Avec le recul on se demande un peu cqui nous à pris. Partir sur un coup dtête, claquer la porte, et faire rugir le moteur. Au départ je crois quon a juste pensé quil ny avait rien dautre à faire. Et il a bien fallu que lun de nous prenne les devants, alors jai pris les clés de la caisse, enfilé mes bottes et dévalé le salon sans dire au revoir à personne. « Ju, Mickey, on scasse, yen a marre de cette famille de taré. » Et ils mont suivi, sans sposer de question. Dailleurs je crois quaucun de nous nétait en état de réfléchir, et si cétait à refaire on nserait sûrement pas parti, du moins pas comme ça. Et puis tout sest enchainé, cest comme si davoir franchi cette porte avait été un point de non retour, une sorte dengrenage, et on sest tout les trois cru obligé dcontinuer, jusquau bout, jusqu'à toucher le fond.<br /><br />Alors voilà où ça nous mène, Mickey qui agonise sur la banquette arrière, son sang qui se répand sur le pauvre Julien qui commence à délirer complètement. Milie reste impassible, les yeux collés à la route, et jfonce toujours plus vite, comme si ça pouvait nous faire sortir de ce cauchemar. Qui sait ? Un grand mur en pleine face, un ravin, une sortie de route qui pourrait nous ramener au point de départ. Mais putain cest trop réel, on a gâché nos vies et maintenant on nregrette, bande de paumés, bande de minables. Et la petite, qui na jamais bronché, qui reste là sur le siège passager, on a gâché sa vie à elle aussi. Au fond, si je lavais laissé là bas, elle aurait peut être pu avoir une vie à peu près normale. Des géniteurs qui nmérite absolument pas le titre de parent, mais cest toujours mieux que dmourir à cinq ans dans une carcasse de voiture volée par trois imbéciles.<br /><br />« Bordel, faut quon sarrête devant un hosto, tentend Shirley, il va crever putain dmerde !».<br />Quest ce quil croit ce con ? Jfais cque jpeux, je sais même pas où on est, comment il veut que jtrouve un hôpital ? De toute façon il va y rester, on peut plus rien faire. Et puis pendant que jpense à Milie, ya la route qui défile, interminable, en ligne droite à travers les champs, comme une grande voie toute tracée vers lenfer. Jsais pas pourquoi je continue daccélérer, peut être pour arrêter dpenser. Mais putain, je laime cette gamine, comme si cétait ma fille, et jai pourri sa vie. On est toujours trop égoïste quand on à vingt ans. On croit tout savoir, on sdit quune vie meilleure nous attend forcément ailleurs, on prend fais des choix sans réfléchir aux conséquences, à jamais vouloir se contenter du peu quon a, à toujours courir après des rêves insensés, une putain dvie dartiste, tu parles !<br /><br />Stop !<br /><br />- Merde. Cétait quoi ça ? Pourquoi tas freiné ?<br />- La ferme julien ! Milie ? Milie, répond moi !<br /><br />Ça devait bien faire quarante minutes quelle était morte. Moi qui pensais quelle regardait fixement la route pour ne pas voir son abruti de frère se vider de son sang à larrière. Jétais trop concentrée sur la pédale daccélération pour comprendre labsurdité de tout ce qui venait de se passer. Si il y avait eu un ravin dans lequel plonger, je crois que jaurais foncé droit dedans. Au lieu de ça, on sest contenté dattendre que les flics arrivent. Enfin Julien sest cassé à pied, à travers les champs, et Mickey est mort dans mes bras quelques minutes avant quils nous choppent. Jaurais pu me mettre à mdemander comment la vie pouvait sacharner à ce point sur nous, sur moi. En fin de compte, cétait beaucoup plus simple, jai juste été une petite conne bornée et impulsive une fois de trop. Je ne sais pas qui est responsable de tout ce que jai pu subir avant tout ça, et je ne sais même pas quand est-ce que jai commencé à dérailler, mais je suis sûr dune chose maintenant, cest moi qui ait foutu en lair la vie de cette gamine qui navait même pas six ans. Ne me pardonne pas Milie, je nen vaux pas la peine