'un autre froid.

Nous venions de toujours.
De hâtives lumières
Portaient au loin pour nous la majesté du froid —
Peu à peu grandissait la côte longtemps vue
Et dite par des mots que nous ne savions pas.

Rive d'une autre mort - Yves Bonnefoy

Je t'adore à l'égal de la voûte nocturne, Ô vase de tristesse, ô grande taciturne, Et t'aime d'autant plus, belle, que tu me fuis, Et que tu me parais, ornement de mes nuits, Plus ironiquement accumuler les lieues Qui séparent mes bras des immensités bleues. Je m'avance à l'attaque, et je grimpe aux assauts, Comme après un cadavre un chœur de vermisseaux, Et je chéris, ô bête implacable et cruelle ! Jusqu'à cette froideur par où tu m'es plus belle ! Je t'adore à l'égal de la voûte nocturne. Charles Baudelaire
.Vinaigrette Il y a 7 ans



Je t'adore à l'égal de la voûte nocturne,
Ô vase de tristesse, ô grande taciturne,
Et t'aime d'autant plus, belle, que tu me fuis,
Et que tu me parais, ornement de mes nuits,
Plus ironiquement accumuler les lieues
Qui séparent mes bras des immensités bleues.

Je m'avance à l'attaque, et je grimpe aux assauts,
Comme après un cadavre un chœur de vermisseaux,
Et je chéris, ô bête implacable et cruelle !
Jusqu'à cette froideur par où tu m'es plus belle !

Je t'adore à l'égal de la voûte nocturne.
Charles Baudelaire

"Je rêve que nous sommes des papillons n’ ayant à vivre que trois jours d’été, avec vous ces trois jours seraient plus plaisants que cinquante années d’une vie ordinaire. » John Keats, extrait des Lettres à Fanny
Eléa Il y a 7 ans

"Je rêve que nous sommes des papillons n’ ayant à vivre que trois jours d’été, avec vous ces trois jours seraient plus plaisants que cinquante années d’une vie ordinaire. »

John Keats, extrait des Lettres à Fanny

L'eau creusait de longues filles précieuses dans l'ombre de sable. Nous nous incrustâmes dans la nuit. Aucun chagrin n'a résisté aux occultes virulences. Loin des pierres, dans leur centre. Les épines n'ont connu de plus belles raisons de s'anéantir. Un fruit, le remords, comme une capsule de lumière. Et la couronne au centre avec la couronne d'épines. Immense lumière qui jette sur la plage des fruits inassouvis, en loques, juteux avant-cou­reurs de la mort. C'est toute la pauvreté de la campagne. Les faits inassouvis. L'absence de rêve, ni grave ni triste. Mais à jamais rocheuse et veinée d'époques lointaines, de souvenirs vineux et de courses à la mort. Immuable mélancolie des couvertures d'eau qu'un dormeur de charbon tire jusqu'au cou. Mais, bras dessus, bras dessous, les vagues s'en allèrent des lieux de la pensée et ne laissèrent au goût salin que leur frileux souvenir de soleil. Hideuse, la face échangea des lumières avec le phare. Et les animaux monstru­eux retrouvèrent leur posture placide au creux de l'oubli. Toute la désolation immensément phosphorescente d'une main tendue à un tournant de la mer. Tristan Tzara - "L'eau creusait de longues filles"
Angellore Il y a 7 ans

L'eau creusait de longues filles précieuses dans l'ombre de sable. Nous nous incrustâmes dans la nuit. Aucun chagrin n'a résisté aux occultes virulences. Loin des pierres, dans leur centre. Les épines n'ont connu de plus belles raisons de s'anéantir. Un fruit, le remords, comme une capsule de lumière. Et la couronne au centre avec la couronne d'épines. Immense lumière qui jette sur la plage des fruits inassouvis, en loques, juteux avant-cou­reurs de la mort. C'est toute la pauvreté de la campagne. Les faits inassouvis.

L'absence de rêve, ni grave ni triste. Mais à jamais rocheuse et veinée d'époques lointaines, de souvenirs vineux et de courses à la mort. Immuable mélancolie des couvertures d'eau qu'un dormeur de charbon tire jusqu'au cou. Mais, bras dessus, bras dessous, les vagues s'en allèrent des lieux de la pensée et ne laissèrent au goût salin que leur frileux souvenir de soleil.

Hideuse, la face échangea des lumières avec le phare. Et les animaux monstru­eux retrouvèrent leur posture placide au creux de l'oubli. Toute la désolation immensément phosphorescente d'une main tendue à un tournant de la mer.

Tristan Tzara - "L'eau creusait de longues filles"

A la pâle clarté de ce ciel ombragé Courait travers champs la passion des amants. Étendu, là, à l’orée de son cœur, Reposait demoiselle le visage enchanteur. Sa chevelure telle une toison d’or Reflétant la beauté des aurores, Épousait allègrement le torse de cet homme Révélant de sa peau, le parfum de la pomme. A la triste vu de son âme sœur Illidane décida d’ouvrir son cœur : « Fut un temps où même le ciel eut le goût du fiel. Où des oiseaux sur fonds pastelles Je ne voyais que son nom sur ma stèle. J’ai souffert si vous saviez ma chère. Ô oui… meurtri, dans la chair. Une éternité en enfer Pour le sourire d’une vipère ! Seul au fond du gouffre, En bouche le goût du souffre, J’étais mort, d’amour. Éperdu d’un amour et perdu mon amour. Au fond du fond pour toujours. Puis vint celle dont on tait le nom, Vous-même éclairant l’horizon. Celle détenant les clés de l’espérance, Infirmière de mon âme en errance Vous m’avez guidé vers la lumière de vos yeux, En cet abime béant jusqu’aux plus hauts des cieux. Vous m’avez sauvé la vie, oui, mais à quel prix. Des jours, des semaines, que dis-je des mois, Afin que renaisse de moi, cet homme en émoi. Vous m’avez fait croire et j’y ai cru. Vous m’avez fait voir et j’y ai vu. Vous m’avez même fait sentir et j’ai ressenti, Vous m’avez aimé puis j’ai capitulé... La vie avait repris ce goût, cette saveur, Que l’on pouvait apparenter au bonheur Des enfants, chantant aux champs L’insouciance des journées d’antan. Mais… oui, mais… Du soleil à l’orage et de roses en chrysanthèmes, En un instant voilà mon cœur empli de haine. A nouveau la roue tourna, vous osiez cet attentat ! Après m’avoir montré monts et merveilles, Fut embrassé par vos lèvres vermeilles, Poignardez vous m’aviez en plein sommeil En offrant corps et ciel à ce jeune Ariel. Vous m’avez leurré, mentis, abusé vous aussi ! Vous avez démenti, mystifié la vérité ! Maintenant il est l’heure de payer... Entendez-vous dans la campagne tambours au loin ? C’est la sentence pour nous du châtiment divin Qui va s’abattre sur vous, brebis tué par le loup. Voilà, voici venu le jour de votre perte, Admirez comme vous êtes faible, créature inerte. Voici maintenant la mort ma chère. Sentez, le doux parfum du poison dans la chair, Ressentez, l’obstruction du sang dans l’artère. Rejoignez maintenant les vers et la terre, Voyagez à présent au pays de l’enfer...» Embrassant dernière fois celle qui fut sa compagne, Illidane s’en alla par-delà la campagne. @Zaes
.Vinaigrette Il y a 7 ans


A la pâle clarté de ce ciel ombragé
Courait travers champs la passion des amants.
Étendu, là, à l’orée de son cœur,
Reposait demoiselle le visage enchanteur.
Sa chevelure telle une toison d’or
Reflétant la beauté des aurores,
Épousait allègrement le torse de cet homme
Révélant de sa peau, le parfum de la pomme.

A la triste vu de son âme sœur
Illidane décida d’ouvrir son cœur :

« Fut un temps où même le ciel eut le goût du fiel.
Où des oiseaux sur fonds pastelles
Je ne voyais que son nom sur ma stèle.
J’ai souffert si vous saviez ma chère.
Ô oui… meurtri, dans la chair.
Une éternité en enfer
Pour le sourire d’une vipère !
Seul au fond du gouffre,
En bouche le goût du souffre,
J’étais mort, d’amour.
Éperdu d’un amour et perdu mon amour.
Au fond du fond pour toujours.

Puis vint celle dont on tait le nom,
Vous-même éclairant l’horizon.
Celle détenant les clés de l’espérance,
Infirmière de mon âme en errance
Vous m’avez guidé vers la lumière de vos yeux,
En cet abime béant jusqu’aux plus hauts des cieux.
Vous m’avez sauvé la vie, oui, mais à quel prix.
Des jours, des semaines, que dis-je des mois,
Afin que renaisse de moi, cet homme en émoi.

Vous m’avez fait croire et j’y ai cru.
Vous m’avez fait voir et j’y ai vu.
Vous m’avez même fait sentir et j’ai ressenti,
Vous m’avez aimé puis j’ai capitulé...

La vie avait repris ce goût, cette saveur,
Que l’on pouvait apparenter au bonheur
Des enfants, chantant aux champs
L’insouciance des journées d’antan.

Mais… oui, mais…
Du soleil à l’orage et de roses en chrysanthèmes,
En un instant voilà mon cœur empli de haine.
A nouveau la roue tourna, vous osiez cet attentat !
Après m’avoir montré monts et merveilles,
Fut embrassé par vos lèvres vermeilles,
Poignardez vous m’aviez en plein sommeil
En offrant corps et ciel à ce jeune Ariel.
Vous m’avez leurré, mentis, abusé vous aussi !
Vous avez démenti, mystifié la vérité !
Maintenant il est l’heure de payer...

Entendez-vous dans la campagne tambours au loin ?
C’est la sentence pour nous du châtiment divin
Qui va s’abattre sur vous, brebis tué par le loup.
Voilà, voici venu le jour de votre perte,
Admirez comme vous êtes faible, créature inerte.
Voici maintenant la mort ma chère.
Sentez, le doux parfum du poison dans la chair,
Ressentez, l’obstruction du sang dans l’artère.
Rejoignez maintenant les vers et la terre,
Voyagez à présent au pays de l’enfer...»

Embrassant dernière fois celle qui fut sa compagne,
Illidane s’en alla par-delà la campagne.


Zaes