Que de beaux partages poétiques par ici. Mais ça manque très légèrement de prose à mon goût. On a beaucoup cité Rimbaud, on connait tous Le Bateau ivre auquel Damien fait référence presque un texte sur deux. D'une manière générale on connait bien les vers de Rimbaud... Pourtant la Saison en enfer reste la lecture poétique la plus absolu qu'il m'ait été permit de lire. Et de relire. Je l'ai presque toujours sur moi. Chaque relecture est une fouille archéologique du verbe et des sens, de la folie et de la passion. Rare sont les lectures si puissantes, si révolutionnaires dans tous les sens du terme. Le seul équivalent que je connaisse est un équivalent philosophique; et c'est inévitablement Nietzsche.
Stavachol Il y a 7 ans

Que de beaux partages poétiques par ici. Mais ça manque très légèrement de prose à mon goût.
On a beaucoup cité Rimbaud, on connait tous Le Bateau ivre auquel Damien fait référence presque un texte sur deux. D'une manière générale on connait bien les vers de Rimbaud...
Pourtant la Saison en enfer reste la lecture poétique la plus absolu qu'il m'ait été permit de lire. Et de relire. Je l'ai presque toujours sur moi. Chaque relecture est une fouille archéologique du verbe et des sens, de la folie et de la passion. Rare sont les lectures si puissantes, si révolutionnaires dans tous les sens du terme. Le seul équivalent que je connaisse est un équivalent philosophique; et c'est inévitablement Nietzsche.

Pierre Reverdy TENDRESSE Mon coeur ne bat que par ses ailes Je ne suis pas plus loin que ma prison O mes amis perdus derrière l'horizon Ce n'est que votre vie cachée que j'écoute Il y a le temps roulé sous les plis de la voûte Et tous les souvenirs passés inaperçus Il n'y a qu'à saluer le vent qui part vers vous Qui caressera vos visages Fermer la porte aux murmures du soir Et dormir sous la nuit qui étouffe l'espace Sans penser à partir Ne jamais vous revoir Amis enfermés dans la glace Reflets de mon amour glissés entre les pas Grimaces du soleil dans les yeux qui s'effacent Derrière la doublure plus claire que les nuages Ma destinée pétrie de peurs et de mensonges Mon désir retranché du nombre Tout ce que j'ai oublié dans l'espoir du matin Ce que j'ai confié à la prudence des mains Les rêves à peine construits et détruits Les plus belles ruines des projets sans départs Sous les lames du temps présent qui nous déciment Les têtes redressées contre les talus noirs Grisées par les odeurs du large de la terre Sous la fougue du vent qui s'ourle A chaque ligne des tournants Je n'ai pas assez de lumière Assez de peau assez de sang La mort gratte mon front Et la même matière S'alourdit vers le soir autour de mon courage Mais toujours le réveil plus clair dans la flamme de ses mirages Ce poème m'éblouit.
musashi Il y a 7 ans

Pierre Reverdy

TENDRESSE

Mon coeur ne bat que par ses ailes
Je ne suis pas plus loin que ma prison
O mes amis perdus derrière l'horizon
Ce n'est que votre vie cachée que j'écoute
Il y a le temps roulé sous les plis de la voûte
Et tous les souvenirs passés inaperçus
Il n'y a qu'à saluer le vent qui part vers vous
Qui caressera vos visages
Fermer la porte aux murmures du soir
Et dormir sous la nuit qui étouffe l'espace
Sans penser à partir
Ne jamais vous revoir
Amis enfermés dans la glace
Reflets de mon amour glissés entre les pas
Grimaces du soleil dans les yeux qui s'effacent
Derrière la doublure plus claire que les nuages
Ma destinée pétrie de peurs et de mensonges
Mon désir retranché du nombre
Tout ce que j'ai oublié dans l'espoir du matin
Ce que j'ai confié à la prudence des mains
Les rêves à peine construits et détruits
Les plus belles ruines des projets sans départs
Sous les lames du temps présent qui nous déciment
Les têtes redressées contre les talus noirs
Grisées par les odeurs du large de la terre
Sous la fougue du vent qui s'ourle
A chaque ligne des tournants
Je n'ai pas assez de lumière
Assez de peau assez de sang
La mort gratte mon front
Et la même matière
S'alourdit vers le soir autour de mon courage
Mais toujours le réveil plus clair dans la flamme de ses mirages


Ce poème m'éblouit.

Blaise Cendrars Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France Dédiée aux Musiciens (Je ne retranscris ici que la première partie) En ce temps-là j’étais en mon adolescence J’avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de mon enfance J’étais à 16.000 lieues du lieu de ma naissance J’étais à Moscou, dans la ville des mille et trois clochers et des sept gares Et je n’avais pas assez des sept gares et des mille et trois tours Car mon adolescence était si ardente et si folle Que mon cœur, tour à tour, brûlait comme le temple d’Éphèse ou comme la Place Rouge de Moscou Quand le soleil se couche. Et mes yeux éclairaient des voies anciennes. Et j’étais déjà si mauvais poète Que je ne savais pas aller jusqu’au bout. Le Kremlin était comme un immense gâteau tartare Croustillé d’or, Avec les grandes amandes des cathédrales toutes blanches Et l’or mielleux des cloches… Un vieux moine me lisait la légende de Novgorode J’avais soif Et je déchiffrais des caractères cunéiformes Puis, tout à coup, les pigeons du Saint-Esprit s’envolaient sur la place Et mes mains s’envolaient aussi, avec des bruissements d’albatros Et ceci, c’était les dernières réminiscences du dernier jour Du tout dernier voyage Et de la mer. Pourtant, j’étais fort mauvais poète. Je ne savais pas aller jusqu’au bout. J’avais faim Et tous les jours et toutes les femmes dans les cafés et tous les verres J’aurais voulu les boire et les casser Et toutes les vitrines et toutes les rues Et toutes les maisons et toutes les vies Et toutes les roues des fiacres qui tournaient en tourbillon sur les mauvais pavés J’aurais voulu les plonger dans une fournaise de glaives Et j’aurais voulu broyer tous les os Et arracher toutes les langues Et liquéfier tous ces grands corps étranges et nus sous les vêtements qui m’affolent… Je pressentais la venue du grand Christ rouge de la révolution russe… Et le soleil était une mauvaise plaie Qui s’ouvrait comme un brasier. En ce temps-là j’étais en mon adolescence J’avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de ma naissance J’étais à Moscou, où je voulais me nourrir de flammes Et je n’avais pas assez des tours et des gares que constellaient mes yeux En Sibérie tonnait le canon, c’était la guerre La faim le froid la peste le choléra Et les eaux limoneuses de l’Amour charriaient des millions de charognes. Dans toutes les gares je voyais partir tous les derniers trains Personne ne pouvait plus partir car on ne délivrait plus de billets Et les soldats qui s’en allaient auraient bien voulu rester… Un vieux moine me chantait la légende de Novgorode. Moi, le mauvais poète qui ne voulais aller nulle part, je pouvais aller partout Et aussi les marchands avaient encore assez d’argent Pour aller tenter faire fortune. Leur train partait tous les vendredis matin. On disait qu’il y avait beaucoup de morts. L’un emportait cent caisses de réveils et de coucous de la Forêt-Noire Un autre, des boîtes à chapeaux, des cylindres et un assortiment de tire-bouchons de Sheffield Un autre, des cercueils de Malmoë remplis de boîtes de conserve et de sardines à l’huile Puis il y avait beaucoup de femmes Des femmes, des entre-jambes à louer qui pouvaient aussi servir De cercueils Elles étaient toutes patentées On disait qu’il y avait beaucoup de morts là-bas Elles voyageaient à prix réduits Et avaient toutes un compte-courant à la banque. Or, un vendredi matin, ce fut enfin mon tour On était en décembre Et je partis moi aussi pour accompagner le voyageur en bijouterie qui se rendait à Kharbine Nous avions deux coupés dans l’express et 34 coffres de joaillerie de Pforzheim De la camelote allemande “Made in Germany” Il m’avait habillé de neuf, et en montant dans le train j’avais perdu un bouton – Je m’en souviens, je m’en souviens, j’y ai souvent pensé depuis – Je couchais sur les coffres et j’étais tout heureux de pouvoir jouer avec le browning nickelé qu’il m’avait aussi donné J’étais très heureux insouciant Je croyais jouer aux brigands Nous avions volé le trésor de Golconde Et nous allions, grâce au transsibérien, le cacher de l’autre côté du monde Je devais le défendre contre les voleurs de l’Oural qui avaient attaqué les saltimbanques de Jules Verne Contre les khoungouzes, les boxers de la Chine Et les enragés petits mongols du Grand-Lama Alibaba et les quarante voleurs Et les fidèles du terrible Vieux de la montagne Et surtout, contre les plus modernes Les rats d’hôtel Et les spécialistes des express internationaux. Et pourtant, et pourtant J’étais triste comme un enfant. Les rythmes du train La “moëlle chemin-de-fer” des psychiatres américains Le bruit des portes des voix des essieux grinçant sur les rails congelés Le ferlin d’or de mon avenir Mon browning le piano et les jurons des joueurs de cartes dans le compartiment d’à côté L’épatante présence de Jeanne L’homme aux lunettes bleues qui se promenait nerveusement dans le couloir et qui me regardait en passant Froissis de femmes Et le sifflement de la vapeur Et le bruit éternel des roues en folie dans les ornières du ciel Les vitres sont givrées Pas de nature! Et derrière les plaines sibériennes, le ciel bas et les grandes ombres des Taciturnes qui montent et qui descendent Je suis couché dans un plaid Bariolé Comme ma vie Et ma vie ne me tient pas plus chaud que ce châle Écossais Et l’Europe tout entière aperçue au coupe-vent d’un express à toute vapeur N’est pas plus riche que ma vie Ma pauvre vie Ce châle Effiloché sur des coffres remplis d’or Avec lesquels je roule Que je rêve Que je fume Et la seule flamme de l’univers Est une pauvre pensée…
musashi Il y a 7 ans

Blaise Cendrars

Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France

Dédiée aux Musiciens

(Je ne retranscris ici que la première partie)

En ce temps-là j’étais en mon adolescence
J’avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de mon enfance
J’étais à 16.000 lieues du lieu de ma naissance
J’étais à Moscou, dans la ville des mille et trois clochers et des sept gares
Et je n’avais pas assez des sept gares et des mille et trois tours
Car mon adolescence était si ardente et si folle
Que mon cœur, tour à tour, brûlait comme le temple
d’Éphèse ou comme la Place Rouge de Moscou
Quand le soleil se couche.
Et mes yeux éclairaient des voies anciennes.
Et j’étais déjà si mauvais poète
Que je ne savais pas aller jusqu’au bout.

Le Kremlin était comme un immense gâteau tartare
Croustillé d’or,
Avec les grandes amandes des cathédrales toutes blanches
Et l’or mielleux des cloches…

Un vieux moine me lisait la légende de Novgorode
J’avais soif
Et je déchiffrais des caractères cunéiformes
Puis, tout à coup, les pigeons du Saint-Esprit s’envolaient sur la place
Et mes mains s’envolaient aussi, avec des bruissements d’albatros
Et ceci, c’était les dernières réminiscences du dernier jour
Du tout dernier voyage
Et de la mer.

Pourtant, j’étais fort mauvais poète.
Je ne savais pas aller jusqu’au bout.
J’avais faim
Et tous les jours et toutes les femmes dans les cafés et tous les verres
J’aurais voulu les boire et les casser
Et toutes les vitrines et toutes les rues
Et toutes les maisons et toutes les vies
Et toutes les roues des fiacres qui tournaient en tourbillon sur les mauvais pavés
J’aurais voulu les plonger dans une fournaise de glaives
Et j’aurais voulu broyer tous les os
Et arracher toutes les langues
Et liquéfier tous ces grands corps étranges et nus sous les vêtements qui m’affolent…
Je pressentais la venue du grand Christ rouge de la révolution russe…
Et le soleil était une mauvaise plaie
Qui s’ouvrait comme un brasier.

En ce temps-là j’étais en mon adolescence
J’avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de ma naissance
J’étais à Moscou, où je voulais me nourrir de flammes
Et je n’avais pas assez des tours et des gares que constellaient mes yeux

En Sibérie tonnait le canon, c’était la guerre
La faim le froid la peste le choléra
Et les eaux limoneuses de l’Amour charriaient des millions de charognes.
Dans toutes les gares je voyais partir tous les derniers trains
Personne ne pouvait plus partir car on ne délivrait plus de billets
Et les soldats qui s’en allaient auraient bien voulu rester…
Un vieux moine me chantait la légende de Novgorode.

Moi, le mauvais poète qui ne voulais aller nulle part, je pouvais aller partout
Et aussi les marchands avaient encore assez d’argent
Pour aller tenter faire fortune.
Leur train partait tous les vendredis matin.
On disait qu’il y avait beaucoup de morts.
L’un emportait cent caisses de réveils et de coucous de la Forêt-Noire
Un autre, des boîtes à chapeaux, des cylindres et un assortiment de tire-bouchons de Sheffield
Un autre, des cercueils de Malmoë remplis de boîtes de conserve et de sardines à l’huile
Puis il y avait beaucoup de femmes
Des femmes, des entre-jambes à louer qui pouvaient aussi servir
De cercueils
Elles étaient toutes patentées
On disait qu’il y avait beaucoup de morts là-bas
Elles voyageaient à prix réduits
Et avaient toutes un compte-courant à la banque.

Or, un vendredi matin, ce fut enfin mon tour
On était en décembre
Et je partis moi aussi pour accompagner le voyageur en bijouterie qui se rendait à Kharbine
Nous avions deux coupés dans l’express et 34 coffres de joaillerie de Pforzheim
De la camelote allemande “Made in Germany”
Il m’avait habillé de neuf, et en montant dans le train j’avais perdu un bouton
– Je m’en souviens, je m’en souviens, j’y ai souvent pensé depuis –
Je couchais sur les coffres et j’étais tout heureux de pouvoir jouer avec le browning nickelé qu’il m’avait aussi donné

J’étais très heureux insouciant
Je croyais jouer aux brigands
Nous avions volé le trésor de Golconde
Et nous allions, grâce au transsibérien, le cacher de l’autre côté du monde
Je devais le défendre contre les voleurs de l’Oural qui avaient attaqué les saltimbanques de Jules Verne
Contre les khoungouzes, les boxers de la Chine
Et les enragés petits mongols du Grand-Lama
Alibaba et les quarante voleurs
Et les fidèles du terrible Vieux de la montagne
Et surtout, contre les plus modernes
Les rats d’hôtel
Et les spécialistes des express internationaux.

Et pourtant, et pourtant
J’étais triste comme un enfant.
Les rythmes du train
La “moëlle chemin-de-fer” des psychiatres américains
Le bruit des portes des voix des essieux grinçant sur les rails congelés
Le ferlin d’or de mon avenir
Mon browning le piano et les jurons des joueurs de cartes dans le compartiment d’à côté
L’épatante présence de Jeanne
L’homme aux lunettes bleues qui se promenait nerveusement dans le couloir et qui me regardait en passant
Froissis de femmes
Et le sifflement de la vapeur
Et le bruit éternel des roues en folie dans les ornières du ciel
Les vitres sont givrées
Pas de nature!
Et derrière les plaines sibériennes, le ciel bas et les grandes ombres des Taciturnes qui montent et qui descendent

Je suis couché dans un plaid
Bariolé
Comme ma vie
Et ma vie ne me tient pas plus chaud que ce châle Écossais
Et l’Europe tout entière aperçue au coupe-vent d’un express à toute vapeur
N’est pas plus riche que ma vie
Ma pauvre vie
Ce châle
Effiloché sur des coffres remplis d’or
Avec lesquels je roule
Que je rêve
Que je fume
Et la seule flamme de l’univers
Est une pauvre pensée…

Copier/coller de base... Eh bien ! reprends-le donc ce peu de fange obscure Qui pour quelques instants s'anima sous ta main ; Dans ton dédain superbe, implacable Nature, Brise à jamais le moule humain. De ces tristes débris quand tu verrais, ravie, D'autres créations éclore à grands essaims, Ton Idée éclater en des formes de vie Plus dociles à tes desseins, Est-ce à dire que Lui, ton espoir, ta chimère, Parce qu'il fut rêvé, puisse un jour exister ? Tu crois avoir conçu, tu voudrais être mère ; A l'œuvre ! il s'agit d'enfanter. Change en réalité ton attente sublime. Mais quoi ! pour les franchir, malgré tous tes élans, La distance est trop grande et trop profond l'abîme Entre ta pensée et tes flancs. La mort est le seul fruit qu'en tes crises futures Il te sera donné d'atteindre et de cueillir ; Toujours nouveaux débris, toujours des créatures Que tu devras ensevelir. Car sur ta route en vain l'âge à l'âge succède ; Les tombes, les berceaux ont beau s'accumuler, L'Idéal qui te fuit, l'Ideal qui t'obsède, A l'infini pour reculer. L'objet de ta poursuite éternelle et sans trêve Demeure un but trompeur à ton vol impuissant Et, sous le nimbe ardent du désir et du rêve, N'est qu'un fantôme éblouissant. Il resplendit de loin, mais reste inaccessible. Prodigue de travaux, de luttes, de trépas, Ta main me sacrifie à ce fils impossible ; Je meurs, et Lui ne naîtra pas. Pourtant je suis ton fils aussi ; réel, vivace, Je sortis de tes bras des les siècles lointains ; Je porte dans mon cœur, je porte sur ma face, Le signe empreint des hauts destins. Un avenir sans fin s'ouvrait ; dans la carrière Le Progrès sur ses pas me pressait d'avancer ; Tu n'aurais même encor qu'à lever la barrière : Je suis là, prêt à m'élancer. Je serais ton sillon ou ton foyer intense ; Tu peux selon ton gré m'ouvrir ou m'allumer. Une unique étincelle, ô mère ! une semence ! Tout s'enflamme ou tout va germer. Ne suis-je point encor seul à te trouver belle ? J'ai compté tes trésors, j'atteste ton pouvoir, Et mon intelligence, ô Nature éternelle ! T'a tendu ton premier miroir. En retour je n'obtiens que dédain et qu'offense. Oui, toujours au péril et dans les vains combats ! Éperdu sur ton sein, sans recours ni défense, Je m'exaspère et me débats. Ah ! si du moins ma force eût égalé ma rage, Je l'aurais déchiré ce sein dur et muet : Se rendant aux assauts de mon ardeur sauvage, Il m'aurait livré son secret. C'en est fait, je succombe, et quand tu dis : « J'aspire ! » Je te réponds : « Je souffre ! » infirme, ensanglanté ; Et par tout ce qui naît , par tout ce qui respire, Ce cri terrible est répété. Oui, je souffre ! et c'est toi, mère, qui m'extermines, Tantôt frappant mes flancs, tantôt blessant mon cœur ; Mon être tout entier, par toutes ses racines, Plonge sans fond dans la douleur. J'offre sous le soleil un lugubre spectacle. Ne naissant, ne vivant que pour agoniser. L'abîme s'ouvre ici, là se dresse l'obstacle : Ou m'engloutir, ou me briser ! Mais, jusque sous le coup du désastre suprême, Moi, l'homme, je t'accuse à la face des cieux. Créatrice, en plein front reçois donc l'anathème De cet atome audacieux. Sois maudite, ô marâtre ! en tes œuvres immenses, Oui, maudite à ta source et dans tes éléments, Pour tous tes abandons, tes oublis, tes démences, Aussi pour tes avortements ! Que la Force en ton sein s'épuise perte à perte ! Que la Matière, à bout de nerf et de ressort, Reste sans mouvement, et se refuse, inerte, A te suivre dans ton essor ! Qu'envahissant les cieux, I'Immobilité morne Sous un voile funèbre éteigne tout flambeau, Puisque d'un univers magnifique et sans borne Tu n'as su faire qu'un tombeau ! L’Homme à la Nature L’homme à la Nature Louise Ackermann
AnonymeIl y a 7 ans

Copier/coller de base...

Eh bien ! reprends-le donc ce peu de fange obscure
Qui pour quelques instants s'anima sous ta main ;
Dans ton dédain superbe, implacable Nature,
Brise à jamais le moule humain.

De ces tristes débris quand tu verrais, ravie,
D'autres créations éclore à grands essaims,
Ton Idée éclater en des formes de vie
Plus dociles à tes desseins,

Est-ce à dire que Lui, ton espoir, ta chimère,
Parce qu'il fut rêvé, puisse un jour exister ?
Tu crois avoir conçu, tu voudrais être mère ;
A l'œuvre ! il s'agit d'enfanter.

Change en réalité ton attente sublime.
Mais quoi ! pour les franchir, malgré tous tes élans,
La distance est trop grande et trop profond l'abîme
Entre ta pensée et tes flancs.

La mort est le seul fruit qu'en tes crises futures
Il te sera donné d'atteindre et de cueillir ;
Toujours nouveaux débris, toujours des créatures
Que tu devras ensevelir.

Car sur ta route en vain l'âge à l'âge succède ;
Les tombes, les berceaux ont beau s'accumuler,
L'Idéal qui te fuit, l'Ideal qui t'obsède,
A l'infini pour reculer.

L'objet de ta poursuite éternelle et sans trêve
Demeure un but trompeur à ton vol impuissant
Et, sous le nimbe ardent du désir et du rêve,
N'est qu'un fantôme éblouissant.

Il resplendit de loin, mais reste inaccessible.
Prodigue de travaux, de luttes, de trépas,
Ta main me sacrifie à ce fils impossible ;
Je meurs, et Lui ne naîtra pas.

Pourtant je suis ton fils aussi ; réel, vivace,
Je sortis de tes bras des les siècles lointains ;
Je porte dans mon cœur, je porte sur ma face,
Le signe empreint des hauts destins.

Un avenir sans fin s'ouvrait ; dans la carrière
Le Progrès sur ses pas me pressait d'avancer ;
Tu n'aurais même encor qu'à lever la barrière :
Je suis là, prêt à m'élancer.

Je serais ton sillon ou ton foyer intense ;
Tu peux selon ton gré m'ouvrir ou m'allumer.
Une unique étincelle, ô mère ! une semence !
Tout s'enflamme ou tout va germer.

Ne suis-je point encor seul à te trouver belle ?
J'ai compté tes trésors, j'atteste ton pouvoir,
Et mon intelligence, ô Nature éternelle !
T'a tendu ton premier miroir.

En retour je n'obtiens que dédain et qu'offense.
Oui, toujours au péril et dans les vains combats !
Éperdu sur ton sein, sans recours ni défense,
Je m'exaspère et me débats.

Ah ! si du moins ma force eût égalé ma rage,
Je l'aurais déchiré ce sein dur et muet :
Se rendant aux assauts de mon ardeur sauvage,
Il m'aurait livré son secret.

C'en est fait, je succombe, et quand tu dis : « J'aspire ! »
Je te réponds : « Je souffre ! » infirme, ensanglanté ;
Et par tout ce qui naît , par tout ce qui respire,
Ce cri terrible est répété.

Oui, je souffre ! et c'est toi, mère, qui m'extermines,
Tantôt frappant mes flancs, tantôt blessant mon cœur ;
Mon être tout entier, par toutes ses racines,
Plonge sans fond dans la douleur.

J'offre sous le soleil un lugubre spectacle.
Ne naissant, ne vivant que pour agoniser.
L'abîme s'ouvre ici, là se dresse l'obstacle :
Ou m'engloutir, ou me briser !

Mais, jusque sous le coup du désastre suprême,
Moi, l'homme, je t'accuse à la face des cieux.
Créatrice, en plein front reçois donc l'anathème
De cet atome audacieux.

Sois maudite, ô marâtre ! en tes œuvres immenses,
Oui, maudite à ta source et dans tes éléments,
Pour tous tes abandons, tes oublis, tes démences,
Aussi pour tes avortements !

Que la Force en ton sein s'épuise perte à perte !
Que la Matière, à bout de nerf et de ressort,
Reste sans mouvement, et se refuse, inerte,
A te suivre dans ton essor !

Qu'envahissant les cieux, I'Immobilité morne
Sous un voile funèbre éteigne tout flambeau,
Puisque d'un univers magnifique et sans borne
Tu n'as su faire qu'un tombeau !
L’Homme à la Nature

L’homme à la Nature

Louise Ackermann

une conférence sur l'insurrection poétique, la poésie sauvera le monde https://www.youtube.com/watch?v=gsaHiDgIMDo
AnonymeIl y a 7 ans

une conférence sur l'insurrection poétique, la poésie sauvera le monde


https://www.youtube.com/watch?v=gsaHiDgIMDo

Ca fat bien longtemps qu'AImé Césaire nous l'a dit :)
Maitre Kaio Il y a 7 ans

Ca fat bien longtemps qu'AImé Césaire nous l'a dit

anna de noailles A Il n'est pas un instant Il n'est pas un instant où près de toi couchée Dans la tombe ouverte d'un lit, Je n'évoque le jour où ton âme arrachée Livrera ton corps à l'oubli. [...] Quand ma main sur ton coeur pieusement écoute S'apaiser le feu du combat, Et que ton sang reprend paisiblement sa route, Et que tu respires plus bas, Quand, lassés de l'immense et mouvante folie Qui rend les esprits dévorants, Nous gisons, rapprochés par la langueur qui lie Le veilleur las et le mourant, Je songe qu'il serait juste, propice et tendre D'expirer dans ce calme instant Où, soi-même, on ne peut rien sentir, rien entendre Que la paix de son coeur content. Ainsi l'on nous mettrait ensemble dans la terre, Où, seule, j'eus si peur d'aller ; La tombe me serait un moins sombre mystère Que vivre seule et t'appeler. Et je me réjouirais d'être un repas funèbre Et d'héberger la mort qui se nourrit de nous, Si je sentais encor, dans ce lit des ténèbres, L'emmêlement de nos genoux... B La vie profonde Être dans la nature ainsi qu'un arbre humain, Étendre ses désirs comme un profond feuillage, Et sentir, par la nuit paisible et par l'orage, La sève universelle affluer dans ses mains ! Vivre, avoir les rayons du soleil sur la face, Boire le sel ardent des embruns et des pleurs, Et goûter chaudement la joie et la douleur Qui font une buée humaine dans l'espace ! Sentir, dans son coeur vif, l'air, le feu et le sang Tourbillonner ainsi que le vent sur la terre. - S'élever au réel et pencher au mystère, Être le jour qui monte et l'ombre qui descend. Comme du pourpre soir aux couleurs de cerise, Laisser du coeur vermeil couler la flamme et l'eau, Et comme l'aube claire appuyée au coteau Avoir l'âme qui rêve, au bord du monde assise...
AnonymeIl y a 7 ans

anna de noailles

A Il n'est pas un instant

Il n'est pas un instant où près de toi couchée
Dans la tombe ouverte d'un lit,
Je n'évoque le jour où ton âme arrachée
Livrera ton corps à l'oubli. [...]

Quand ma main sur ton coeur pieusement écoute
S'apaiser le feu du combat,
Et que ton sang reprend paisiblement sa route,
Et que tu respires plus bas,

Quand, lassés de l'immense et mouvante folie
Qui rend les esprits dévorants,
Nous gisons, rapprochés par la langueur qui lie
Le veilleur las et le mourant,

Je songe qu'il serait juste, propice et tendre
D'expirer dans ce calme instant
Où, soi-même, on ne peut rien sentir, rien entendre
Que la paix de son coeur content.

Ainsi l'on nous mettrait ensemble dans la terre,
Où, seule, j'eus si peur d'aller ;
La tombe me serait un moins sombre mystère
Que vivre seule et t'appeler.

Et je me réjouirais d'être un repas funèbre
Et d'héberger la mort qui se nourrit de nous,
Si je sentais encor, dans ce lit des ténèbres,
L'emmêlement de nos genoux...



B La vie profonde

Être dans la nature ainsi qu'un arbre humain,
Étendre ses désirs comme un profond feuillage,
Et sentir, par la nuit paisible et par l'orage,
La sève universelle affluer dans ses mains !

Vivre, avoir les rayons du soleil sur la face,
Boire le sel ardent des embruns et des pleurs,
Et goûter chaudement la joie et la douleur
Qui font une buée humaine dans l'espace !

Sentir, dans son coeur vif, l'air, le feu et le sang
Tourbillonner ainsi que le vent sur la terre.
- S'élever au réel et pencher au mystère,
Être le jour qui monte et l'ombre qui descend.

Comme du pourpre soir aux couleurs de cerise,
Laisser du coeur vermeil couler la flamme et l'eau,
Et comme l'aube claire appuyée au coteau
Avoir l'âme qui rêve, au bord du monde assise...

https://www.youtube.com/watch?v=iV45oywrack
AnonymeIl y a 7 ans


https://www.youtube.com/watch?v=iV45oywrack

[quote="Maitre Kaio"]Ca fat bien longtemps qu'AImé Césaire nous l'a dit :)[/quote] bien vu, je suis en train de lire le livre de siméon sur l'insurrection poétique, il cite césaire :), extrait: "Si je m'efforce à la faveur du Printemps des Poètes, de multiplier les manifestations du poème à l'état brut dans l'espace public,(...) c'est bien donc parce-que je crois que le seul énoncé d'un haiku de Basho ou d'un aphorisme de Char, ruine le bavardage des discours. Je fais mienne cette conviction d'Aimé Césaire: "Je refuse l'antinomie révolution et utopie, praxis et imagination. Je considère que l'action se fait précisément par l'imagination et par le verbe." Quand celui, quiconque parmi nous, qui est confronté quotidiennement à l'omniprésence sans échappatoire du "communiqué" qui organise de façon comminatoire sa lecture du réel (voyez la significative hypertrophie de la prévision météorologique qui fait que l'on regarde l'écran pour se vêtir et non le ciel), quand son oreille est accoutumée à la langue nette et sans bavure des experts en tout genre, quand il entend soudain, celui-là, comme par effraction , la langue du poème, il sait du moins qu'une autre langue est possible, que d'autres représentations du réel sont disponibles. Le vers, si j'ose dire, est déjà dans le fruit du consensus: "la poésie est ce qui n'exige pas d'être compris et qui exige la révolte de l'oreille" disait Aragon. Cette révolte de l'oreille: les prémisses d'un réveil de la conscience. On me dira que tout geste artistique porte par principe cette objection. C'est vrai mais le poème est le seul, parce-que qu'il est indemne de tout enjeu économique ou distractif. Le poème a aussi cette vertu: il ne demande pour exister publiquement ni infrastructure technique, ni dispositif particulier, ni lieu dédié, ni scénographie dispendieuse. Il ne lui faut que la voix, l'oreille et le silence, (...) bref le poème nu, la petite voix du poème dont parle Francis Dannemark, cela suffit pour provoquer chez tout un chacun, cette chose oubliée, abîmée, dévaluée: l'étonnement. Du Bouchet disait: "la poésie n'est qu'une certaine sorte d'étonnement et les moyens de cet étonnement."
AnonymeIl y a 7 ans

Ca fat bien longtemps qu'AImé Césaire nous l'a dit


bien vu, je suis en train de lire le livre de siméon sur l'insurrection poétique, il cite césaire , extrait:

"Si je m'efforce à la faveur du Printemps des Poètes, de multiplier les manifestations du poème à l'état brut dans l'espace public,(...) c'est bien donc parce-que je crois que le seul énoncé d'un haiku de Basho ou d'un aphorisme de Char, ruine le bavardage des discours. Je fais mienne cette conviction d'Aimé Césaire: "Je refuse l'antinomie révolution et utopie, praxis et imagination. Je considère que l'action se fait précisément par l'imagination et par le verbe." Quand celui, quiconque parmi nous, qui est confronté quotidiennement à l'omniprésence sans échappatoire du "communiqué" qui organise de façon comminatoire sa lecture du réel (voyez la significative hypertrophie de la prévision météorologique qui fait que l'on regarde l'écran pour se vêtir et non le ciel), quand son oreille est accoutumée à la langue nette et sans bavure des experts en tout genre, quand il entend soudain, celui-là, comme par effraction , la langue du poème, il sait du moins qu'une autre langue est possible, que d'autres représentations du réel sont disponibles. Le vers, si j'ose dire, est déjà dans le fruit du consensus: "la poésie est ce qui n'exige pas d'être compris et qui exige la révolte de l'oreille" disait Aragon. Cette révolte de l'oreille: les prémisses d'un réveil de la conscience.
On me dira que tout geste artistique porte par principe cette objection. C'est vrai mais le poème est le seul, parce-que qu'il est indemne de tout enjeu économique ou distractif. Le poème a aussi cette vertu: il ne demande pour exister publiquement ni infrastructure technique, ni dispositif particulier, ni lieu dédié, ni scénographie dispendieuse. Il ne lui faut que la voix, l'oreille et le silence, (...) bref le poème nu, la petite voix du poème dont parle Francis Dannemark, cela suffit pour provoquer chez tout un chacun, cette chose oubliée, abîmée, dévaluée: l'étonnement. Du Bouchet disait: "la poésie n'est qu'une certaine sorte d'étonnement et les moyens de cet étonnement."

Épilogue dans le recueil des poètes poème d’Aragon Je me tiens sur le seuil de la vie et de la mort les yeux baissés les mains vides Et la mer dont j'entends le bruit est une mer qui ne rend jamais ses noyés Et l'on va disperser mon âme après moi vendre à l'encan mes rêves broyés Voilà déjà que mes paroles sèchent comme une feuille à ma lèvre humide J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon cœur quatre fois y battre Quitte à en en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chant Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie et son champ Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre J'ai choisi de donner à mes vers cette envergure de crucifixion Et qu'en tombe au hasard la chance n'importe où sur moi le couteau des césures Il me faut bien à la fin des fins atteindre une mesure à ma démesure Pour à la taille de la réalité faire un manteau de mes fictions Cette vie aura passée comme un grand château triste que tous les vents traversent Les courants d'air claquent les portes et pourtant aucune chambre n'est fermée Il s'y assied des inconnus pauvres et las qui sait pourquoi certains armés Les herbes ont poussé dans les fossés si bien qu'on ne peut plus baisser la herse Dans cette demeure en tout cas anciens ou nouveaux nous ne sommes pas chez nous Personne à coup sûr ne sait ce qui le mène ici tout peut-être n'est qu'un songe Certains ont froid d'autres ont faim la plupart des gens ont un secret qui les ronge De temps en temps passent des rois sans visage On se met devant eux à genoux Quand j'étais jeune on me racontait que bientôt viendrait la victoire des anges Ah comme j'y ai cru comme j'y ai cru puis voilà que je suis devenu vieux Le temps des jeunes gens leur est une mèche toujours retombant dans les yeux Et ce qui l'en reste aux vieillards est trop lourd et trop court que pour eux le vent change Ils s'interrogent sur l'essentiel sur ce qui vaut encore qu'on s'y voue Ils voient le peu qu'ils ont fait parcourant ce chantier monstrueux qu'ils abandonnent L'ombre préférée à la proie ô pauvre gens l'avenir qui n'est à personne Petits qui jouez dans la rue enfants quelle pitié sans borne j'ai de vous Je vois tout ce que vous avez devant vous de malheur de sang de lassitude Vous aurez rien appris de nos illusions rien de nos faux pas compris Nous ne vous aurons à rien servi vous devrez à votre tour payer le prix Je vois se plier votre épaule A votre front je vois le plis des habitudes Bien sur vous me direz que c'est toujours comme cela mais justement Songez à tous ceux qui mirent leurs doigts vivants leurs mains de chair dans l'engrenage Pour que cela change et songez à ceux qui ne discutaient même pas leur cage Est-ce qu'on peut avoir le droit au désespoir le droit de s'arrêter un moment Et vienne un jour quand vous aurez sur vous le soleil insensé de la victoire Rappelez-vous que nous avons aussi connu cela que d'autres sont montés Arracher le drapeau de servitude à l'Acropole et qu'on les a jetés Eux et leur gloire encore haletants dans la fosse commune de l'histoire Songez qu'on arrête jamais de se battre et qu'avoir vaincu n'est trois fois rien Et que tout est remis en cause du moment que l'homme de l'homme est comptable Nous avons vu faire de grandes choses mais il y en eut d'épouvantables Car il n'est pas toujours facile de savoir où est le mal où est le bien Vous passerez par où nous passâmes naguère en vous je lis à livre ouvert J'entends ce cœur qui bat en vous comme un cœur me semble-t-il en moi battait Vous l'userez je sais comment et comment cette chose en vous s'éteint se tait Comment l'automne se défarde et le silence autour d'une rose d'hiver Je ne dis pas cela pour démoraliser Il faut regarder le néant En face pour savoir triompher Le chant n'est pas moins beau quand il décline Il faut savoir ailleurs l'entendre qui renaît comme l'écho dans les collines Nous ne sommes pas seuls au monde à chanter et le drame est l'ensemble des chants Le drame il faut savoir y tenir sa partie et même qu'une voix se taise Sachez-le toujours le chœur profond reprend la phrase interrompue Du moment que jusqu'au bout de lui-même le chanteur a fait ce qu'il a pu Qu'importe si chemin faisant vous allez m'abandonner comme une hypothèse Je vous laisse à mon tour comme le danseur qui se lève une dernière fois Ne lui reprochez pas dans ses yeux s'il trahit déjà ce qu'il porte en lui d'ombre Je ne peux plus vous faire d'autres cadeaux que ceux de cette lumière sombre Hommes de demains soufflez sur les charbons A vous dire ce que je vois https://www.youtube.com/watch?v=HZ3ZMJVxvk0
AnonymeIl y a 7 ans

Épilogue dans le recueil des poètes

poème d’Aragon



Je me tiens sur le seuil de la vie et de la mort les yeux baissés les mains vides
Et la mer dont j'entends le bruit est une mer qui ne rend jamais ses noyés
Et l'on va disperser mon âme après moi vendre à l'encan mes rêves broyés
Voilà déjà que mes paroles sèchent comme une feuille à ma lèvre humide

J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon cœur quatre fois y battre
Quitte à en en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie et son champ
Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre

J'ai choisi de donner à mes vers cette envergure de crucifixion
Et qu'en tombe au hasard la chance n'importe où sur moi le couteau des césures
Il me faut bien à la fin des fins atteindre une mesure à ma démesure
Pour à la taille de la réalité faire un manteau de mes fictions

Cette vie aura passée comme un grand château triste que tous les vents traversent
Les courants d'air claquent les portes et pourtant aucune chambre n'est fermée
Il s'y assied des inconnus pauvres et las qui sait pourquoi certains armés
Les herbes ont poussé dans les fossés si bien qu'on ne peut plus baisser la herse

Dans cette demeure en tout cas anciens ou nouveaux nous ne sommes pas chez nous
Personne à coup sûr ne sait ce qui le mène ici tout peut-être n'est qu'un songe
Certains ont froid d'autres ont faim la plupart des gens ont un secret qui les ronge
De temps en temps passent des rois sans visage On se met devant eux à genoux

Quand j'étais jeune on me racontait que bientôt viendrait la victoire des anges
Ah comme j'y ai cru comme j'y ai cru puis voilà que je suis devenu vieux
Le temps des jeunes gens leur est une mèche toujours retombant dans les yeux
Et ce qui l'en reste aux vieillards est trop lourd et trop court que pour eux le vent change

Ils s'interrogent sur l'essentiel sur ce qui vaut encore qu'on s'y voue
Ils voient le peu qu'ils ont fait parcourant ce chantier monstrueux qu'ils abandonnent
L'ombre préférée à la proie ô pauvre gens l'avenir qui n'est à personne
Petits qui jouez dans la rue enfants quelle pitié sans borne j'ai de vous

Je vois tout ce que vous avez devant vous de malheur de sang de lassitude
Vous aurez rien appris de nos illusions rien de nos faux pas compris
Nous ne vous aurons à rien servi vous devrez à votre tour payer le prix
Je vois se plier votre épaule A votre front je vois le plis des habitudes

Bien sur vous me direz que c'est toujours comme cela mais justement
Songez à tous ceux qui mirent leurs doigts vivants leurs mains de chair dans l'engrenage
Pour que cela change et songez à ceux qui ne discutaient même pas leur cage
Est-ce qu'on peut avoir le droit au désespoir le droit de s'arrêter un moment

Et vienne un jour quand vous aurez sur vous le soleil insensé de la victoire
Rappelez-vous que nous avons aussi connu cela que d'autres sont montés
Arracher le drapeau de servitude à l'Acropole et qu'on les a jetés
Eux et leur gloire encore haletants dans la fosse commune de l'histoire

Songez qu'on arrête jamais de se battre et qu'avoir vaincu n'est trois fois rien
Et que tout est remis en cause du moment que l'homme de l'homme est comptable
Nous avons vu faire de grandes choses mais il y en eut d'épouvantables
Car il n'est pas toujours facile de savoir où est le mal où est le bien

Vous passerez par où nous passâmes naguère en vous je lis à livre ouvert
J'entends ce cœur qui bat en vous comme un cœur me semble-t-il en moi battait
Vous l'userez je sais comment et comment cette chose en vous s'éteint se tait
Comment l'automne se défarde et le silence autour d'une rose d'hiver

Je ne dis pas cela pour démoraliser Il faut regarder le néant
En face pour savoir triompher Le chant n'est pas moins beau quand il décline
Il faut savoir ailleurs l'entendre qui renaît comme l'écho dans les collines
Nous ne sommes pas seuls au monde à chanter et le drame est l'ensemble des chants

Le drame il faut savoir y tenir sa partie et même qu'une voix se taise
Sachez-le toujours le chœur profond reprend la phrase interrompue
Du moment que jusqu'au bout de lui-même le chanteur a fait ce qu'il a pu
Qu'importe si chemin faisant vous allez m'abandonner comme une hypothèse

Je vous laisse à mon tour comme le danseur qui se lève une dernière fois
Ne lui reprochez pas dans ses yeux s'il trahit déjà ce qu'il porte en lui d'ombre
Je ne peux plus vous faire d'autres cadeaux que ceux de cette lumière sombre
Hommes de demains soufflez sur les charbons
A vous dire ce que je vois


https://www.youtube.com/watch?v=HZ3ZMJVxvk0

merci @audrey83 joli ce poème :)
Eléa Il y a 7 ans

merci @audrey83

joli ce poème

La tourbe brûle en nos marais Depuis déjà quatre semaines, L'oiseau se tait dans la forêt, Et le tremble frissonne à peine. Depuis Pâques, pas un seul jour De pluie... et la chaleur persiste ; Vint un passant unijambiste Qui prophétisa dans la cour : « Nous allons vers des temps affreux, Vers la faim, la terreur, la peste ; Vers des charniers et deuils nombreux, Vers l'éclipse des feux célestes. « Mais notre ennemi ne pourra Jamais nous prendre notre terre ; Sur nos douleurs elle étendra Son manteau blanc, la Sainte Mère.  » *** Mon sourire, quittant mes lèvres, Est emporté par un vent froid ; Encore un espoir qui décroît, Tandis qu'un chant naît sur mes lèvres. Ô solitude, ô ma douleur, L'amour blessé ne peut se taire ! Comme une plainte involontaire J'offre mon chant aux persifleurs. *** Donne-moi de longues tristesses, L'asthme, l'insomnie, les frissons, Prends mon enfant, et ne me laisse Ni mon ami ni mes chansons. Ainsi, mon ardente prière Monte dans ces jours de douleur, Afin que chasse la lumière, Russie, tes nuages de pleurs. Anna AKHMATOVA - Juillet 1914
AnonymeIl y a 7 ans

La tourbe brûle en nos marais
Depuis déjà quatre semaines,
L'oiseau se tait dans la forêt,
Et le tremble frissonne à peine.

Depuis Pâques, pas un seul jour
De pluie... et la chaleur persiste ;
Vint un passant unijambiste
Qui prophétisa dans la cour :

« Nous allons vers des temps affreux,
Vers la faim, la terreur, la peste ;
Vers des charniers et deuils nombreux,
Vers l'éclipse des feux célestes.

« Mais notre ennemi ne pourra
Jamais nous prendre notre terre ;
Sur nos douleurs elle étendra
Son manteau blanc, la Sainte Mère.  »

***

Mon sourire, quittant mes lèvres,
Est emporté par un vent froid ;
Encore un espoir qui décroît,
Tandis qu'un chant naît sur mes lèvres.

Ô solitude, ô ma douleur,
L'amour blessé ne peut se taire !
Comme une plainte involontaire
J'offre mon chant aux persifleurs.

***

Donne-moi de longues tristesses,
L'asthme, l'insomnie, les frissons,
Prends mon enfant, et ne me laisse
Ni mon ami ni mes chansons.

Ainsi, mon ardente prière
Monte dans ces jours de douleur,
Afin que chasse la lumière,
Russie, tes nuages de pleurs.

Anna AKHMATOVA - Juillet 1914

Victor Hugo cité à la place de la Bastille le 18 mars 2017 https://www.youtube.com/watch?v=EoRkGlEgdx8 La Révolution, c’est la France sublimée. Il s’est trouvé un jour que la France a été dans la fournaise, les fournaises à de certaines martyres guerrières font pousser des ailes, et de ces flammes cette géante est sortie archange. Aujourd’hui pour toute la terre la France s’appelle Révolution ; et désormais ce mot, Révolution, sera le nom de la civilisation jusqu’à ce qu’il soit remplacé par le mot Harmonie. Je le répète, ne cherchez pas ailleurs le point d’origine et le lieu de naissance de la littérature du dix-neuvième siècle. Oui, tous tant que nous sommes, grands et petits, puissants et méconnus, illustres et obscurs, dans toutes nos œuvres, bonnes ou mauvaises, quelles qu’elles soient, poèmes, drames, romans, histoire, philosophie, à la tribune des assemblées comme devant les foules du théâtre, comme dans le recueillement des solitudes, oui, partout, oui, toujours, oui, pour combattre les violences et les impostures, oui, pour réhabiliter les lapidés et les accablés, oui, pour conclure logiquement et marcher droit, oui, pour consoler, pour secourir, pour relever, pour encourager, pour enseigner, oui, pour panser en attendant qu’on guérisse, oui, pour transformer la charité en fraternité, l’aumône en assistance, la fainéantise en travail, l’oisiveté en utilité, la centralisation en famille, l’iniquité en justice, le bourgeois en citoyen, la populace en peuple, la canaille en nation, les nations en humanité, la guerre en amour, le préjugé en examen, les frontières en soudures, les limites en ouvertures, les ornières en rails, les sacristies en temples, l’instinct du mal en volonté du bien, la vie en droit, les rois en hommes, oui, pour ôter des religions l’enfer et des sociétés le bagne, oui, pour être frères du misérable, du serf, du fellah, du prolétaire, du déshérité, de l’exploité, du trahi, du vaincu, du vendu, de l’enchaîné, du sacrifié, de la prostituée, du forçat, de l’ignorant, du sauvage, de l’esclave, du nègre, du condamné et du damné, oui, nous sommes tes fils, Révolution !”
AnonymeIl y a 7 ans

Victor Hugo cité à la place de la Bastille le 18 mars 2017


https://www.youtube.com/watch?v=EoRkGlEgdx8

La Révolution, c’est la France sublimée.
Il s’est trouvé un jour que la France a été dans la fournaise,
les fournaises à de certaines martyres guerrières font pousser des ailes,
et de ces flammes cette géante est sortie archange.
Aujourd’hui pour toute la terre la France s’appelle Révolution ;
et désormais ce mot, Révolution, sera le nom de la civilisation
jusqu’à ce qu’il soit remplacé par le mot Harmonie.
Je le répète,
ne cherchez pas ailleurs le point d’origine et le lieu de naissance
de la littérature du dix-neuvième siècle.

Oui, tous tant que nous sommes,
grands et petits,
puissants et méconnus,
illustres et obscurs,
dans toutes nos œuvres,
bonnes ou mauvaises, quelles qu’elles soient,
poèmes, drames, romans, histoire, philosophie, à la tribune des assemblées
comme devant les foules du théâtre,
comme dans le recueillement des solitudes,
oui, partout,
oui, toujours,
oui, pour combattre les violences et les impostures,
oui, pour réhabiliter les lapidés et les accablés,
oui, pour conclure logiquement et marcher droit,
oui, pour consoler, pour secourir, pour relever, pour encourager, pour enseigner,
oui, pour panser en attendant qu’on guérisse,
oui, pour transformer
la charité en fraternité,
l’aumône en assistance,
la fainéantise en travail,
l’oisiveté en utilité,
la centralisation en famille,
l’iniquité en justice,
le bourgeois en citoyen,
la populace en peuple,
la canaille en nation,
les nations en humanité,
la guerre en amour,
le préjugé en examen,
les frontières en soudures,
les limites en ouvertures,
les ornières en rails,
les sacristies en temples,
l’instinct du mal en volonté du bien,
la vie en droit, les rois en hommes,
oui, pour ôter des religions l’enfer et des sociétés le bagne,
oui, pour être frères du misérable, du serf, du fellah, du prolétaire,
du déshérité, de l’exploité, du trahi, du vaincu, du vendu, de l’enchaîné,
du sacrifié, de la prostituée, du forçat, de l’ignorant, du sauvage,
de l’esclave, du nègre, du condamné et du damné,
oui, nous sommes tes fils, Révolution !”

Ta rage coule dans mes veines Ton feu fais fondre ma peine Ta fougue caresse ma révolte Ta poésie me transporte pour un nouvel envol Ton chant me fait percevoir l'horizon de l'éternité et de l'infini...
BettyBoop Il y a 7 ans

Ta rage coule dans mes veines
Ton feu fais fondre ma peine
Ta fougue caresse ma révolte
Ta poésie me transporte pour un nouvel envol
Ton chant me fait percevoir l'horizon de l'éternité et de l'infini...

[b]"Chanson du miroir déserté"[/b] Où es-tu toi dans moi qui bouges Toi qui flambes dans moi soudain Et ce mouvement de ta main Pour mettre à tes lèvres du rouge Où es-tu plaisir de ma nuit Ma fugitive passagère Ma reine aux cheveux de fougère Avec tes yeux couleur de pluie J'attends la musique où tu passes Comme la terre le printemps Et l'eau dormante de l'étang La rame glissant sur sa face Dans mon cadre profond et sombre Je t'offre mes regards secrets Approche toi plus près plus près Pour occuper toute mon ombre Envahis-moi comme une armée Prends mes plaines prends mes collines Les parcs les palais les salines Les soirs les songes les fumées Montre-moi comme tu es belle Autant qu'un meurtre et qu'un complot Mieux que la bouche formant l'o Plus qu'un peuple qui se rebelle Sur les marais comme à l'affût Un passage de sauvagines En battant ce que j'imagine Anéantis ce que tu fus Reviens visage à mon visage Mets droits tes grands yeux dans tes yeux Rends-moi les nuages des cieux Rends-moi la vue et tes mirages Louis Aragon, [i]Elsa[/i] (1959)
NaNNaN Il y a 7 ans

"Chanson du miroir déserté"


Où es-tu toi dans moi qui bouges
Toi qui flambes dans moi soudain
Et ce mouvement de ta main
Pour mettre à tes lèvres du rouge

Où es-tu plaisir de ma nuit
Ma fugitive passagère
Ma reine aux cheveux de fougère
Avec tes yeux couleur de pluie

J'attends la musique où tu passes
Comme la terre le printemps
Et l'eau dormante de l'étang
La rame glissant sur sa face

Dans mon cadre profond et sombre
Je t'offre mes regards secrets
Approche toi plus près plus près
Pour occuper toute mon ombre

Envahis-moi comme une armée
Prends mes plaines prends mes collines
Les parcs les palais les salines
Les soirs les songes les fumées

Montre-moi comme tu es belle
Autant qu'un meurtre et qu'un complot
Mieux que la bouche formant l'o
Plus qu'un peuple qui se rebelle

Sur les marais comme à l'affût
Un passage de sauvagines
En battant ce que j'imagine
Anéantis ce que tu fus

Reviens visage à mon visage
Mets droits tes grands yeux dans tes yeux
Rends-moi les nuages des cieux
Rends-moi la vue et tes mirages


Louis Aragon, Elsa (1959)

[quote="audrey83"][quote="Maitre Kaio"]Ca fat bien longtemps qu'AImé Césaire nous l'a dit :)[/quote] bien vu, je suis en train de lire le livre de siméon sur l'insurrection poétique, il cite césaire :), extrait: "Si je m'efforce à la faveur du Printemps des Poètes, de multiplier les manifestations du poème à l'état brut dans l'espace public,(...) c'est bien donc parce-que je crois que le seul énoncé d'un haiku de Basho ou d'un aphorisme de Char, ruine le bavardage des discours. Je fais mienne cette conviction d'Aimé Césaire: "Je refuse l'antinomie révolution et utopie, praxis et imagination. Je considère que l'action se fait précisément par l'imagination et par le verbe." Quand celui, quiconque parmi nous, qui est confronté quotidiennement à l'omniprésence sans échappatoire du "communiqué" qui organise de façon comminatoire sa lecture du réel (voyez la significative hypertrophie de la prévision météorologique qui fait que l'on regarde l'écran pour se vêtir et non le ciel), quand son oreille est accoutumée à la langue nette et sans bavure des experts en tout genre, quand il entend soudain, celui-là, comme par effraction , la langue du poème, il sait du moins qu'une autre langue est possible, que d'autres représentations du réel sont disponibles. Le vers, si j'ose dire, est déjà dans le fruit du consensus: "la poésie est ce qui n'exige pas d'être compris et qui exige la révolte de l'oreille" disait Aragon. Cette révolte de l'oreille: les prémisses d'un réveil de la conscience. On me dira que tout geste artistique porte par principe cette objection. C'est vrai mais le poème est le seul, parce-que qu'il est indemne de tout enjeu économique ou distractif. Le poème a aussi cette vertu: il ne demande pour exister publiquement ni infrastructure technique, ni dispositif particulier, ni lieu dédié, ni scénographie dispendieuse. Il ne lui faut que la voix, l'oreille et le silence, (...) bref le poème nu, la petite voix du poème dont parle Francis Dannemark, cela suffit pour provoquer chez tout un chacun, cette chose oubliée, abîmée, dévaluée: l'étonnement. Du Bouchet disait: "la poésie n'est qu'une certaine sorte d'étonnement et les moyens de cet étonnement."[/quote] C'est fabuleux, ça!
musashi Il y a 7 ans

Ca fat bien longtemps qu'AImé Césaire nous l'a dit


bien vu, je suis en train de lire le livre de siméon sur l'insurrection poétique, il cite césaire , extrait:

"Si je m'efforce à la faveur du Printemps des Poètes, de multiplier les manifestations du poème à l'état brut dans l'espace public,(...) c'est bien donc parce-que je crois que le seul énoncé d'un haiku de Basho ou d'un aphorisme de Char, ruine le bavardage des discours. Je fais mienne cette conviction d'Aimé Césaire: "Je refuse l'antinomie révolution et utopie, praxis et imagination. Je considère que l'action se fait précisément par l'imagination et par le verbe." Quand celui, quiconque parmi nous, qui est confronté quotidiennement à l'omniprésence sans échappatoire du "communiqué" qui organise de façon comminatoire sa lecture du réel (voyez la significative hypertrophie de la prévision météorologique qui fait que l'on regarde l'écran pour se vêtir et non le ciel), quand son oreille est accoutumée à la langue nette et sans bavure des experts en tout genre, quand il entend soudain, celui-là, comme par effraction , la langue du poème, il sait du moins qu'une autre langue est possible, que d'autres représentations du réel sont disponibles. Le vers, si j'ose dire, est déjà dans le fruit du consensus: "la poésie est ce qui n'exige pas d'être compris et qui exige la révolte de l'oreille" disait Aragon. Cette révolte de l'oreille: les prémisses d'un réveil de la conscience.
On me dira que tout geste artistique porte par principe cette objection. C'est vrai mais le poème est le seul, parce-que qu'il est indemne de tout enjeu économique ou distractif. Le poème a aussi cette vertu: il ne demande pour exister publiquement ni infrastructure technique, ni dispositif particulier, ni lieu dédié, ni scénographie dispendieuse. Il ne lui faut que la voix, l'oreille et le silence, (...) bref le poème nu, la petite voix du poème dont parle Francis Dannemark, cela suffit pour provoquer chez tout un chacun, cette chose oubliée, abîmée, dévaluée: l'étonnement. Du Bouchet disait: "la poésie n'est qu'une certaine sorte d'étonnement et les moyens de cet étonnement."
@audrey83


C'est fabuleux, ça!

Pour ma part c'est Zeno Bianu, Olivier Larronde, Maram Al Masri, Richard Brautigan.... Pour moi la poésie, c'est rechercher les entrailles du vent...
plumepoete Il y a 7 ans

Pour ma part c'est Zeno Bianu, Olivier Larronde, Maram Al Masri, Richard Brautigan....

Pour moi la poésie, c'est rechercher les entrailles du vent...

" Je considère que l'action se fait précisément par l'imagination et par le verbe" Je n'ai jamais lu Aimé Cesaire ....... mais je crois bien que je vais devoir m'y mettre! Merci audrey83.
Bison_Ravi Il y a 7 ans

" Je considère que l'action se fait précisément par l'imagination et par le verbe"

Je n'ai jamais lu Aimé Cesaire ....... mais je crois bien que je vais devoir m'y mettre!

Merci audrey83.

A Marseille, à l'horizon y a une lumière bleue qui fait des codes de morse pour dicter des poèmes. L'oeuvre s'appelle "phare bleu n°1"
AnonymeIl y a 6 ans

A Marseille, à l'horizon y a une lumière bleue qui fait des codes de morse pour dicter des poèmes.

L'oeuvre s'appelle "phare bleu n°1"

[b]Dolor [/b] Victor Hugo - Les contemplations Création ! figure en deuil ! Isis austère ! Peut-être l'homme est-il son trouble et son mystère ? Peut-être qu'elle nous craint tous, Et qu'à l'heure où, ployés sous notre loi mortelle, Hagards et stupéfaits, nous tremblons devant elle, Elle frissonne devant nous ! Ne riez point. Souffrez gravement. Soyons dignes, Corbeaux, hiboux, vautours, de redevenir cygnes ! Courbons-nous sous l'obscure loi. Ne jetons pas le doute aux flots comme une sonde. Marchons sans savoir où, parlons sans qu'on réponde, Et pleurons sans savoir pourquoi. Homme, n'exige pas qu'on rompe le silence ; Dis-toi : Je suis puni. Baisse la tête et pense. C'est assez de ce que tu vois. Une parole peut sortir du puits farouche ; Ne la demande pas. Si l'abîme est la bouche, Ô Dieu, qu'est-ce donc que la voix ? Ne nous irritons pas. Il n'est pas bon de faire, Vers la clarté qui luit au centre de la sphère, À travers les cieux transparents, Voler l'affront, les cris, le rire et la satire, Et que le chandelier à sept branches attire Tous ces noirs phalènes errants. Nais, grandis, rêve, souffre, aime, vis, vieillis, tombe. L'explication sainte et calme est dans la tombe. Ô vivants, ne blasphémons point. Qu'importe à l'Incréé, qui, soulevant ses voiles, Nous offre le grand ciel, les mondes, les étoiles, Qu'une ombre lui montre le poing ? Nous figurons-nous donc qu'à l'heure où tout le prie, Pendant qu'il crée et vit, pendant qu'il approprie À chaque astre une humanité, Nous pouvons de nos cris troubler sa plénitude, Cracher notre néant jusqu'en sa solitude, Et lui gâter l'éternité ? Être ! quand dans l'éther tu dessinas les formes, Partout où tu traças les orbites énormes Des univers qui n'étaient pas, Des soleils ont jailli, fleurs de flamme, et sans nombre, Des trous qu'au firmament, en s'y posant dans l'ombre, Fit la pointe de ton compas ! Qui sommes-nous ? La nuit, la mort, l'oubli, personne. Il est. Cette splendeur suffit pour qu'on frissonne. C'est lui l'amour, c'est lui le feu. Quand les fleurs en avril éclatent pêle-mêle, C'est lui. C'est lui qui gonfle, ainsi qu'une mamelle, La rondeur de l'océan bleu. Le penseur cherche l'homme et trouve de la cendre. Il trouve l'orgueil froid, le mal, l'amour à vendre, L'erreur, le sac d'or effronté, La haine et son couteau, l'envie et son suaire, En mettant au hasard la main dans l'ossuaire Que nous nommons humanité. Parce que nous souffrons, noirs et sans rien connaître, Stupide, l'homme dit : - Je ne veux pas de l'Être ! Je souffre ; donc, l'Être n'est pas ! Tu n'admires que toi, vil passant, dans ce monde ! Tu prends pour de l'argent, ô ver, ta bave immonde Marquant la place où tu rampas ! Notre nuit veut rayer ce jour qui nous éclaire ; Nous crispons sur ce nom nos doigts pleins de colère ; Rage d'enfant qui coûte cher ! Et nous nous figurons, race imbécile et dure, Que nous avons un peu de Dieu dans notre ordure Entre notre ongle et notre chair ! Nier l'Être ! à quoi bon ? L'ironie âpre et noire Peut-elle se pencher sur le gouffre et le boire, Comme elle boit son propre fiel ? Quand notre orgueil le tait, notre douleur le nomme. Le sarcasme peut-il, en crevant l'oeil à l'homme, Crever les étoiles au ciel ? Ah ! quand nous le frappons, c'est pour nous qu'est la plaie. Pensons, croyons. Voit-on l'océan qui bégaie, Mordre avec rage son bâillon ? Adorons-le dans l'astre, et la fleur, et la femme. Ô vivants, la pensée est la pourpre de l'âme ; Le blasphème en est le haillon. Ne raillons pas. Nos coeurs sont les pavés du temple. Il nous regarde, lui que l'infini contemple. Insensé qui nie et qui mord ! Dans un rire imprudent, ne faisons pas, fils d'Ève, Apparaître nos dents devant son oeil qui rêve, Comme elle seront dans la mort. La femme nue ayant les hanches découvertes, Chair qui tente l'esprit, rit sous les feuilles vertes ; N'allons pas rire à son côté. Ne chantons pas : - Jouir est tout. Le ciel est vide. La nuit a peur, vous dis-je ! elle devient livide En contemplant l'immensité. Ô douleur ! clef des cieux, l'ironie est fumée. L'expiation rouvre une porte fermée ; Les souffrances sont des faveurs. Regardons, au-dessus des multitudes folles, Monter vers les gibets et vers les auréoles Les grands sacrifiés rêveurs. Monter, c'est s'immoler. Toute cime est sévère. L'Olympe lentement se transforme en Calvaire ; Partout le martyre est écrit ; Une immense croix gît dans notre nuit profonde ; Et nous voyons saigner aux quatre coins du monde Les quatre clous de Jésus-Christ. Ah ! vivants, vous doutez ! ah ! vous riez, squelettes ! Lorsque l'aube apparaît, ceinte de bandelettes D'or, d'émeraude et de carmin, Vous huez, vous prenez, larves que le jour dore, Pour la jeter au front céleste de l'aurore, De la cendre dans votre main. Vous criez : - Tout est mal. L'aigle vaut le reptile ; Tout ce que nous voyons n'est qu'une ombre inutile. La vie au néant nous vomit. Rien avant, rien après. Le sage doute et raille. Et, pendant ce temps-là, le brin d'herbe tressaille, L'aube pleure, et le vent gémit. Chaque fois qu'ici-bas l'homme, en proie aux désastres, Rit, blasphème, et secoue, en regardant les astres, Le sarcasme, ce vil lambeau, Les morts se dressent froids au fond du caveau sombre, Et de leur doigt de spectre écrivent - DIEU - dans l'ombre, Sous la pierre de leur tombeau.
Sémiramis Il y a 6 ans

Dolor
Victor Hugo - Les contemplations

Création ! figure en deuil ! Isis austère !
Peut-être l'homme est-il son trouble et son mystère ?
Peut-être qu'elle nous craint tous,
Et qu'à l'heure où, ployés sous notre loi mortelle,
Hagards et stupéfaits, nous tremblons devant elle,
Elle frissonne devant nous !

Ne riez point. Souffrez gravement. Soyons dignes,
Corbeaux, hiboux, vautours, de redevenir cygnes !
Courbons-nous sous l'obscure loi.
Ne jetons pas le doute aux flots comme une sonde.
Marchons sans savoir où, parlons sans qu'on réponde,
Et pleurons sans savoir pourquoi.

Homme, n'exige pas qu'on rompe le silence ;
Dis-toi : Je suis puni. Baisse la tête et pense.
C'est assez de ce que tu vois.
Une parole peut sortir du puits farouche ;
Ne la demande pas. Si l'abîme est la bouche,
Ô Dieu, qu'est-ce donc que la voix ?

Ne nous irritons pas. Il n'est pas bon de faire,
Vers la clarté qui luit au centre de la sphère,
À travers les cieux transparents,
Voler l'affront, les cris, le rire et la satire,
Et que le chandelier à sept branches attire
Tous ces noirs phalènes errants.

Nais, grandis, rêve, souffre, aime, vis, vieillis, tombe.
L'explication sainte et calme est dans la tombe.
Ô vivants, ne blasphémons point.
Qu'importe à l'Incréé, qui, soulevant ses voiles,
Nous offre le grand ciel, les mondes, les étoiles,
Qu'une ombre lui montre le poing ?

Nous figurons-nous donc qu'à l'heure où tout le prie,
Pendant qu'il crée et vit, pendant qu'il approprie
À chaque astre une humanité,
Nous pouvons de nos cris troubler sa plénitude,
Cracher notre néant jusqu'en sa solitude,
Et lui gâter l'éternité ?

Être ! quand dans l'éther tu dessinas les formes,
Partout où tu traças les orbites énormes
Des univers qui n'étaient pas,
Des soleils ont jailli, fleurs de flamme, et sans nombre,
Des trous qu'au firmament, en s'y posant dans l'ombre,
Fit la pointe de ton compas !

Qui sommes-nous ? La nuit, la mort, l'oubli, personne.
Il est. Cette splendeur suffit pour qu'on frissonne.
C'est lui l'amour, c'est lui le feu.
Quand les fleurs en avril éclatent pêle-mêle,
C'est lui. C'est lui qui gonfle, ainsi qu'une mamelle,
La rondeur de l'océan bleu.

Le penseur cherche l'homme et trouve de la cendre.
Il trouve l'orgueil froid, le mal, l'amour à vendre,
L'erreur, le sac d'or effronté,
La haine et son couteau, l'envie et son suaire,
En mettant au hasard la main dans l'ossuaire
Que nous nommons humanité.

Parce que nous souffrons, noirs et sans rien connaître,
Stupide, l'homme dit : - Je ne veux pas de l'Être !
Je souffre ; donc, l'Être n'est pas !
Tu n'admires que toi, vil passant, dans ce monde !
Tu prends pour de l'argent, ô ver, ta bave immonde
Marquant la place où tu rampas !

Notre nuit veut rayer ce jour qui nous éclaire ;
Nous crispons sur ce nom nos doigts pleins de colère ;
Rage d'enfant qui coûte cher !
Et nous nous figurons, race imbécile et dure,
Que nous avons un peu de Dieu dans notre ordure
Entre notre ongle et notre chair !

Nier l'Être ! à quoi bon ? L'ironie âpre et noire
Peut-elle se pencher sur le gouffre et le boire,
Comme elle boit son propre fiel ?
Quand notre orgueil le tait, notre douleur le nomme.
Le sarcasme peut-il, en crevant l'oeil à l'homme,
Crever les étoiles au ciel ?

Ah ! quand nous le frappons, c'est pour nous qu'est la plaie.
Pensons, croyons. Voit-on l'océan qui bégaie,
Mordre avec rage son bâillon ?
Adorons-le dans l'astre, et la fleur, et la femme.
Ô vivants, la pensée est la pourpre de l'âme ;
Le blasphème en est le haillon.

Ne raillons pas. Nos coeurs sont les pavés du temple.
Il nous regarde, lui que l'infini contemple.
Insensé qui nie et qui mord !
Dans un rire imprudent, ne faisons pas, fils d'Ève,
Apparaître nos dents devant son oeil qui rêve,
Comme elle seront dans la mort.

La femme nue ayant les hanches découvertes,
Chair qui tente l'esprit, rit sous les feuilles vertes ;
N'allons pas rire à son côté.
Ne chantons pas : - Jouir est tout. Le ciel est vide.
La nuit a peur, vous dis-je ! elle devient livide
En contemplant l'immensité.

Ô douleur ! clef des cieux, l'ironie est fumée.
L'expiation rouvre une porte fermée ;
Les souffrances sont des faveurs.
Regardons, au-dessus des multitudes folles,
Monter vers les gibets et vers les auréoles
Les grands sacrifiés rêveurs.

Monter, c'est s'immoler. Toute cime est sévère.
L'Olympe lentement se transforme en Calvaire ;
Partout le martyre est écrit ;
Une immense croix gît dans notre nuit profonde ;
Et nous voyons saigner aux quatre coins du monde
Les quatre clous de Jésus-Christ.

Ah ! vivants, vous doutez ! ah ! vous riez, squelettes !
Lorsque l'aube apparaît, ceinte de bandelettes
D'or, d'émeraude et de carmin,
Vous huez, vous prenez, larves que le jour dore,
Pour la jeter au front céleste de l'aurore,
De la cendre dans votre main.

Vous criez : - Tout est mal. L'aigle vaut le reptile ;
Tout ce que nous voyons n'est qu'une ombre inutile.
La vie au néant nous vomit.
Rien avant, rien après. Le sage doute et raille.
Et, pendant ce temps-là, le brin d'herbe tressaille,
L'aube pleure, et le vent gémit.

Chaque fois qu'ici-bas l'homme, en proie aux désastres,
Rit, blasphème, et secoue, en regardant les astres,
Le sarcasme, ce vil lambeau,
Les morts se dressent froids au fond du caveau sombre,
Et de leur doigt de spectre écrivent - DIEU - dans l'ombre,
Sous la pierre de leur tombeau.

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AnonymeIl y a 6 ans

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[b]L'Eternité[/b] Arthur Rimbaud Elle est retrouvée. Quoi ? - L'Eternité. C'est la mer allée Avec le soleil. Ame sentinelle, Murmurons l'aveu De la nuit si nulle Et du jour en feu. Des humains suffrages, Des communs élans Là tu te dégages Et voles selon. Puisque de vous seules, Braises de satin, Le Devoir s'exhale Sans qu'on dise : enfin. Là pas d'espérance, Nul orietur. Science avec patience, Le supplice est sûr. Elle est retrouvée. Quoi ? - L'Eternité. C'est la mer allée Avec le soleil.
Sémiramis Il y a 6 ans

L'Eternité
Arthur Rimbaud

Elle est retrouvée.
Quoi ? - L'Eternité.
C'est la mer allée
Avec le soleil.

Ame sentinelle,
Murmurons l'aveu
De la nuit si nulle
Et du jour en feu.

Des humains suffrages,
Des communs élans
Là tu te dégages
Et voles selon.

Puisque de vous seules,
Braises de satin,
Le Devoir s'exhale
Sans qu'on dise : enfin.

Là pas d'espérance,
Nul orietur.
Science avec patience,
Le supplice est sûr.

Elle est retrouvée.
Quoi ? - L'Eternité.
C'est la mer allée
Avec le soleil.

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AnonymeIl y a 6 ans

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Rien n’est jamais acquis à l’homme Ni sa force Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit Ouvrir ses bras son ombre est celle d’une croix Et quand il croit serrer son bonheur il le broie Sa vie est un étrange et douloureux divorce Il n’y a pas d’amour heureux Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes Qu’on avait habillés pour un autre destin A quoi peut leur servir de se lever matin Eux qu’on retrouve au soir désoeuvrés incertains Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes Il n’y a pas d’amour heureux Mon bel amour mon cher amour ma déchirure Je te porte dans moi comme un oiseau blessé Et ceux-là sans savoir nous regardent passer Répétant après moi les mots que j’ai tressés Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent Il n’y a pas d’amour heureux Le temps d’apprendre à vivre il est déjà trop tard Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l’unisson Ce qu’il faut de malheur pour la moindre chanson Ce qu’il faut de regrets pour payer un frisson Ce qu’il faut de sanglots pour un air de guitare Il n’y a pas d’amour heureux Il n’y a pas d’amour qui ne soit à douleur Il n’y a pas d’amour dont on ne soit meurtri Il n’y a pas d’amour dont on ne soit flétri Et pas plus que de toi l’amour de la patrie Il n’y a pas d’amour qui ne vive de pleurs Il n’y a pas d’amour heureux Mais c’est notre amour à tous les deux Rien n’est jamais acquis à l’homme Ni sa force Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit Ouvrir ses bras son ombre est celle d’une croix Et quand il croit serrer son bonheur il le broie Sa vie est un étrange et douloureux divorce Il n’y a pas d’amour heureux Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes Qu’on avait habillés pour un autre destin A quoi peut leur servir de se lever matin Eux qu’on retrouve au soir désoeuvrés incertains Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes Il n’y a pas d’amour heureux Mon bel amour mon cher amour ma déchirure Je te porte dans moi comme un oiseau blessé Et ceux-là sans savoir nous regardent passer Répétant après moi les mots que j’ai tressés Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent Il n’y a pas d’amour heureux Le temps d’apprendre à vivre il est déjà trop tard Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l’unisson Ce qu’il faut de malheur pour la moindre chanson Ce qu’il faut de regrets pour payer un frisson Ce qu’il faut de sanglots pour un air de guitare Il n’y a pas d’amour heureux Il n’y a pas d’amour qui ne soit à douleur Il n’y a pas d’amour dont on ne soit meurtri Il n’y a pas d’amour dont on ne soit flétri Et pas plus que de toi l’amour de la patrie Il n’y a pas d’amour qui ne vive de pleurs Il n’y a pas d’amour heureux Mais c’est notre amour à tous les deux Louis ARAGON - Il n’y a pas d’amour heureux Recueil : "La Diane française"
LucioLLe Il y a 6 ans

Rien n’est jamais acquis à l’homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d’une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
Il n’y a pas d’amour heureux

Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes
Qu’on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu’on retrouve au soir désoeuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
Il n’y a pas d’amour heureux

Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-là sans savoir nous regardent passer
Répétant après moi les mots que j’ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent
Il n’y a pas d’amour heureux

Le temps d’apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l’unisson
Ce qu’il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu’il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu’il faut de sanglots pour un air de guitare
Il n’y a pas d’amour heureux

Il n’y a pas d’amour qui ne soit à douleur
Il n’y a pas d’amour dont on ne soit meurtri
Il n’y a pas d’amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l’amour de la patrie
Il n’y a pas d’amour qui ne vive de pleurs
Il n’y a pas d’amour heureux
Mais c’est notre amour à tous les deux

Rien n’est jamais acquis à l’homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d’une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
Il n’y a pas d’amour heureux

Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes
Qu’on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu’on retrouve au soir désoeuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
Il n’y a pas d’amour heureux

Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-là sans savoir nous regardent passer
Répétant après moi les mots que j’ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent
Il n’y a pas d’amour heureux

Le temps d’apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l’unisson
Ce qu’il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu’il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu’il faut de sanglots pour un air de guitare
Il n’y a pas d’amour heureux

Il n’y a pas d’amour qui ne soit à douleur
Il n’y a pas d’amour dont on ne soit meurtri
Il n’y a pas d’amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l’amour de la patrie
Il n’y a pas d’amour qui ne vive de pleurs
Il n’y a pas d’amour heureux
Mais c’est notre amour à tous les deux

Louis ARAGON - Il n’y a pas d’amour heureux
Recueil : "La Diane française"

Entre tous mes tourments entre la mort et moi Entre mon désespoir et la raison de vivre Il y a l'injustice et ce malheur des hommes Que je ne peux admettre il y a ma colère Il y a les maquis couleur de sang d'Espagne Il y a les maquis couleur du ciel de Grèce Le pain le sang le ciel et le droit à l'espoir Pour tous les innocents qui haïssent le mal La lumière toujours est tout près de s'éteindre La vie toujours s'apprête à devenir fumier Mais le printemps renaît qui n'en a pas fini Un bourgeon sort du noir et la chaleur s'installe Et la chaleur aura raison des égoïstes Leurs sens atrophiés n'y résisteront pas J'entends le feu parler en riant de tiédeur J'entends un homme dire qu'il n'a pas souffert Toi qui fus de ma chair la conscience sensible Toi que j'aime à jamais toi qui m'as inventé Tu ne supportais pas l'oppression ni l'injure Tu chantais en rêvant le bonheur sur la terre Tu rêvais d'être libre et je te continue. [b]Dit de la Force et de l'Amour[/b] Paul Eluard
Sémiramis Il y a 6 ans

Entre tous mes tourments entre la mort et moi
Entre mon désespoir et la raison de vivre
Il y a l'injustice et ce malheur des hommes
Que je ne peux admettre il y a ma colère

Il y a les maquis couleur de sang d'Espagne
Il y a les maquis couleur du ciel de Grèce
Le pain le sang le ciel et le droit à l'espoir
Pour tous les innocents qui haïssent le mal

La lumière toujours est tout près de s'éteindre
La vie toujours s'apprête à devenir fumier
Mais le printemps renaît qui n'en a pas fini
Un bourgeon sort du noir et la chaleur s'installe

Et la chaleur aura raison des égoïstes
Leurs sens atrophiés n'y résisteront pas
J'entends le feu parler en riant de tiédeur
J'entends un homme dire qu'il n'a pas souffert

Toi qui fus de ma chair la conscience sensible
Toi que j'aime à jamais toi qui m'as inventé
Tu ne supportais pas l'oppression ni l'injure
Tu chantais en rêvant le bonheur sur la terre
Tu rêvais d'être libre et je te continue.

Dit de la Force et de l'Amour
Paul Eluard

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AnonymeIl y a 6 ans

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AnonymeIl y a 6 ans

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Le poëte au cachot, débraillé, maladif, Roulant un manuscrit sous son pied convulsif, Mesure d’un regard que la terreur enflamme L’escalier de vertige où s’abîme son âme. Les rires enivrants dont s’emplit la prison Vers l’étrange et l’absurde invitent sa raison; Le Doute l’environne et la Peur ridicule Hideuse et multiforme, autour de lui circule. Ce génie enfermé dans un taudis malsain, Ces grimaces, ces cris, ces spectres dont l’essaim Tourbillonne, ameuté derrière son oreille, Ce rêveur que l’horreur de son logis réveille, Voilà bien ton emblème, Âme aux songes obscurs, Que le Réel étouffe entre ses quatre murs! Baudelaire
Sémiramis Il y a 6 ans

Le poëte au cachot, débraillé, maladif,
Roulant un manuscrit sous son pied convulsif,
Mesure d’un regard que la terreur enflamme
L’escalier de vertige où s’abîme son âme.

Les rires enivrants dont s’emplit la prison
Vers l’étrange et l’absurde invitent sa raison;
Le Doute l’environne et la Peur ridicule
Hideuse et multiforme, autour de lui circule.

Ce génie enfermé dans un taudis malsain,
Ces grimaces, ces cris, ces spectres dont l’essaim
Tourbillonne, ameuté derrière son oreille,

Ce rêveur que l’horreur de son logis réveille,
Voilà bien ton emblème, Âme aux songes obscurs,
Que le Réel étouffe entre ses quatre murs!

Baudelaire

The Lady of Shalott par Lord Alfred Tennyson "Part I On either side the river lie Long fields of barley and of rye, That clothe the wold and meet the sky; And thro' the field the road runs by To many-tower'd Camelot; And up and down the people go, Gazing where the lilies blow Round an island there below, The island of Shalott. Willows whiten, aspens quiver, Little breezes dusk and shiver Thro' the wave that runs for ever By the island in the river Flowing down to Camelot. Four gray walls, and four gray towers, Overlook a space for flowers, And the silent isle imbowers The Lady of Shalott. By the margin, willow-veil'd Slide the heavy barges trail'd By slow horses; and unhail'd The shallop flitteth silken-sail'd Skimming down to Camelot: But who hath seen her wave her hand? Or at the casement seen her stand? Or is she known in all the land, The Lady of Shalott? Only reapers, reaping early In among the bearded barley, Hear a song that echoes cheerly From the river winding clearly, Down to tower'd Camelot: And by the moon the reaper weary, Piling sheaves in uplands airy, Listening, whispers "'Tis the fairy The Lady of Shalott." Part II There she weaves by night and day A magic web with colours gay. She has heard a whisper say, A curse is on her if she stay To look down to Camelot. She knows not what the curse may be, And so she weaveth steadily, And little other care hath she, The Lady of Shalott. And moving thro' a mirror clear That hangs before her all the year, Shadows of the world appear. There she sees the highway near Winding down to Camelot: There the river eddy whirls, And there the surly village-churls, And the red cloaks of market girls, Pass onward from Shalott. Sometimes a troop of damsels glad, An abbot on an ambling pad, Sometimes a curly shepherd-lad, Or long-hair'd page in crimson clad, Goes by to tower'd Camelot; And sometimes thro' the mirror blue The knights come riding two and two: She hath no loyal knight and true, The Lady of Shalott. But in her web she still delights To weave the mirror's magic sights, For often thro' the silent nights A funeral, with plumes and lights And music, went to Camelot: Or when the moon was overhead, Came two young lovers lately wed; "I am half-sick of shadows," said The Lady of Shalott Part III A bow-shot from her bower-eaves, He rode between the barley-sheaves, The sun came dazzling thro' the leaves, And flamed upon the brazen greaves Of bold Sir Lancelot. A redcross knight for ever kneel'd To a lady in his shield, That sparkled on the yellow field, Beside remote Shalott. The gemmy bridle glitter'd free, Like to some branch of stars we see Hung in the golden Galaxy. The bridle-bells rang merrily As he rode down to Camelot: And from his blazon'd baldric slung A mighty silver bugle hung, And as he rode his armour rung, Beside remote Shalott. All in the blue unclouded weather Thick-jewell'd shone the saddle-leather, The helmet and the helmet-feather Burn'd like one burning flame together, As he rode down to Camelot. As often thro' the purple night, Below the starry clusters bright, Some bearded meteor, trailing light, Moves over still Shalott. His broad clear brow in sunlight glow'd; On burnish'd hooves his war-horse trode; From underneath his helmet flow'd His coal-black curls as on he rode, As he rode down to Camelot. From the bank and from the river He flash'd into the crystal mirror, "Tirra lirra," by the river Sang Sir Lancelot. She left the web, she left the loom, She made three paces thro' the room, She saw the water-lily bloom, She saw the helmet and the plume, She look'd down to Camelot. Out flew the web and floated wide; The mirror crack'd from side to side; "The curse is come upon me," cried The Lady of Shalott. Part IV In the stormy east-wind straining, The pale-yellow woods were waning, The broad stream in his banks complaining, Heavily the low sky raining Over tower'd Camelot; Down she came and found a boat Beneath a willow left afloat, And round about the prow she wrote The Lady of Shalott. And down the river's dim expanse Like some bold seer in a trance, Seeing all his own mischance With a glassy countenance Did she look to Camelot. And at the closing of the day She loosed the chain, and down she lay; The broad stream bore her far away, The Lady of Shalott. Lying, robed in snowy white That loosely flew to left and right The leaves upon her falling light Thro' the noises of the night She floated down to Camelot: And as the boat-head wound along The willowy hills and fields among, They heard her singing her last song, The Lady of Shalott. Heard a carol, mournful, holy, Chanted loudly, chanted lowly, Till her blood was frozen slowly, And her eyes were darken'd wholly, Turn'd to tower'd Camelot; For ere she reach'd upon the tide The first house by the water-side, Singing in her song she died, The Lady of Shalott. Under tower and balcony, By garden-wall and gallery, A gleaming shape she floated by, A corpse between the houses high, Silent into Camelot. Out upon the wharfs they came, Knight and burgher, lord and dame, And round the prow they read her name, The Lady of Shalott. Who is this? and what is here? And in the lighted palace near Died the sound of royal cheer; And they cross'd themselves for fear, All the knights at Camelot; But Lancelot mused a little space. He said, "She has a lovely face; God in his mercy lend her grace, The Lady of Shalott.""
Sémiramis Il y a 6 ans

The Lady of Shalott par Lord Alfred Tennyson

"Part I
On either side the river lie
Long fields of barley and of rye,
That clothe the wold and meet the sky;
And thro' the field the road runs by
To many-tower'd Camelot;
And up and down the people go,
Gazing where the lilies blow
Round an island there below,
The island of Shalott.
Willows whiten, aspens quiver,
Little breezes dusk and shiver
Thro' the wave that runs for ever
By the island in the river
Flowing down to Camelot.
Four gray walls, and four gray towers,
Overlook a space for flowers,
And the silent isle imbowers
The Lady of Shalott.
By the margin, willow-veil'd
Slide the heavy barges trail'd
By slow horses; and unhail'd
The shallop flitteth silken-sail'd
Skimming down to Camelot:
But who hath seen her wave her hand?
Or at the casement seen her stand?
Or is she known in all the land,
The Lady of Shalott?
Only reapers, reaping early
In among the bearded barley,
Hear a song that echoes cheerly
From the river winding clearly,
Down to tower'd Camelot:
And by the moon the reaper weary,
Piling sheaves in uplands airy,
Listening, whispers "'Tis the fairy
The Lady of Shalott."

Part II
There she weaves by night and day
A magic web with colours gay.
She has heard a whisper say,
A curse is on her if she stay
To look down to Camelot.
She knows not what the curse may be,
And so she weaveth steadily,
And little other care hath she,
The Lady of Shalott.
And moving thro' a mirror clear
That hangs before her all the year,
Shadows of the world appear.
There she sees the highway near
Winding down to Camelot:
There the river eddy whirls,
And there the surly village-churls,
And the red cloaks of market girls,
Pass onward from Shalott.
Sometimes a troop of damsels glad,
An abbot on an ambling pad,
Sometimes a curly shepherd-lad,
Or long-hair'd page in crimson clad,
Goes by to tower'd Camelot;
And sometimes thro' the mirror blue
The knights come riding two and two:
She hath no loyal knight and true,
The Lady of Shalott.
But in her web she still delights
To weave the mirror's magic sights,
For often thro' the silent nights
A funeral, with plumes and lights
And music, went to Camelot:
Or when the moon was overhead,
Came two young lovers lately wed;
"I am half-sick of shadows," said
The Lady of Shalott

Part III
A bow-shot from her bower-eaves,
He rode between the barley-sheaves,
The sun came dazzling thro' the leaves,
And flamed upon the brazen greaves
Of bold Sir Lancelot.
A redcross knight for ever kneel'd
To a lady in his shield,
That sparkled on the yellow field,
Beside remote Shalott.
The gemmy bridle glitter'd free,
Like to some branch of stars we see
Hung in the golden Galaxy.
The bridle-bells rang merrily
As he rode down to Camelot:
And from his blazon'd baldric slung
A mighty silver bugle hung,
And as he rode his armour rung,
Beside remote Shalott.
All in the blue unclouded weather
Thick-jewell'd shone the saddle-leather,
The helmet and the helmet-feather
Burn'd like one burning flame together,
As he rode down to Camelot.
As often thro' the purple night,
Below the starry clusters bright,
Some bearded meteor, trailing light,
Moves over still Shalott.
His broad clear brow in sunlight glow'd;
On burnish'd hooves his war-horse trode;
From underneath his helmet flow'd
His coal-black curls as on he rode,
As he rode down to Camelot.
From the bank and from the river
He flash'd into the crystal mirror,
"Tirra lirra," by the river
Sang Sir Lancelot.
She left the web, she left the loom,
She made three paces thro' the room,
She saw the water-lily bloom,
She saw the helmet and the plume,
She look'd down to Camelot.
Out flew the web and floated wide;
The mirror crack'd from side to side;
"The curse is come upon me," cried
The Lady of Shalott.

Part IV
In the stormy east-wind straining,
The pale-yellow woods were waning,
The broad stream in his banks complaining,
Heavily the low sky raining
Over tower'd Camelot;
Down she came and found a boat
Beneath a willow left afloat,
And round about the prow she wrote
The Lady of Shalott.
And down the river's dim expanse
Like some bold seer in a trance,
Seeing all his own mischance
With a glassy countenance
Did she look to Camelot.
And at the closing of the day
She loosed the chain, and down she lay;
The broad stream bore her far away,
The Lady of Shalott.
Lying, robed in snowy white
That loosely flew to left and right
The leaves upon her falling light
Thro' the noises of the night
She floated down to Camelot:
And as the boat-head wound along
The willowy hills and fields among,
They heard her singing her last song,
The Lady of Shalott.
Heard a carol, mournful, holy,
Chanted loudly, chanted lowly,
Till her blood was frozen slowly,
And her eyes were darken'd wholly,
Turn'd to tower'd Camelot;
For ere she reach'd upon the tide
The first house by the water-side,
Singing in her song she died,
The Lady of Shalott.
Under tower and balcony,
By garden-wall and gallery,
A gleaming shape she floated by,
A corpse between the houses high,
Silent into Camelot.
Out upon the wharfs they came,
Knight and burgher, lord and dame,
And round the prow they read her name,
The Lady of Shalott.
Who is this? and what is here?
And in the lighted palace near
Died the sound of royal cheer;
And they cross'd themselves for fear,
All the knights at Camelot;
But Lancelot mused a little space.
He said, "She has a lovely face;
God in his mercy lend her grace,
The Lady of Shalott.""

[b]L'Air de l'eau [/b] André Breton L’Aigle sexuel exulte il va dorer la terre encore une fois Son aile descendante Son aile ascendante agite imperceptiblement les manches de la menthe poivrée Et tout l’adorale déshabillé de l’eau Les jours sont comptés si clairement Que le miroir a fait place à une nuée de frondes Je ne vois du ciel qu’une étoile Il n’y a plus autour de nous que le lait décrivant son ellipse vertigineuse D’où la molle intuition aux paupières d’agate oeillée Se soulève parfois pour piquer la pointe de son ombrelle dans la boue de la lumière électrique Alors des étendues jettent l’ancre se déploient au fond de mon œil fermé Icebergs rayonnant des coutumes de tous les mondes à venir Nés d’une parcelle de toi d’une parcelle inconnue et glacée qui s’envole Ton existence le bouquet géant qui s’échappe de mes bras Est mal liée elle creuse les murs déroule les escaliers des maisons Elle s’effeuille dans les vitrines de la rue Aux nouvelles je pars sans cesse aux nouvelles Le journal est aujourd’hui de verre et si les lettres n’ar- rivent plus C’est parce que le train a été mangé La grande incision de l’émeraude qui donne naissance au feuillage Est cicatrisée pour toujours les scieries de neige aveu- glante Et les carrière de chair bourdonnent seules au premier rayon Renversé dans ce rayon Je prends l’empreinte de la mort et de la vie A l’air liquide
Sémiramis Il y a 6 ans

L'Air de l'eau
André Breton

L’Aigle sexuel exulte il va dorer la terre encore une fois
Son aile descendante
Son aile ascendante agite imperceptiblement les manches
de la menthe poivrée
Et tout l’adorale déshabillé de l’eau
Les jours sont comptés si clairement
Que le miroir a fait place à une nuée de frondes
Je ne vois du ciel qu’une étoile
Il n’y a plus autour de nous que le lait décrivant son
ellipse vertigineuse
D’où la molle intuition aux paupières d’agate oeillée
Se soulève parfois pour piquer la pointe de son ombrelle
dans la boue de la lumière électrique
Alors des étendues jettent l’ancre se déploient au fond de
mon œil fermé
Icebergs rayonnant des coutumes de tous les mondes à
venir
Nés d’une parcelle de toi d’une parcelle inconnue et
glacée qui s’envole
Ton existence le bouquet géant qui s’échappe de mes bras
Est mal liée elle creuse les murs déroule les escaliers
des maisons
Elle s’effeuille dans les vitrines de la rue
Aux nouvelles je pars sans cesse aux nouvelles
Le journal est aujourd’hui de verre et si les lettres n’ar-
rivent plus
C’est parce que le train a été mangé
La grande incision de l’émeraude qui donne naissance
au feuillage
Est cicatrisée pour toujours les scieries de neige aveu-
glante
Et les carrière de chair bourdonnent seules au premier
rayon
Renversé dans ce rayon
Je prends l’empreinte de la mort et de la vie
A l’air liquide